Machines à laver la vaisselle

E. Weiss, La Nature N°2608 - 29 Mars 1924
Mercredi 12 septembre 2012 — Dernier ajout samedi 22 juin 2019

Il n’y a pas de besogne domestique plus désagréable que celle qui consiste à laver la vaisselle. Le lavage effectué à la main, comme on le fait généralement, est fastidieux si l’on doit nettoyer un nombre un peu important de pièces. Malgré l’habileté de la laveuse, celle-ci ne peut dépasser une vitesse limite de travail quand elle veut le faire convenablement.

Les premières machines à laver la vaisselle, qui aient été employées d’une façon courante sont des machines américaines ; elles sont actuellement fort répandues aux États-Unis, pays qui a toujours souffert d’une certaine crise de main-d’œuvre en vue de telles besognes d’ordre inférieur.

Ces machines facilitent le travail, suppriment toute manipulation répugnante ou désagréable.

Généralement, ce sont des machines à grand débit, elles s’adressent alors plutôt à des collectivités qu’à des particuliers.

En France, il existait aussi, depuis de longues années, des machines de ce genre ; mais toutes étaient des machines à grand débit ; on s’en servait notamment à bord des grands paquebots. Mais la machine moyenne et à plus forte raison la machine de ménage n’ont jamais été réalisées. La situation a changé en ces derniers temps : la pénurie et le prix élevé de la main-d’œuvre domestique ont suscité les recherches. Aussi au dernier Salon des Appareils ménagers, a-t-on pu examiner, à côté de machines étrangères, des machines à laver la vaisselle dues à des inventeurs et à des constructeurs français.

Nous allons décrire les principaux types de machines, en essayant de nous faire une opinion sur l’efficacité de leur fonctionnement et sur leurs avantages pratiques.

Principe des machines à laver la vaisselle. - Il est difficile de reproduire le mouvement de la lavette manuelle avec un mécanisme simple, aussi la totalité des inventeurs se. contentent de diriger d’une façon plus ou moins parfaite des jets d’eau de lavage sur les pièces qu’il s’agit de nettoyer. Dans tous les types de machines, sauf un seul, les pièces sont immobilisées dans les paniers, sous prétexte d’éviter toute casse éventuelle.

Cette crainte est exagérée : il est indispensable de communiquer aux assiettes et aux plats un déplacement quelconque, même faible, devant les jets d’eau de lavage. C’est une condition presque indispensable, si l’on veut que toutes les parties des surfaces se trouvent souvent soumises au nettoyage.

La circulation de l’eau dans l’intérieur des appareils est obtenue pal’ un jeu de palettes rotatives ou par l’action d’une petite pompe centrifuge. Enfin les machines de débit important sont munies d’ appareils de chauffage, de manière à réduire au minimum les manipulations.

Un appareil d’ailleurs ingénieux reproduit le mouvement manuel sur les pièces à laver, mais il s’agit d’un système qui traite une pièce à la fois.

Sa grande qualité est d’éviter tout contact de la main avec les pièces sales et d’ opérer plus rapide. ment qu’avec la lavette ordinaire. Nous commencerons par cet appareil la série de descriptions des différentes machines domestiques existant à l’heure actuelle.

Système laveur Guye. - L’appareil imaginé par M. Guye comporte deux parties principales : la main mécanique et le récipient laveur avec un mécanisme frotteur.

La main mécanique est un support à poignée inclinée en forme de C. Sur les branches du support peut tourner un tube vertical, qui comporte une ventouse en caoutchouc dans le bas, tandis qu’à la partie supérieure, il est muni d’une attache pour une manivelle à charnière. Celle-ci agit, en se relevant de bas en haut, sur une bielle qui commande l’aspiration dans la ventouse en caoutchouc, de sorte que l’on peut assujettir fortement une assiette ou un plat en appliquant la ventouse et en manœuvrant la bielle.

En faisant tourner la manivelle et son bouton, on communique ensuite à l’assiette un mouvement de rotation : on peut alors traiter l’assiette avec le mécanisme frotteur qui fait l’office de lavette.

Ce mécanisme est composé d’une brosse, du genre de celles utilisées pour le rinçage des bouteilles, brosse qui tourne sur un axe, monté dans un support coudé à deux branches inégales. Tout le système est immergé dans le bain de lavage.

Un disque en caoutchouc est solidaire de la brosse et, lorsque l’on présente l’assiette dans l’appareil, l’assiette, qui est animée comme on l’a dit plus haut, d’un mouvement de rotation par la manœuvre de la manivelle, il fait tourner par friction le disque et par suite la brosse nettoyeuse.

Une petite brosse oscillante supplémentaire permet le nettoyage du dessous des bords de la vaisselle.

On agit donc sur une seule pièce à la fois et pour des appareils à grand débit, on combine deux bains et deux appareils : un destiné au nettoyage et l’autre réservé au rinçage.

Le support ou main mécanique peut être employé seul et, de cette façon on n’a pas besoin de toucher l’assiette sale pendant qu’on la nettoie avec une lavette.

Machine avec manivelle à main. - Dans cette machine, une roue à palettes située entre les fonds de deux récipients qui s’emboîtent l’un dans l’autre est actionnée à la main par une manivelle. L’eau, comprimée par les aubes, est forcée de se répandre par de nombreux trous dans le récipient intérieur et les jets d’eau, contrariés par le couvercle, retombent sur la vaisselle.

D’autre part des jets arrivent de bas en haut par des trous inférieurs du renflement du récipient qui contient le porte-vaisselle.

La vaisselle, les verres, les couteaux, les fourchettes sont disposés sur le porte-vaisselle, un plateau spécial soutenant les petites pièces.

L’eau de lavage est filtrée par une passoire avant de retomber dans la cavité inférieure où elle est reprise par les aubes.

Le rinçage s’effectue à l’eau très chaude.

Machines électriques à porte-vaisselle fixe. — Toutes ces machines utilisent des palettes ou une pompe centrifuge actionnées par un moteur électrique pour assurer la circulation soit de l’eau de lavage, soit de l’eau de rinçage. Elles diffèrent les unes des autres par les dispositions adoptées pour forcer l’eau à agir sur toute la surface des pièces.

La machine Crescent est très perfectionnée ; elle est répandue en Amérique dans les hôtels, restaurants, hôpitaux, etc. (fig. 4).

La pompe alimente des moulinets de lavage qui arrosent les pièces en tourbillonnant. Les portes de la machine sont hermétiques, de sorte que ni l’eau, ni la vapeur ne peuvent sortir. Les pièces sont disposées dans des corbeilles et un levier met le moteur et la pompe en marche avec de l’eau savonneuse.

Le rinçage se fait avec un jet d’eau chaude qui provient d’une petite chaudière et le séchage se produit de lui-même, car les assiettes sont chauffées par l’action des jets chauds et cette chaleur produit le séchage en fin d’opération.

Dans d’autres systèmes, un tuyau oscillant percé de centaines de trous distribue l’eau de lavage, qui a passé sur du savon en morceaux et qui retourne au récipient par l’intermédiaire d’un tamis. Le travail fini, on expulse l’eau de lavage par la manœuvre de robinets et on envoie l’eau de rinçage chaude.

Dans certains modèles plus simples, comme celui de La Maison Moderne, le mouvement rapide d’une hélice projette à la partie supérieure la lessive qui retombe sur les pièces. Le dessus de la cuve est vitrée, ce qui permet de se rendre compte de l’avancement du travail.

Le lavage fini, on soutire la lessive, et on la remplace par de l’eau chaude, pour effectuer le rinçage par le mouvement de l’hélice.

C’est une disposition de ce genre qui existe dans la machine Thomson, à la variante près que l’organe propulseur de l’eau est une pale d’hélice (fig. 7).

Comme dans les systèmes précédents, le mouvement est fourni par un moteur électrique et des liaisons par engrenages.

Dans la machine Lemercier, un arbre à palettes projette l’eau de lavage sur la vaisselle. Cotte eau additionnée de savon noir et de cristaux est contenue dans un réservoir inférieur où barbote l’arbre à palettes.

Elle est à 50° environ et se trouve chauffée soit par le gaz, soit par l’électricité (fig. 5)

Un petit réservoir placé plus bas, chauffé de la même manière, contient l’eau de rinçage à 90° qui, par sa température, détermine l’asepsie et le séchage ultérieur parfait de la vaisselle.

Dans cette machine, les seuls organes à manœuvrer sont des interrupteurs et des robinets, car le fonctionnement est complètement automatique. La vaisselle reste naturellement immobile dans le panier.

Machines à porte-vaisselle mobile. — Dans ces machines, afin de permettre aux eaux de lavage et de rinçage d’attaquer toute la surface des pièces, celles-ci sont placées dans un panier rotatif. Le mouvement de rotation du panier est produit par l’action des liquides eux-mêmes, de la même façon que dans une turbine à injection, à la vitesse près bien entendu.

Les pièces sont placées dans un panier circulaire, qui porte des boucles inclinées, ce qui permet de ranger facilement les assiettes dont les bords présentent également une inclinaison. Les petites pièces telles que les couverts, sont rangées dans le logement central.

Un moteur électrique actionne une pompe centrifuge, qui force l’eau dans un tube percé de trous ; cela produit une série de jets agissant sur les pièces et faisant, comme nous l’avons dit, tourner le panier porte-vaisselle. .

On peut varier l’orientation du tube et faire tourner alternativement le panier dans un sens ou dans l’autre. Ce panier est supporté sur une bille d’acier et son mouvement est très doux.

On a ainsi l’avantage de pouvoir agir tantôt sur une face des pièces, tantôt sur l’autre et la mobilité des pièces permet de nettoyer entièrement toute leur surface.

La mise en place des assiettes est facile, car il suffit de relever le couvercle par moitié et au fur et à mesure qu’on remplit le panier, on le fait tourner à la main afin de le garnir entièrement.

Dans les machines petit modèle, on verse l’eau de lavage dans laquelle on a mis des cristaux de soude ; on la soutire une fois le travail fait. Là encore, l’eau retourne à la pompe, au cours de l’opération, par l’intermédiaire d’une cuvette latérale munie d’une toile filtrante chargée d’arrêter les détritus et les déchets.

Après le rinçage à l’eau propre, l’essorage, puis le séchage se font en lançant le panier à la main. La vaisselle est retirée prête à être rangée, sans qu’on ait besoin d’y passer le torchon.

Dans les machines grand modèle, l’agencement est des plus perfectionnés. L’eau est chauffée dans l’appareil au moyen d’un brûleur à gaz placé sous le réchauffeur cylindrique.

Le séchage est obtenu très rapidement au moyen d’un ventilateur centrifuge. Cet appareil aspire dans la cuve l’air, les vapeurs, les buées et les odeurs et il rejette le tout dehors par un conduit spécial. On ventile donc la cuisine du même coup, car la laveuse aspire ainsi l’air de la cuisine par une petite fenêtre. Cette aspiration produit de plus la rotation du panier tournant, qui joue alors le rôle d’une petite turbine aérienne. Le séchage est ainsi rapidement obtenu.

Comme il suffit d’ouvrir te couvercle sur un secteur faible pour la mise en place ’des assiettes et pour les retirer du panier tournant, la machine peut servir d’une façon permanente, qu’elle soit en marche ou non, comme une table, sur laquelle on place des appareils, qui pourront être d’ailleurs actionnés par le moteur électrique de la laveuse.

Ainsi, on peut voir groupés sur la table de la machine grand modèle, un moulin à café, une machine à râper, un hachoir, qui sont commandés par le moteur au moyen d’un démultiplicateur. Sur l’arbre de ce dernier organe on a branché un flexible qui actionne des brosses, en particulier des brosses dures servant au récurage des casseroles (fig. 7et 8).

Les machines La Centrifuge à porte-vaisselle mobile ont été imaginées et réalisées par M. J.-L. Breton. De toute évidence, ce sont les plus parfaites à l’heure actuelle.

La disposition ingénieuse des machines simples permet d’envisager leur emploi dans nombre de cas, ce qui n’est pas le fait de beaucoup de systèmes qui s’adressent toujours à de grands débits. Enfin le nettoyage offre de plus grandes garanties de perfection, car, avec la rotation du panier, on a le maximum de chances pou r nettoyer toutes les parties sales.

Avantages du lavage mécanique de la vaisselle. — Les avantages du lavage mécanique de la vaisselle, qui se présentent immédiatement à l’esprit, sont évidemment la transformation d’un travail désagréable en un travail acceptable, la rapidité des opérations, la suppression de l’essuyage. Cependant il est un autre point sur lequel il est bon d’insister : l’hygiène qui se trouve grandement améliorée par l’utilisation de ces machines.

La vaisselle et les couverts plongés simplement dans l’eau chaude, comme à l’habitude, sont des véhicules parfaits de maladies contagieuses. L’eau de la bassine à vaisselle, tiède et contaminée, est un véritable bouillon de culture, qui répand sur toutes les pièces de vaisselle les germes qui peuvent se trouver déposés sur une seule d’entre elles,

Que dirons-nous de l’essuyage avec un torchon pollué, opération qui se charge de parfaire le travail de contamination ?

Ainsi les machines à laver la vaisselle, conçues d’abord uniquement en vue de supprimer une besogne répugnante et d’activer le travail, ont des effets plus heureux encore. Non seulement elles suppriment l’essuyage qui parfois contamine, non seulement elles lavent mécaniquement, Huis par le rinçage à l’eau très chaude, par l’action de la vapeur ensuite, elles produisent un effet dé stérilisation non négligeable en une époque où l’on découvre chaque jour de nouveaux microbes ennemis.

E. Weiss

Revenir en haut