Le groupe des Menthes renferme de nombreuses espèces, variétés ou hybrides dont les principaux représentants sont : la Menthe poivrée, et les M. à feuilles rondes ; M. crépue ; M. sauvage ; M. verte ou romaine ; M. aquatique ; M. pouliot, etc., mais il n’est question ici que de la plus connue, la menthe poivrée (Mentha piperita. L) Labiées, qu’on appelle aussi menthe anglaise.
Habitat. — La menthe poivrée, si répandue en Angleterre, est une plante des régions tempérées. On la rencontre dans les endroits humides, sur le bord des fossés. Cultivée depuis longtemps dans les jardins, elle est devenue assez récemment l’objet d’une grande culture dans plusieurs départements, notamment dans la Seine-et-Oise à Milly et à Houdan, en Provence, dans les Alpes-Maritimes où l’on y consacre des centaines d’hectares.
Description sommaire. — Plante vivace à souche rampante, haute de 0m.30 à 0m.60 ; tiges carrées, dressées. Feuilles opposées,- à pétiole court, dentées, un peu pubescentes. Fleurs petites, rougeâtres, violacées, en glomérules s’épanouissant de juillet à septembre. Les feuilles et les sommités ont une odeur pénétrante, une saveur poivrée, faiblement camphrée, chaude d’abord mais laissant ensuite une sensation de froid.
Culture. — Les terrains frais non marécageux, ni trop ensoleillés, ni trop ombragés sont ceux qui lui conviennent le mieux ; une terre de jardin fraîche, meuble et profonde lui plaît également. L’important est qu’il n’y ait pas d’excès d’humidité, car celle-ci favorise la rouille. Elle pousse vigoureusement dans un terrain bien défoncé et fumé. On peut employer tous les fumiers, jusqu’à 20 000 kg à l’hectare, et certains engrais chimiques, tels que le nitrate de sodium, le sulfate d’ammonium, le superphosphate minéral, influencent favorablement la composition et la proportion de l’essence. Dans le Jardin familial, ces trois sels peuvent être répandus à la dose de 30gr.par mètre carré.
Multiplication. — Comme la menthe poivrée ne donne pas de graines, du moins de graines fertiles, on ne la multiplie que par les drageons provenant de la division des vieux pieds. Bien qu’on puisse faire cette opération à l’automne comme au printemps, la première époque est préférable parce que, en plantant ces racines fibreuses au moment où la végétation est en repos, on ne brise pas les bourgeons qui se sont déjà formés dans les plantes mères au début du printemps. (A. G. et J. D.). Toutefois, si les producteurs des environs de Paris l’entreprennent à l’automne, ceux de la région méditerranéenne ne s’y livrent qu’au printemps.
Dans le jardin, on creuse à la bêche de larges raies, mais peu profondes, 5 cm environ, tandis que sur les champs la plantation peut se faire à la charrue dans de larges sillons de cette profondeur, dans lesquels on étale avec soin les plants de menthe, en lignes distantes de 15 à 20 cm (A. G. et J. D.), 25 à 60 cm (A. R. et D. B.), et si le terrain n’est pas suffisamment frais, on facilite la reprise par plusieurs arrosages.
D’après MM. Goris et Demilly, il faut veiller, ce qui est difficile, à ce que la charrue ne donne pas un sillon trop profond, et d’autre part, c’est à dessein que l’on fait une plantation aussi serrée (0m.15 à 0m.20), car elle est beaucoup plus avantageuse au point de vue de la récolte future. Les plants de menthe se touchent bientôt et, dès la deuxième année, la plantation est uniforme. On ne reconnaît plus les lignes primitives et c’est ce qu’il faut rechercher pour avoir en peu de temps une bonne récolte.
Les soins culturaux, binages et sarclages, sont assez nombreux et se font à la main dès que les jeunes pousses ont Io à 15 cm ; ils ne doivent cesser que lorsque les plantes sont assez développées pour que les mauvaises herbes ne puissent leur nuire.
Dans les environs de Paris, une plantation de menthe poivrée peut durer 4 à 6 ans, mais comme son rendement diminue à partir de la seconde année à cause de l’envahissement par les mauvaises herbes, les producteurs, après la deuxième coupe, la recouvrent de fumier et la labourent de manière à la retourner, puis ils la hersent au printemps et ils en obtiennent ainsi une végétation et une récolte abondantes. Mais, en fait, la plantation est renouvelée tous les 3 ou 4 ans, sauf dans les Alpes-Maritimes où elle ne dure qu’un an.
Récolte et rendement. — Dans le jardin, on coupe les plantes, sur les champs on les fauche un peu avant la floraison dès le mois de juillet, en prenant les précautions que j’ai indiquées précédemment. Pour avoir deux récoltes, il faudrait disposer d’un terrain irrigué et bien fumé comme cela a lieu dans la région du Midi et spécialement dans les Alpes-Maritimes. Selon MM. Rolet et Bouret, les deux récoltes de ce département donnent jusqu’à 30 000 kg de matière verte à l’hectare ; 20 000 kg constituent encore un bon rendement. Ailleurs, on compte généralement 15 000 kilogrammes.
Séchage. — Pour la consommation familiale, on étale les feuilles ou les sommités fleuries sur des claies ou sur le plancher dans un local très aéré, dans le grenier, par exemple, à l’abri des rayons du soleil, afin de leur conserver leur couleur verte naturelle. On peut aussi réunir les sommités fleuries en bouquets et les suspendre en guirlandes dans le même endroit ou dans un séchoir spécial, lorsque la culture est faite sur une grande échelle.
Pour l’herboristerie, on ne fait guère sécher que les feuilles mondées. La dessiccation, même la mieux conduite, fait toujours perdre une certaine partie de l’huile essentielle. Pour la distillerie et la liquoristerie, on livre les plantes à l’état vert.
Rendement. — En France, on estime qu’un kilogramme de feuilles de menthe poivrée laisse 215 gr. de feuilles sèches. On a trouvé, d’autre part, que 100 kg de plante fraîche se réduisent à 15 kilogrammes.
Composition chimique. — Cette menthe contient surtout : principe amer, matière résineuse, tanin, huile essentielle. A vrai dire, c’est cette dernière qui constitue son principal élément ; elle a été l’objet, dé la part de plusieurs chimistes, de recherches scientifiques très étendues dont le compte rendu serait, ici, hors de propos. Au point de vue pratique, il importe de dire que c’est une essence plus légère que l’eau, qu’elle devient incolore après rectification et que ses caractères comme sa composition varient sous l’influence de plusieurs facteurs, notamment des milieux de culture et des origines. Son odeur est d’autant plus suave que la plante est cultivée dans un pays plus septentrional ainsi que le prouve l’essence de menthe anglaise Mitcham qui est la marque la plus réputée entre les essences française, américaine et japonaise. Le rendement moyen est de 200 gr. pour I00 kg de menthe fraîche -Son principe constituant le plus important est le menthol dont elle contient, au total, entre 58 et 66 pour 100, puis viennent les terpènes pour 30 à 40 pour I00, et enfin les produits accessoires.
Propriétés thérapeutiques. — Hippocrate, Aristote et Mathiole employaient la menthe pour des propriétés spéciales et parfois contraires qu’on ne lui demande plus aujourd’hui. On sait qu’elle possède plus que les autres menthes des propriétés stimulantes, excitantes, toniques , digestives , stomachiques , antispasmodiques, etc., entre lesquelles la principale la fait classer parmi les stimulants généraux. Aussi est-elle un des remèdes populaires très usités, et même prescrite dans l’atonie des voies digestives, les flatuosités, les palpitations, les tremblements et les vomissements nerveux. On l’a administrée aux enfants tourmentés par les vers et aux nourrices pour faire passer le lait. Elle a joui jadis, et surtout son essence, d’une certaine réputation contre la dysenterie et même le choléra ; sa « vertu » contre l’intoxication d’origine gastro-intestinale provenait, sans doute, du menthol qu’elle renferme. Il est probable que c’est également à lui qu’était due l’heureuse influence, dont parle le Dr H Leclerc, des applications de pulpe de la plante fraîche contre le prurit des vieillards.
Préparations pharmaceutiques. — Les feuilles et les sommités fleuries sont les parties de la plante usitées. Le Codex de 1908 prescrit l’infusion de menthe pendant une demi-heure à la dose de 5 gr. par litre d’eau bouillante, mais ce poids est souvent doublé. Le Dr H. Leclerc conseille l’infusion à 2 ou 3 pour 100, préparée avec la plante fraîche comme fournissant une boisson d’une délicatesse exquise. L’alcoolat se prescrit à la dose de 2 à 10gr. dans une potion ; 15 à 20 gouttes dans un verre d’eau donnent un liquide très frais, utile aux dyspeptiques. L’hydrolat 20 à 100 gr. ; l’essence 2 à 5 gouttes sur du sucre ; le sirop 20 à 100 gr. dans les 24 heures ; les pastilles presque à volonté. Les feuilles entrent dans les espèces aromatiques et l’alcoolat vulnéraire du Codex ainsi que dans plusieurs liqueurs : alcool de menthe, Chartreuse, Kummel, etc. L’essence constitue la base de nombre d’eaux dentifrices. Le menthol est aussi très employé comme antinévralgique et antiseptique, notamment pour calmer les douleurs de dents, les affections de la gorge et du nez ; les crayons de menthol soulagent beaucoup les migraines. Les feuilles sont parfois usitées dans la cuisine comme condiments.
Observations commerciales. — La menthe poivrée est au nombre des plantes qui méritent d’être cultivées sur une grande échelle, car sa consommation est considérable. La plante entière sèche vaut habituellement 0fr. 80 à 1 fr. le kilo. Quant aux feuilles mondées, les prix ont varié de 1 fr.90 à 2 francs ; l’an dernier elles ont atteint 5 fr. 50 à 6 francs dans la région de Lyon. A l’état vert, les distillateurs les achètent entre 10 et 14 francs les 100 kilos.