Anis vert

A. Truelle - Supplément à La Nature N° 2660 - 28 mars 1925
Dimanche 15 février 2009 — Dernier ajout samedi 24 décembre 2022

Habitat. — L’anis vert (Pimpinella Anisum L. Ombelliteres) Anis officinal, Boucage, Pimpinelle anis, a été introduit du Levant en Europe au milieu du XVIe siècle. Il y croît spontanément dans les bois humides ; en France on le cultive dans plusieurs départements du Centre et dia Midi et dans un grand nombre de jardins. Description sommaire — Plante herbacée annuelle dont les liges sont hautes de 0m 50 à 0 m 75, les feuilles peu nombreuses, plus ou moins découpées selon leur situation, les fleurs petites et blanches en ombelles, les fruits d’abord pubescents puis verdâtres, pourvus d’une odeur aromatique agréable et d’une saveur chaude et piquante -

Culture. — L’anis préfère les terres légères, f aiches, perméables, calcaires siliceuses ou inversement, celles oui sont argileuses et humides ne lui conviennent pas. Elles doivent être bien préparées et fumées avant de recevoir les graines récoltées l’année précédente, bien que leur durée germinative soit de trois ans. Un gramme contient environ 200 grains.

Multiplication. — Elle n’a lieu que par semis qui est effectué lorsque les gelées ne sont plus à craindre, et suivant les régions, de février ou de mars à mai Quand on opère en grand, on le fait. d’après les uns, à la volée ou en sillons rapprochés de 0m.35 à 0m.40 (A. G. et J. D ) et, daprès d’autres, en planches de 2 m. de largeur, ou encore en lignes distantes de 0m.70 à 1 m. avec 15 à 20 cm sur ia ligne (A R. et D B.). On emploie de 12 à 20 kg de graines à l’hectare.

On recouvre les graines très légèrement de terre au râteau dans le jardin et à la herse sur le champ ; on plombe ou l’on roule selon l’endroit pour conserver au sol sa fraîcheur qu’on assure dans les terrains secs par des arrosages qui favorisent la germination Celle-ci est lente et n’apparaît qu’au bout de 20 à 30 jours On sarcle, on butte les lignes quand les plantes out 0m.15 à 0m.20 ; on les éclaircit de manière que l’écartement soit entre chacune d’elles de 0m.75. La floraison a lieu en juillet et la maturation des fruits à partir du milieu d’août jusqu’en septembre.

Récolte. Dessiccation. Conservation. — La récolte se fait lorsque les graines ont acquis une teinte brun verdâtre et une dureté suffisante. Dans le jardin, on coupe généralement les ombelles à la main et on les met sécher dans un endroit aéré plutôt qu’au soleil, mais sur le champ, tantôt on arrache les pieds, tantôt on coupe les tiges à la faucille, puis dans les deux cas on les met en javelles en prenant de grandes précautions, car les semences se détachent facilement des ombelles et tombent à terre. Il faut éviter la pluie qui les noircit.

L’obtention des graines comprend leur battage sur une toile avec des baguettes flexibles plutôt qu’avec un fléau, leur vannage, puis séchage dans un endroit aéré et leur mise en sac ou en tonneau placé dans un endroit très sain pour que leur bon arome soit conservé.

Production. — Il n’est pas sans intérêt de savoir : a) Qu’un hectare produit habituellement en France de 500 à 800 kg de semences ; b) qu’un hectolitre pèse 35 kg, environ ; c) que le prix très variable oscille entre 60, 80,90 francs les l00 kg, selon la qualité et la provenance.

Propriétés thérapeutiques. — De l’anis on n’emploie que les truits qui constituent un excitant carminatif par excellence, dont l’action se fait surtout sentir sur l’appareil gastro-intestinal et favorise l’acte digestif en provoquant soit par le haut, soit pas le bas, une expulsion de gaz. Connu déjà du temps de Pline, l’anis est un des plus vieux médicaments de la médecine populaire qui en fait grand cas surtout dans les infections stomacales. flatuosités, coliques venteuses. etc. On l’administre même dans les tranchées des enfants à la mamelle, ou le donne dans ce cas à la nourrice. Son action excitante sur l’estomac est mise à contribution pour faciliter la digestion de certains légumes tels les choux et les navets (Dr A. Héraud). On lui attribue aussi la vertu d’augmenter la sécrétion lactée.

On prétend depuis quelques années que l’anis est supérieur à la menthe au regard d’une digestion régulière ; quant à l’action de l’essence d anis elle est controversée. Bien que des recherches spéciales aient permis à plusieurs savants d’affirmer qu on peut en prendre de fortes doses sans danger d intoxication, il en est d’autres qui avancent que, de toutes les essences qui entrent dans la liqueur d’absinthe, celle de l’anis est la plus nocive.

Composition chimique — Les graines renferment : résine, stearine, chlorophylle, huile grasse, huile essentielle. Cette dernière ou essence d’anis est formée de deux corps principaux isomères : l’anéthol solide à la température ordinaire et le méthylchavicol, liquide. L’anéthol forme les 80 à90 pour 100 de l’essence et c’est à lui qu’elle doit ses principales propriétés. L’essence est liquide à + 20° et se solidifie entre 15° et 19°. 10 kg de semences en contiennent 118 à 200 gr.

Préparations pharmaceutiques et doses. — A l’intérieur, le principal usage des semences d’anis consiste dans 1 infusion pour laquelle le dernier Codex de 1908 prescrit la dose de 10 gr. pour un litre d eau bouillante pendant une demi-heure. On en prend une tasse très chaude après chaque repas. On emploie les préparations suivantes : poudre i à 4 gr. ; hydrolat 25 à 150 gr. ; teinture 4 à 30 gr. ; sirop 15 à 60 gr. L’oléosaccharure peut être pris à la dose de 2 à 10 gr. ; l’huile essentielle, une à dix gouttes dans une potion ou sur un morceau de sucre, le baume de soufre anisé 6 à 8 gouttes dans une potion. On fabrique des dragées : anis couvert, anis de Flavigny, de Verdun. L’essence entre dans l’élixir parégorique, dans la fameuse thé-risque, etc., elle sert à masquer la saveur de certains médicaments. Les graines font partie des espèces carminatives : anis, fenouil, coriandre, carvi, à parties égales.

A l’extérieur, on en prépare une pommade contre l’ozène, des lotions, fomentations, cataplasmes, pour dissiper les engorgements laiteux.

La médecine véterinaire emploie souvent les semences d’anis associées à celles des autres ombellifères, notamment de la coriandre et du fenouil, qu elle fait infuser dans du gros cidre (en Normandie), après les avoir concassées grossièrement. Ce traitement est réservé spécialement aux ruminants dans les affections gastro-intestinales et la météorisation. D’après le Dr J.-B. Dubois on augmente la sécrétion lactée chez les chèvres, les brebis et les vaches en donnant par jour, aux deux premières, 20 à 30 gr. de ces graines et aux troisièmes 80 à 100 gr. On a constaté que son odeur passe dans le lait.

Liquoristerie. — Les graines entrent dans une proportion plus ou moins grande dans la fabrication d’une foule de liqueurs que je ne puis citer ici, mais dont les plus répandues dans les familles sont l’anisette et le vespétro.

Anisette. — Parmi les nombreuses formules qui varient plus par leurs noms que par leur composition : anisette de Bordeaux, de Lyon, de Paris, de Russie, les meilleures sont celles qui sont préparées par macération des plantes dans l’alcool durant 24 heures, distillation et sucrage du produit alcoolique. Mais comme la distillation exige un alambic dont la possession oblige à une déclaration et à des formalités gênantes, je ne donnerai que la formule ci-dessous permettant la préparation d’une anisette dite surfine, par simple mélange d’essences dans l’alcool et le sirop de sucre ; les doses sont pour un litre.

Essence de badiane 0gr.70
Essence d’anis 0gr.20
Essence de fenouil doux dix gouttes
Essence de coriandre deux gouttes
Essence de sassafras huit gouttes
Extrait d’ambre non musquée dix gouttes
Extrait d’iris 0gr.6o

On dissout les essences dans 300 cm3 d’alcool à 85° ; on verse la solution dans un sirop fait avec 560gr. de sucre et 260 gr. d’eau distillée, lorsqu’il est refroidi. On mélange intimement et l’on filtre s’il y a lieu.

Vespétro. — Très répandue en Normandie, cette liqueur, dont le nom rabelaisien évoque, en les voilant à peine, ses principaux effets physiques, se prépare par distillation et par simple mélange, mais pour les raisons précitées, la formule surfine ci-dessous, pour un litre, appartient à cette dernière catégorie.

Essence d’anis 0gr.40
Essence de carvi 0gr.30
Essence de fenouil doux 0gr.80
Essence de coriandre huit gouttes
Essence de citron 0gr.20

Le traitement des substances est le même que pour l’anisette. La culture de l’anis mérite, en raison de ses différents emplois médicinaux et économiques, une place importante dans le jardin familial, et surtout dans tout le pays, car nous importons des graines de l’Espagne, de Tunis, de Russie, etc., entre 600 000 francs et un million. Elle est d’autant plus justifiée que, depuis la loi du 30 janvier 1907, interdisant la fabrication de l’absinthe, l’essence d’anis, plus que toute autre, entre dans la préparation des liqueurs considérées comme « similaires d’absinthe ». Qu’il me soit permis de rappeler, à propos de son utilité dans le jardin familial, ce qu’en pensait (d’après la traduction de M. Meaux Saint-Marc) la fameuse École de Salerrne (Schola Salernitana). « Propice à l’estomac, il éclaircit la vue ; Que d’anis excellent ta maison soit pourvue »

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