Les falsifications du chocolat

Albert Rémont. Dictionnaire encyclopédique et biographique de l’industrie et des arts industriels. t. III
Dimanche 12 août 2012 — Dernier ajout mardi 19 mars 2024

Albert Rémont. Dictionnaire encyclopédique et biographique de l’industrie et des arts industriels. t. III

Le chocolat, à raison de son prix élevé, est l’objet de falsifications nombreuses qui n’ont, en général, rien de dangereux, mais qui n’en constituent pas moins des tromperies sur la marchandise vendue et tombent dès lors sous l’application de la loi.

Les produits qu’on ajoute au chocolat peuvent avoir pour but d’augmenter sa richesse en principe butyreux et par cela même de permettre l’introduction de matières étrangères au cacao qui donnent du poids ; ces additions déterminant une diminution de la coloration qui serait un indice de la dénaturation du chocolat, on introduit, en outre, une matière colorante.

Parmi les matières grasses employées pour suppléer le beurre de cacao on peut citer l’huile d’amandes douces ou les amandes elles-mêmes torréfiées, le suif de veau ou de mouton préparés avec soin:ou mieux encore l’oléo-margarine que ce corps gras donne sous l’influence d’une pression ménagée.

La liste des substances que l’addition de matière grasse permet d’absorber est longue, mais il faut citer avant tout les farines et fécules de toutes sortes dont le goût est imperceptible ; les féculents ont la propriété de donner avec l’eau chaude un empois qui contribue beaucoup à épaissir le chocolat et le fait passer aux yeux de beaucoup de gens comme étant d’une qualité supérieure. On a employé également diverses sortes de gommes qui ont la propriété d’épaissir aussi le chocolat à bon marché, on introduit les coques qui entourent l’amande du chocolat. A ces divers produits il faut ajouter les matières minérales lourdes dont la coloration est utilisée pour rehausser celle du chocolat ; on peut citer au premier rang les ocres ou terres ferrugineuses ; quant au minium, à l’oxyde rouge de mercure et au cinabre, nous voulons bien croire ceux qui disent en avoir trouvé, mais nous estimons que les falsificateurs sont trop intelligents pour aller payer cher une substance qu’ils savent malfaisante et qu’ils peuvent remplacer avec économie par les ocres qui ne présentent aucun danger.

Nous allons exposer mi procédé assez rapide d’analyse du chocolat que nous trouvons décrit dans le Dictionnaire des falsifications de MM. Chevallier et Baudrimont ; ceux qui voudront avoir des indications plus étendues et plus précises se reporteront à cet excellent recueil.

Dix grammes de chocolat pulvérisé sont traités par l’éther dans un tube effilé en pointe à sa partie inférieure et garni d’un tampon de coton ou dans un appareil à épuisement de Payen. Le résidu de la distillation de l’éther constitue le corps gras ; on détermine par pesée sa proportion, puis on examine, comparativement à du beurre de cacao, la consistance et le point de fusion.

Le résidu de l’action de l’éther est traité par l’eau froide dans le même appareil ; ce liquide dissout le sucre, la gomme et la dextrine ; par l’évaaporation du liquide jusqu’à consistance sirupeuse et reprise, après refroidissement, par l’alcool à 80° centésimaux, on dissout le sucre seulement.

Ce qui ne s’est dissous ni dans l’éther ni dans l’eau constitue la partie ligneuse de la graine ; si le chocolat a été mélangé de féculents on pourra les enlever par ébullition avec de l’eau contenant 2 % d’acide sulfurique, de cette façon, on transforme l’amidon seulement en glucose qu’on peut doser et le résidu de l’action de l’eau acide n’est plus formé que de cellulose, de matières azotées et d’éléments inorganiques. En incinérant ce résidu on peut reconnaître par le poids des cendres s’il y a eu addition frauduleuse de produits minéraux ; en effet, le chocolat pur donne seulement 25 % de résidu minéral à la calcination (fig. 210 et 211).

Pour caractériser les féculents il est indispensable d’avoir recours au microscope ; on peut distinguer nettement à l’aide de cet instrument les granules d’amidon du cacao qui n’ont que le 1/6 ou le 1/8 des grains de la fécule de pommes de terre ou le tiers des grains de l’amidon du blé ; pour cela, on comparera la préparation obtenue avec le chocolat à des préparations qu’on pourra conserver et qui comprendront la fécule de pommes de terre et les amidons de blé, riz, maïs et de quelques légumineuses.

La détermination exacte du point de fusion du beurre de cacao présente une certaine difficulté à cause de la variation de ce point suivant les conditions de l’expérience. M. Riche ayant eu l’occasion de faire de nombreuses déterminations de ce genre, lors d’une expertise qui lui fut confiée, nous allons exposer la méthode que le savant professeur a adoptée et les résultats qu’il a obtenus.

Le beurre extrait de 20 grammes de chocolat à l’aide de l’éther est fondu dans un tube à essai de 12 à 15 millimètres de diamètre, bouché à l’une de ses extrémités et introduit dans un flacon à large ouverture au milieu duquel il est maintenu grâce à un bouchon qu’il traverse à frottement dur, lequel bouchon ferme le flacon. Ce dispositif, indiqué jadis par M. Dalican pour l’essai des corps gras en général, évite aux tubes le contact direct de l’air et les protège par conséquent contre les variations brusques de température. On plonge dans le beurre fondu un thermomètre qu’on suspend de façon que le réservoir occupe une position moyenne au sein du corps gras, puis on observe la descente de la colonne thermométrique jusqu’au moment où elle cesse, moment qui coïncide avec la solidification du beurre le long des parois du tube. On agite alors le beurre à trois ou quatre reprises, tantôt dans un sens tantôt dans un autre, à l’aide du thermomètre, puis on observe de nouveau ce dernier ; généralement, la colonne descend un peu lorsqu’on agite puis remonte après jusqu’à un degré qui est le point de solidification du corps gras. Le point de fusion est obtenu en sortant le tube du flacon qui le renferme et en chauffant très doucement le corps gras jusqu’à ce qu’on arrive à la fusion presque complète ; on détermine à l’aide du thermomètre ce nouveau degré qui est le point de fusion.

M. Riche a trouvé le point de solidification du beurre de cacao égal à 25,3° ; ce point est le chiffre moyen d’une série de déterminations dont les points extrêmes étaient 25 et 25,5°. Quant au point de fusion, les chiffres extrêmes étaient 30,3° et 32,4° et la moyenne était égale à 31,5°.

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