Système phototélégraphique Senlecq-Tival

A. Dessol, La Nature N°1809 — 25 janvier 1908
Jeudi 18 août 2011 — Dernier ajout lundi 1er avril 2024

A. Dessol, La Nature N°1809 — 25 janvier 1908

Le sensationnel procédé phototélégraphique du docteur Korn révélé, l’ail dernier, au grand publie, a donné comme un coup de fouet à tous les inventeurs qui, depuis de longues années, s’acharnaient au passionnant problème de la transmission des images, nous avons vu se révéler presque simultanément le procédé Carbonnelle, le procédé Berjonneau ; Belin, dont le télégraphoscope était connu avant la découverte de Korn, apporte à sa méthode de notables perfectionnements, (voy. no 1807 et 1808.)

Un autre inventeur distingué, M. Senlecq d’Ardres, connu pour ses recherches sur la vision à distance, vient d’imaginer en collaboration avec M. Tival un ingénieux appareil pour la transmission des images photographiques.

Leur méthode repose sur des principes tout différents de ceux qu’ont appliqués les inventeurs que nous venons de nommer. Elle présente, dès l’abord, un précieux avantage, celui d’exiger une durée de transmission de quelques secondes seulement, au lieu des 30 minutes nécessaires aux autres procédés. Elle ne comporte pas, comme la méthode Berjonneau, la confection d’un cliché métallique, opération qui nous parait nécessairement délicate et longue.

Pour la transmission, MM. Senlecq et Tival se servent de photographies à la gélatine bichromatée et substituent au charbon une poudre métallique dont ils conservent le secret. Les variations de teinte du photogramme sont dues à des variations dans l’épaisseur de la couche de cette poudre.

Les inventeurs ont eu l’idée d’utiliser les variations de conductibilité électrique que présentent les diverses parties d’une plaque ainsi préparée. Rappelons que le procédé de l’ingénieur américain Amstutz connu dès 1894, et le procédé Belin décrit dans notre précédent numéro reposent également sur l’emploi de photogrammes à la gélatine bichromatée ; mais ces deux procédés utilisent les variations de relief de la plaque et non les variations de conductibilité électrique. Dans l’appareil Senlecq-Tival , un courant électrique, produit par une source constante, traverse successivement tous les points de la plaque photographique. Les variations de résistance, dues aux épaisseurs inégales de la couche métallique en ces divers points, provoquent des fluctuations du courant électrique ; et ces fluctuations modifient le magnétisme d’un électro-aimant entre les pôles duquel glisse un ruban d’acier.

L’idée qui a fait naître ce dispositif est fort ingénieuse ; on sait qu’un ruban d’acier, se déplaçant devant un électro-aimant dont l’aimantation est variable, conserve d’une manière durable, sur toute sa longueur, l’impression des variations magnétiques du transmetteur, Si l’on déplace à nouveau, devant un autre électro-aimant, ce fil ou ruban magnétiquement impressionné, on reproduira dans cet électro les modifications électriques originaires. On retrouve ce dispositif dans le télégraphone de Poulsen, remarquable appareil que nous avons décrit en son temps et dont l’inventeur s’est depuis illustré dans la télégraphie sans fiI. (voy. n° 1733, 11 août 1906)

MM. Senlecq et Tival forment donc sur le ruban une image magnétique qui leur sert d’intermédiaire pour la transmission. C’est, nous semble-t-il, l’emploi de cette transmission en deux temps qui leur permet de diminuer dans de notables proportions la lenteur jusqu’ici inhérente à tous les procédés phototélégraphiques.

Une dynamo unipolaire sertit alimenter le deuxième électro-aimant, l’électro-aimant transmetteur.

La réception se fait au moyen d’un appareil imaginé par M. Senlecq , et qui lui a servi pour ses expériences de vision à distance, un galvanomètre à corde, instrument extrêmement sensible est impressionné par les variations de courant que produit au poste transmetteur , comme nous venons de l’expliquer, le déplacement du ruban aimanté devant l’électro-aimant. Il actionne, par l’intermédiaire d’un levier amplificateur de variations, une lamelle en verre mince ou pellicule, de 1 millimètre de hauteur, sur laquelle on a obtenu microphotographiquement une surface ombrée du noir au clair, présentant toutes les variations de teinte depuis l’opacité complète jusqu’à la transparence. Une lampe Nernst envoie ses rayons à travers cette lamelle.

On comprend que la lamelle obéissant aux variations du galvanomètre, se relevant ou s’abaissant suivant les cas, se laisse traverser par la lumière de la source fixe, en un point dont la position dépend de l’intensité du courant à travers le galvanomètre : ainsi, suivant la valeur de cette intensité, le rayon lumineux traversera une région plus ou moins transparente de la lamelle. Les rayons lumineux sont distribués sur l’écran H au moyen du disque P sur lequel sont percés une série de trous disposés suivant une spirale. Ce disque tourne avec la même vitesse que le cylindre A du poste transmetteur.

Et l’on pourra ainsi impressionner une plaque photographique et reproduire l’image originale. Bien plus, étant donnée la rapidité de la transmission, on pourra en recevant sur un écran les rayons qui traversent la lamelle, apercevoir directement, sans le recours à l’épreuve photographique, non pas sans doute toute l’image transmise, mais successivement ses diverses parties. L’appareil Senlecq et Tival marque donc une étape sur la route qui nous mène lentement à la solution d’un problème étudié passionnément depuis l’apparition de la télégraphie électrique : réaliser la vision à distance, en utilisant le fil électrique comme une sorte de nerf optique d’immense longueur.

A. Dessol

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