Un transmetteur de phototélégraphie portatif

P. Hémardinquer, La Nature N°2939 - 15 Octobre 1934
Lundi 27 septembre 2010 — Dernier ajout lundi 1er avril 2024

P. Hémardinquer, La Nature N°2939 - 15 Octobre 1934

L’information photographique rapide est aujourd’hui une nécessité pour les journaux. Bien souvent, l’envoi des photographies par la poste n’est plus assez rapide, et il faut avoir recours à la transmission télégraphique par fil, ou même par sans fil.

La plupart des grands journaux d’information, et des grandes agences, possèdent des récepteurs phototélégraphiques. On trouve, d’autre part, dans les principaux bureaux de poste, des services de phototélégraphie à la disposition du public (belinogrammes).

Les appareils émetteurs et récepteurs ont été normalisés, suivant les prescriptions des Comités Consultatifs Internationaux Télégraphiques, de manière à rendre possibles l’émission et la réception, même avec des appareils de marques différentes.

Cette industrialisation a été rendue possible par les progrès accomplis dans les systèmes d’exploration de l’image, à la réception comme à l’émission, et dans les systèmes de synchronisation.

L’exploration de l’image à l’émission s’effectue généralement de la façon suivante : l’image est enroulée sur un cylindre tournant à vitesse constante et se déplaçant d’un mouvement transversal régulier sous l’action d’un moteur synchronisé ; elle passe sous un faisceau lumineux issu d’une lampe à incandescence et concentré par une lentille ; la lumière réfléchie par un élément de l’image est renvoyée vers une cellule photoélectrique enfermée dans un boîtier protecteur. Afin de les amplifier par des moyens simples, on module les courants continus provenant de la cellule, en les interrompant à fréquence constante, de l’ordre de 1000 périodes-seconde, à l’aide d’un disque tournant d’un mouvement continu. Le courant reçu est donc un courant alternatif à fréquence constante, et il est modulé suivant les différences de teinte des éléments de l’image.

A la réception, on emploie un système de traduction courant-lumière qui peut être un dispositif électromécanique, une cellule de Kerr ou une lampe à luminescence, et qui permet de retranscrire les éléments de l’image sur une feuille sensible portée par le cylindre reproducteur actionné par le moteur synchronisé.

Le cylindre du transmetteur et celui du récepteur doivent être en parfait synchronisme. On emploie généralement à cet effet des diapasons entretenus électriquement, et placés dans des caisses assurant une protection thermique aussi complète que possible, avec à l’intérieur de la caisse un dispositif régulateur de température.

Le diapason est entretenu au moyen d’un électro-aimant, comme l’armature d’une sonnerie électrique, et il sert à produire un courant de fréquence constante qui est utilisé pour agir sur le moteur synchronisé.

L’émetteur portatif phototélégraphique Belin

Les postes d’émissions phototélégraphiques fixes sont relativement peu nombreux encore par suite du prix et de la complexité des appareils employés. Aussi, lorsqu’un événement important se produit dans une région assez éloignée de l’un de ces postes, le transport des photographies jusqu’au plus proche d’entre eux peut déterminer des retards de transmission assez importants.

Pour remédier à cet inconvénient, M. Belin a eu l’idée d’établir un appareil émetteur portatif en valise, pouvant être utilisé par le reporter photographe.

Cet appareil, d’un modèle unique jusqu’à présent, peut permettre de transmettre immédiatement n’importe quelle photographie d’un endroit quelconque, aussitôt après la prise et le développement des clichés, sans aucune installation spéciale, et en reliant simplement l’appareil à une ligne téléphonique ordinaire.

Le dispositif comporte deux valises pesant chacune environ 30 kg seulement.

La première valise renferme l’appareil de transmission proprement dit ; la deuxième les organes d’alimentation et le synchronisateur.

Le cylindre C sur lequel on enroule le document à transmettre a 66 mm de diamètre et 130 mm de longueur, ce qui permet de transmettre des épreuves 13 X 18 cm. La durée de transmission par document est de 11 minutes.

Un embrayage à dents, commandé par le levier L peut occuper deux positions : l’une correspondant au pas d’avancement de 3 mm, c’est-à-dire à la transmission normalisée, l’autre est d’un pas voisin de 1/4 de mm, c’est-à-dire correspondant à une transmission spécialement avec les dispositifs Belin.

Le moteur à courant continu qui permet l’entraînement du cylindre est alimenté par une batterie d’accumulateurs cadmium-nickel d’une tension de 4 volts 6 et d’une capacité de 45 ampères-heure qui assure une durée de 10 heures de fonctionnement. Cette batterie est contenue dans la deuxième valise, comme on le voit sur la figure 4.

Sur l’arbre du moteur, est calé le système alternateur qui permet la synchronisation par diapason à une fréquence de 400 périodes-seconde. D’autre part, le moteur entraîne également le disque perforé qui assure la modulation du faisceau lumineux d’exploration à une fréquence de 1000 périodes-seconde.

L’exploration de l’image s’effectue suivant le principe indiqué, à l’aide d’un faisceau lumineux projeté par l’objectif O et qui est réfléchi vers une cellule photoélectrique à gaz, au potassium.

Dans la première valise est également contenu l’amplificateur à trois lampes, à liaison résistance-capacité et transformateur, qui assure l’amplification des courants produits par la cellule photoélectrique.

Ces courants sont transmis à la ligne téléphonique par l’intermédiaire de deux cellules de filtre passe-haut qui laissent passage aux courants d’une fréquence de 400 à 1700 périodes-seconde. D’ailleurs, des systèmes de blocage sont convenablement disposés afin d’éviter les effets d’induction.

La deuxième valise comporte le diapason et son amplificateur de synchronisation, les sources d’alimentation, c’est-à-dire l’accumulateur de 4 éléments au cadmium-nickel, une pile de tension plaque de 90 volts, les batteries de polarisation ainsi que les organes de contrôle et de mesure de ces tensions.

Ainsi le fonctionnement de toute l’installation s’effectue sans avoir recours à une source d’alimentation supplémentaire extérieure.

L’amplificateur de synchronisation comporte, comme l’amplificateur photoélectrique, trois étages.

La liaison entre le premier étage et le deuxième s’effectue par résistance-capacité, alors que la liaison entre le deuxième étage et le troisième s’effectue par transformateur.

Le courant provenant du diapason est amplifié par les étages successifs, et il sert à alimenter l’alternateur de synchronisme, de manière à assurer une vitesse parfaitement constante du cylindre de transmission.

On ne peut utiliser ici un dispositif thermostatique pour maintenir constante la température du diapason, et en soustraire les vibrations aux effets des variations de température.

Ce dispositif serait ici trop encombrant. II faut se contenter d’un système moins parfait.

On emploie un système de shunt magnétique variable sous l’effet de la température, et produisant une compensation suffisante.

Enfin, un microphone disposé sur la première valise permet la transmission avec le correspondant par l’intermédiaire de la ligne téléphonique, de manière à assurer la liaison avec le système récepteur.

Cet appareil intéressant est déjà utilisé normalement par un grand nombre de journaux français et anglais. Les photographies reçues sont d’ailleurs de qualité égale à celles que transmettent les appareils fixes ; il est bien difficile, du reste, de distinguer sur la publication imprimée les clichés effectués à l’aide de photographies télégraphiées des clichés obtenus avec des épreuves ordinaires.

P. Hémardinquer

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