L’abbé Caselli, mort tout récemment [1], avait, sous le nom de pantélégraphe, imaginé un appareil des plus ingénieux, permettant la transmission, à distance, de dépêches manuscrites ou de dessins. En principe, l’appareil reposait sur la décomposition des sels métalliques par les courants électriques. Avec une encre grasse on écrivait la dépêche sur une lame d’étain. Un stylet métallique, mû par un pendule et mis en communication avec le fil d’une ligne télégraphique, se déplaçait à la surface de cette lame. Chaque fois qu’il passait sur un trait d’encre le courant était interrompu. Au bureau récepteur, se trouvait un stylet semblable, mais se mouvant sur la surface d’une feuille de papier recouverte d’une solution de ferrocyanure de potassium. Quand le stylet transmetteur passait sur la lame d’étain, le courant passait dans la ligne et le stylet récepteur appuyait sur la feuille de papier, en y laissant une trace bleue par la décomposition du ferrocyanure de potassium. Si donc les deux pendules qui faisaient mouvoir les stylets de départ et d’arrivée se trouvaient animés d’un mouvement synchrone , le dessin à l’encre grasse, sur feuille d’étain, était exactement reproduit, par hachures, sur le papier au ferrocyanure.
On peut affirmer que cet appareil, aujourd’hui tombé dans l’oubli, un peu trop peut-être, constitue le point de départ de la nouvelle invention de M. Amstutz, de Cleveland (Ohio). Cette invention consiste à envoyer au loin, ainsi qu’une modeste dépêche, la copie d’une image photographique. Elle n’a certes pas, de prime coup, atteint la perfection. Cependant elle demeure d’ores et déjà très supérieure à celle de Caselli. Ce ne sont plus des lignes simples plus ou moins diverses qui sont transmises par l’appareil de M. Amstutz, mais bien des lignes avec leurs infinies variations d’intensité constituant les effets d’ombre et de lumière.
Au lieu de faire appel à la décomposition des sels métalliques par le courant électrique, M. Amstutz base tout son système sur les propriétés de la gélatine bichromatée. On sait, en effet, et depuis longtemps déjà, que la gélatine additionnée de bichromate’ de potassium devient dure et insoluble après son exposition à la lumière. Partant de cette connaissance, l’inventeur américain photographie l’image à transmettre sur une pellicule de gélatine bichromatée. Par un lavage à l’eau tiède, cette pellicule est débarrassée des parties gélatineuses dont l’état moléculaire ne s’est pas trouvé modifié par l’action de la lumière. Il reste alors un dessin en relief, plus ou moins accusé suivant l’intensité de l’original, mais dont l’épaisseur, en chaque point, demeure exactement proportionnelle à l’intensité du rayon lumineux qui a frappé la gélatine bichromatée en ce même point. Les variations d’épaisseur représentent donc les variations de tonalité du modèle.
C’est le principe de la photocollographie.
L’épreuve obtenue ainsi, sert à télégraphier l’image en autant d’exemplaires qu’on le désire. Pour ce faire l’épreuve pelliculaire est tendue avec soin sur un cadre de celluloïd et adaptée sur la circonférence d’un cylindre, comme un cliché typographique lorsqu’on emploie une machine rotative. Devant ce cylindre, exactement dressé et monté sur tourillons, se trouve un petit stylet emmanché sur un levier. Quand on actionne le cylindre, le stylet s’abaisse ou s’élève proportionnellement aux saillies des reliefs de la pellicule. Dans ce mouvement, il soulève continuellement son petit levier qui, suivant le soulèvement qu’il reçoit, bute contre une ou plusieurs pointes de platine. A chaque contact la communication électrique est établie et l’intensité du courant varie en raison directe du nombre de pointes heurtées simultanément. Cette intensité se présente donc proportionnelle à la valeur des reliefs.
Au bureau récepteur se trouve un cylindre semblable à celui du départ, seulement une bande de papier, enduite d’une couche de cire, remplace la pellicule de gélatine. De plus, au lieu du stylet, on a un burin à section triangulaire dont la tige est placée en face des pôles d’un électro-aimant que le courant de la ligne actionne. Le burin creuse, dans la cire, un sillon dont la profondeur varie suivant l’intensité du courant, qui elle-même dépend des reliefs du cliché de gélatine.
Si donc, après transmission, on développe la surface de la cire et qu’on la traite par la galvanoplastie, on obtiendra un cliché propre à l’impression.
Nos dessins représentent des images produites dès le début avec ce procédé. La transmission en a été faite à 5 kilomètres.
Frédéric Dillaye