La phototélégraphie

H. Armagnat, la Revue Scientifique — 18 avril 1908
Jeudi 30 septembre 2010 — Dernier ajout lundi 1er avril 2024

H. Armagnat, la Revue Scientifique — 18 avril 1908

L’idée de la transmission des images à distance par le moyen des courants électriques n’est pas nouvelle ; elle a pris naissance, il y a 30 ans environ, au moment où l’électricité commençait à se développer et donnait toutes les espérances ; que nous voyons aujourd’hui en partie réalisées. La découverte du photophone par Graham Bell avait vulgarisé les propriétés du sélénium et immédiatement une foule de chercheurs pensèrent à l’utiliser pour la transmission des images ; on connaît l’insuccès de ces tentatives puisque, à l’heure actuelle, nous ne sommes pas plus avancés qu’il y a 30 ans en ce qui concerne la reproduction directe à distance des images animées.

Si, restreignant le problème, nous nous contentons de demander à l’électricité de transmettre une image inanimée, en la reproduisant point par point, nous nous trouvons en présence de plusieurs solutions intéressantes, dont plusieurs ont résisté à des essais pratiques et n’ont que fort peu de progrès à accomplir pour entrer dans la pratique industrielle, si on leur trouve des applications convenables.

La transmission à distance des images ne renfermant que des blancs et des noirs, sans teintes intermédiaires, avait été essayée en 1851 par Backwell. puis par Caselli en 1855 et enfin par d’Arlincourt en 1872. Tous ces inventeurs avaient en vue, non pas la transmission d’images quelconques, mais celle de l’écriture, (il s’agissait d’appareils télégraphiques faisant de l’autographie), mais ils pouvaient également , reproduire des dessins à la plume. Quoi qu’il en soit, les appareils de phototélégraphie d’aujourd’hui s’appuient sur une partie des dispositifs essayés dès cette époque, et dans ce sens il n’y a aucune innovation.

Pour reproduite en B une image : A. (fig, ,40), il suffit de promener sur A un style a, de façon à lui faire tracer successivement une série de lignes parallèles et très rapprochées, pendant que, par un dispositif approprié, un second style b, placé devant la feuille du récepteur B, trace sur celle-ci des traits semblables à ceux de A et occupe à chaque instant la même position sur B que a sur A. Les deux styles se meuvent alors synchroniquement. Si les choses sont disposées de telle sorte que quand a rencontre une partie noire de l’image, le style b marque sur B un point noir, il est facile de comprendre qu’au bout d’un temps suffisant les styles auront parcouru l’image entière et que nous aurons en B une reproduction de A, avec cette particularité que celle-ci sera formée de points ou de traits parallèles, plus ou moins rapprochés, et n’aura pas la continuité de la première.

Deux choses sont à considérer : la discontinuité et le synchronisme. Pour la discontinuité, ta diffusion toujours croissante des procédés de la photogravure nous y a habitués et, pourvu que les traits ne soient pas trop espacés, l’expérience montre que la reproduction est très satisfaisante.

Pour le synchronisme, les appareils de phototélégraphie dont les essais ont été poussés de ce côté font usage d’un dispositif qui se trouvait déjà sur le d’Arlincourt, en 1872, et dont le principe a été perfectionné à un très haut point dans certains appareils télégraphiques actuels, tels que le Baudot. Le dispositif de synchronisation est le suivant : la feuille A et la feuille B sont enroulées chacune sur un cylindre animé d’un mouvement de rotation. Le cylindre du récepteur B tourne un peu plus vite que celui de A, mais l’avance prise à chaque tour est trop petite pour amener une déformation sensible de l’image. Pour obtenir le synchronisme parfait, il suffit d’arrêter le cylindre B pendant le temps très court que le cylindre A met à prendre la même position, à ce moment un contact commandé par A envoie, sur la ligne qui relie les deux postes, un courant qui libère B et les deux cylindres partent rigoureusement du même point à chaque tour. Grâce à ce procédé on évite l’accumulation des petits écarts de vitesse des deux appareils et on obtient une image pratiquement satisfaisante. Disons, pour fixer les idées, que la vitesse B peut être réglée à un demi-centième ou un centième en plus de celle de A et que l’on a soin de choisir les diamètres des cylindres de façon que les feuilles A et B en les recouvrant laissent une bande inoccupée, pendant le passage de laquelle se fait le réglage.

Les styles qui frottent sur les cylindres traceraient toujours la même circonférence si l’on n’avait pas soin de les faire avancer lentement et régulièrement suivant une génératrice. Ce mouvement est imprimé à l’aide d’une vis parallèle au cylindre et dont le mouvement est commandé par lui. Un écrou, monté sur la vis, porte le style et comme il ne peut pas tourner, il est obligé d’avancer ; La combinaison des deux mouvements, rotation du cylindre et avance du style, fait que tous les points de l’image sont successivement explorés au bout d’un certain temps.

Ceci dit pour rappeler la part du passé, voyons comment les inventeurs modernes sont arrivés à résoudre les nombreuses difficultés du problème, Un seul des systèmes, celui du professeur Korn, de Munich, utilise les propriétés du sélénium ; tous les autres reposent sur des actions mécaniques.

Appareil Korn. - Cet appareil est représenté par la figure 41 sous la forme qu’il avait lors des expériences faites à Paris, au journal l’Illustration, en février 1907. Depuis, le schéma a été modifié selon la figure 44, mais cette modification, intéressante en pratique, ne change rien au fonctionnement du système et nous allons d’abord nous servir de la figure 41.

Au poste transmetteur, l’image à reproduire est une photographie sur pellicule, enroulée sur le cylindre de verre a. Ce cylindre est commandé par un moteur électrique, à l’aide d’une vis tangente et d’une roue que l’on voit à la partie supérieure. Le fond métallique supérieur du cylindre forme écrou sur une vis verticale fixe, de telle sorte qu’en tournant le cylindre monte ou descend. Au-dessous du cylindre se trouve placée la cellule ou pile de sélénium e qui est l’organe essentiel du transmetteur. Une source lumineuse b placée sur le côté envoie un faisceau de rayons sur une lentille c qui les concentre sur un point de la pellicule photographique ; les rayons traversent l’image et sont plus ou moins absorbés selon l’opacité du cliché en ce point ; le faisceau divergent est recueilli par un prisme d qui le réfléchit sur la cellule de sélénium.

On conçoit facilement que, par suite du mouvement de rotation et de progression du cylindre, tous les points de l’image viennent passer sur le trajet des rayons lumineux et que la cellule e est affectée, à chaque instant, par les variations d’intensité de la lumière. Or, on connaît cette propriété du sélénium, lorsqu’il se trouve dans l’état allotropique convenable, d’offrir une résistance électrique beaucoup plus grande dans l’obscurité qu’à la lumière ou à la chaleur. Par conséquent, si la cellule est intercalée dans le circuit d’une pile et d’une ligne télégraphique, l’intensité du courant reçu au bout de cette ligne indiquera à chaque instant l’opacité du point de l’image qui passe sous le faisceau lumineux, et il ne restera plus qu’à utiliser cette variation d’intensité pour reproduire au poste récepteur l’image du transmetteur.

Nous n’insisterons pas ici sur les premiers appareils dont se servait M. Korn pour la réception, et où il faisait usage de rayons cathodiques, produits par des courants de haute fréquence et d’un relais galvano-métrique très sensible. Ce dispositif récepteur, extrêmement ingénieux, était trop, délicat pour la pratique et il est aujourd’hui remplacé par un autre beaucoup plus simple et robuste.

Le courant envoyé du transmetteur traverse un galvanomètre à corde qui obture plus ou moins une fenêtre m par laquelle le faisceau lumineux, émané de la lampe k et concentré par la lentille l entre dans la chambre noire qui contient le cylindre récepteur j ; celui-ci est entouré d’une pellicule sensible et il tourne sur son axe de la même manière que le cylindre transmetteur. La lampe k et la lentille l sont disposées de façon à donner sur la pellicule l’image d’un point lumineux très petit ; grâce au diaphragme porté par le galvanomètre à corde, l’intensité du faisceau lumineux est proportionnelle, ou inversement proportionnelle, au courant envoyé dans la ligne et, par conséquent, à l’opacité ou à la transpaaence du point correspondant de l’image à reproduire ; l’impression sur la pellicule j varie donc en fonction de l’image, et, selon la façon dont est placé le diaphragme, il est possible d’obtenir une épreuve positive ou négative. Il ne reste plus, qu’a développer la pellicule pour avoir ta reproduction de l’image envoyée par la ligne.

La figure 41 montré le dispositif de synchronisation : le levier u passe très près du disque i et l’arrête lorsque l’ergot x vient en contact avec lui. Comme le mouvement du moteur est transmis au cylindre j par l’embrayage à friction formé par le cône h et la boîte i, le moteur continue à tourner. Dès que le cylindre transmetteur a est arrivé au point convenable, le doigt f vient toucher le ressort g et coupe le courant qui traversait l’électro t, celui-ci abandonne son armature elle levier u s’éloigne de i en libérant le cylindre i qui se remet en marche. Le même fait se reproduit à chaque tour et corrige les petites variations de vitesse, pourvu que le cylindre j du récepteur tourne légèrement plus vite que le cylindre a du transmetteur.

Examinons maintenant quelques détails de cet appareil. La cellule de sélénium est formée ’d’une petite plaquette de pierre ou d’ardoise, (fig. 42), sur laquelle sont enroulés parallèlement et sans contact entre eux, deux fils fins de platine, l et 2. Sur une des faces, cette plaquette est recouverte de sélénium en couche très mince, de telle sorte que les deux fils qui étaient d’abord isolés sont à présent reliés par le sélénium et la résistance qui les sépare peut varier du simple au double, et même plus, en passant de la lumière à l’obscurité. Il est extrêmement important de mettre ces cellules à l’abri des variations de température pendant l’expérience, car la résistance varie autant pour les deux causes : lumière et chaleur.

Le galvanomètre à corde employé par M. Korn est un appareil assez récent, dont on trouve l’origine dans le récepteur pour télégraphie sous-marine construit par M. Ader, il y a quelques années. Ce galvanomètre possède une très grande sensibilité, puisque Einthoven est arrivé à en construire un qui décèle des courants de l’ordre de 10-12 ampère, soit un millionième de microampère. Ramené à sa forme schématique la plus simple, le galvanomètre à corde se compose d’un fil conducteur ((fig. 43), tendu entre les deux points fixes a et b et place entre les pôles PP d’un aimant ou d’un électro-aimant. Sous l’action du courant, le fil fléchit perpendiculairement aux lignes de force du champ, et on observe cette flexion au moyen d’un microscope dont l’axe coïncide avec la direction du champ. Dans les expériences d’Einthoven, le fil était en quartz argenté et il présentait une résistance électrique considérable et une durée d’oscillation très longue. Dans les expériences de Korn, le fil est en bronze, et, comme il doit porter le petit diaphragme obturateur de la lumière, ses dimensions sont relativement considérables, de l’ordre du dixième de millimètre.

Dans ses premières.expériences M. Korn, comme, tous ceux qui l’avaient précédé, utilisait la variation totale de la résistance du sélénium, mais il ne tarda pas à s’apercevoir qu’il était impossible d’obtenir de cette manière des signaux rapides, à cause d’une sorte d’inertie que le sélénium éprouve à suivre les variations de résistance que lui imposé la lumière. L’observation montre en effet qu’à chaque instant la résistance, du sélénium est fonction, non seulement de l’éclairement qu’il subit, mais encore des éclairements antérieurs, et, lorsqu’on veut voir la cellule revenir à sa résistance normale dans l’obscurité, il faut attendre un temps assez long. M. Korn est arrivé à vaincre cette difficulté, grâce à un système de compensation qui consiste à utiliser seulement les différences infiniment petites des variations de deux cellules, l’une e qui fait partie du système transmetteur et qui est soumise à l’action directe de la lumière (figure 41), et l’autre s qui sert dans le récepteur et qui est placée devant une lampe auxiliaire o obturée par un galvanomètre à corde q.

Le schéma actuel des appareils (n° 44), permet de se rendre compte de la compensation. Deux cellules Se1 et Se2 forment deux côtés d’un pont de Wheatstone, dont les résistances A et B sont les deux autres branches. Une pile fournit du courant à cet ensemble par deux sommets opposés du pont de Wheatstone ; la ligne et le galvanomètre sont reliés aux deux autres sommets opposés. La cellule Se1 est placée dans l’appareil transmetteur ; elle est impressionnée directement par la lumière qui traverse l’image. La cellule Se2 est éclairée par une source auxiliaire obturée par le galvanomètre g ; et les choses sont réglées de telle sorte que dès que Se1 reçoit de la lumière, l’équilibre du pont est rompu ; mais le galvanomètre g en déviant découvre plus ou moins la lumière auxiliaire et celle-ci venant éclairer Se2 tend à rétablir l’équilibre. Le galvanomètre de compensation g et celui du récepteur G reçoivent le même courant. La différence entre les figures 41 et 44 est que, dans le dispositif actuel, la cellule et le galvanomètre de compensation sont tous deux au poste transmetteur, au lieu que Se2 soit au récepteur.

Le système Korn est le seul qui ait été essayé dans les conditions de la pratique, c’est-à-dire avec le transmetteur séparé du récepteur ; tous les autres ont été essayés en local. Dans les expériences entre Munich et Berlin, dans le courant de l’année dernière, la transmission d’une épreuve 13q sur 240 millimètres réduite à 35 sur 64 millimètres environ au récepteur, a pu être faite en six minutes, les traits étant espacés de l millimètre sur l’image reçue, et en douze minutes avec un espacement de un demi-millimètre. Ces essais ont été faits avec des lignes téléphoniques doubles et pendant la nuit pour éviter les perturbations produites par les circuits voisins.

Tëléstéréoqraphe Belin. - Le système de M. Ed. Belin est beaucoup plus simple et ne comporte, en dehors de la photographie, que des organes mécaniques, de sorte que,bien que les essais n’aient été faits qu’en local et sans se préoccuper de la synchronisation, il est possible qu’il fournisse des résultats plus pratiques que ceux obtenus par Korn, malgré l’ingéniosité des solutions préconisées par ce dernier.

Comme nous venons de le dire, M. Belin n’a pas voulu compliquer ses essais par l’étude de la synchronisation, estimant qu’il existe aujourd’hui de nombreux moyens éprouvés pour résoudre cette partie du problème et il s’est contenté de coupler mécaniquement le transmetteur et le récepteur qui sont placés côte à côte.

L’épreuve à transmettre est reproduite sur une pellicule de gélatine bichromatée. On sait que les épreuves de cette sorte présentent des épaisseurs d’autant plus grandes que l’action lumineuse a été plus intense, par suite, une photographie sur gélatine bichromatée a un relief variable ; la photoglyptie est basée sur ce fait.

L’épreuve sur gélatine bichromatée est enroulée en G, (fig. 45), sur un cylindre métallique C et celui-ci est animé d’un double mouvement de rotation et de translation, comme dans l’appareil précédent. Un levier articulé à la partie supérieure porte un style analogue à ceux employés dans les phonographes, qui vient appuyer fortement sur la pellicule

et qui suit tous les reliefs de celle-ci. Les déplacements du style sont amplifiés 8 fois par le levier à l’extrémité inférieur duquel se trouve un petit galet qui frotte sur les touches d’un rhéostat R. Le circuit renferme une pile, le rhéostat R, la ligne et l’appareil récepteur. Selon le relief du point touché par le style, la résistance intercalée dans le rhéostat R est plus ou moins grande et fait varier l’intensité du courant sur la ligne.

A la réception, l’appareil se compose d’un galvanomètre O dont le miroir reçoit la lumière d’une lampe. Le faisceau lumineux réfléchi vient tomber sur une lentille disposée de telle sorte que la lumière qui l’a traversée vienne toujours tomber au point F. sur la pellicule A’ Devant la lentille se trouve placé un écran T, composé de 20 bandes d’opacité croissante, ce que M. Belin appelle la gamme des teintes. Selon la déviation du galvano-mètre, c’est-à-dire selon l’intensité du courant reçu par la ligne, le faisceau lumineux traverse une partie plus ou moins opaque de l’échelle des teintes et l’éclairement en F varie en conséquence. Selon que le rayon réfléchi rencontre la partie opaque ou la partie claire de la gamme des teintes, lorsque le style du transmetteur se trouve sur un blanc de l’image, on a une épreuve positive ou négative.

Le cylindre C’ du récepteur est enfermé dans une chambre noire et recouvert d’une pellicule sensible. Un écran métallique, percé d’un trou de 1/6 de millimètre seulement, se trouve en F et limite l’étendue de la région impressionnée par la lumière. Afin d’éviter les phénomènes de diffraction, l’écran métallique percé touche exactement le surface sensible de la pellicule. L’image reproduite est formée par la juxtaposition de lignes de 1/6 de millimètre.

Nous appellerons l’attention sur deux points particuliers de l’appareil.de M. Belin. Le rhéostat Rest composé de 20 résistances dont les valeurs sont calculées d’après la ligne de transmission, afin de donner la variation convenable à l’intensité du courant. Les résistances sont reliées à un petit commutateur composé de vingt lames d’argent, séparées par des feuilles de mica ; cet ensemble possède une épaisseur qui ne dépasse pas 3,5 mm ; sur la tranche des lames d’argent frotte le galet du levier qui est actionné pal’ les reliefs de l’épreuve bichromatée du cylindre C. Cette petite pièce joue un rôle important dans l’appareil et constitue une des parties les plus. délicates à construire.

Afin d’obtenir une transmission rapide des signaux, il faut avoir recours à un galvanomètre à la fois sensible et à oscillations très courtes. M. Belin a eu l’idée d’employer un instrument aujourd’hui assez répandu dans les laboratoires, l’oscillographe de M. Blondel. Cet appareil, représenté schématiquement par la figure 46, se compose essentiellement d’un fil plat. extrêmement fin, attaché à deux points fixes a et b et tendu, à la partie inférieure, par une poulie p fixée à un ressort ; un .miroir m est collé au milieu des fils entre les pôles PP ; l’en, semble est placé dans le champ très intense engendré par un électro EE. Quand le courant traverse le fil, il monte dans un des brins et descend dans l’autre, par suite l’un des brins tend à se déplacer perpendiculairement au plan de la figure et en avant, l’autre en arrière ; il en résulte un mouvement de rotation du miroir et c’est la déviation de celui-ci qui est utilisée pour envoyer le faisceau réfléchi sur la partie convenable de la gamme des teintes. Pour donner une idée p1us exacte, disons que les pôles de l’électro PP sont éloignés d’environ 1 à 2 millimètres, que le fil est un ruban de bronze ayant 0,02 à 0,03 millimètre d’épaisseur et 0,10 à 0,20 millimètre de largeur, et enfin que l’espace entre les deux brins est également de l’ordre de 0,1 millimètre. Un semblable appareil a une .période de vibration propre de 2 à 3 dix-millièmes de seconde.

Comme nous le disions plus haut, M. Belin n’a n’a jamais fait que des essais en local, la ligne étant bouclée sur les appareils. Les expériences ont été faites avec la ligne Paris, Lyon, Tulle, Bordeaux, Angoulême et Paris, soit 1717 kilomètres. Dans ces conditions et avec l’espacement de 1/6 de millimètre entre les traits, il a pu reproduire une photographie de 13 sur 18 centimètres en 22 minutes, ce qui, en supposant que la figure se compose de points de 1/6 de millimètre de côté, correspond à 643 signaux par seconde. M. Belin s’est attaqué au paysage, ce que M. Korn n’a jamais pu faire à notre connaissance, mais il semble qu’il a trop cherché à obtenir des épreuves fouillées et que l’espacement de 1/6 de millimètre est trop petit, surtout si on vise ensuite l’impression par les procédés de la photogravure. En espaçant un peu plus les traits et en augmentant la vitesse de rotation, on peut espérer obtenir encore de belles épreuves et une plus grande vitesse de transmission.

Appareil Berjonneau. - M. ,Berjonneau emploie au transmetteur un cliché tramé analogue à ceux des similigravures, et.ce cliché étant enroulé sur-te, cylindre D, (fig. 47,) tous les points de la surface passent sous la pointe du style qu’un ressort F appuie sur le ’cliché. Comme ce cliché se compose d’une série de points d’étendue d’autant plus grande qu’il s’agit de représenter un noir plus intense. lorsque le style passe sur ces points il ferme le cirrcuit de la pile sur la ligne pendant un temps plus ou moins long, selon la largeur du point touché, et la transmission a lieu par une série d’émissions de courants de même intensité, mais de durée variable.

Le même appareil sert à la réception. Le cylindre D est recouvert d’une pellicule sensible et une lampe est placée devant une ouverture de la chambre noire. Un électro, intercalé dans le circuit de la ligne. porte un obturateur et ferme ou ouvre le passage à la lumière ; les demi-teintes sont dues uniquement à la largeur des points tracés par le faisceau lumineux.

Système Carbonnelle. - Ce système rappelle le télégraphe Caselli par l’emploi, au transmetteur, d’un dessin tracé à l’encre grasse sur papier métallique, mais son récepteur est tout à fait différent : il se compose d’un téléphone dont la membrane porte un style qui grave dans la cire ou le plomb dont est recouvert le cylindre récepteur. Pour transmettre des photographies ou des dessins avec demi-teintes, M. Carbonnelle indique, entre autres solutions, l’emploi d’une photographie tramée, comme l’a fait depuis M. Berjonneau.

Dans des expériences entre Bruxelles et Anvers, M. Carbonnelle est arrivé à transmettre une épreuve 13 sur 18 centimètres en 80 secondes. Système Senlecq-Tival. - Disons enfin, pour terminer, quelques mots d’un appareil annoncé, mais qui ne paraît pas avoir été essayé, certains détails publiés étant assez invraisemblables.

Dans l’appareil Senlecq-Tival, la photographie à transmettre est tirée par le procédé au charbon, en faisant usage d’une poudre conductrice. et ce cliché est enroulé sur le cylindre métallique A du transmetteur, (figure 48). Un style S ferme le circuit d’une pile sur 1 électro B et le cylindre A, au travers de la pellicule. Tous les points de celle-ci ont une conductibilité proportionnelle à l’opacité de l’image ; par suite, l’électro B reçoit un courant en fonction de celle capacité. Ici intervient un organe destiné, paraît-il, à accélérer la transmission et dont le rôle est assez problématique. Sur un tambour C un fil d’acier est enroulé e prennent une aimantation proportionnelle à l’intensité des courants ; c’est le télégraphone de Poulsen. En faisant ensuite tourner C devant un autre électro relié à la ligne, on obtient dans celle-ci des courants variables qui actionnent un galvanomètre à corde muni d’un écran teinté, T (fig. 49 [1]), et ce dernier règle l’intensité de la lumière qui vient frapper la plaque sensible.

Quel est l’avenir de la phototélégraphie ? Il serait bien imprudent de formuler un avis dès à présent. Le besoin s’en fait-il sentir ? Oui, en partie, pour les journaux plus spécialement où l’information rapide est une nécessité de plus en plus grande ; pour la police : transmission de signalements, etc. ; mais pour toutes ces applications, il est évident que les appareils actuels doivent subir encore de nombreux perfectionnements.

Est-il besoin d’ailleurs d’attendre la nécessité de semblables appareils pour s’en occuper ? Évidemment non, car dans ces cas-là c’est l’organe qui crée la fonction. En outre, il faut reconnaître que ces ’expériences sont un acheminement à la vision à distance, problème qui ne parait pas susceptible d’être résolu directement et qui, posé depuis plus de trente ans, ne nous a conduit jusqu’ici qu’à la phototélégraphie, laquelle à son tour pourrait bien nous ramener à la solution du problème initial.

[1Cette figure 49 n’est pas imprimée dans la revue. Il semble qu’il s’agisse en fait de la figure 48.

Revenir en haut