Comme le dit, dans un ouvrage récent [1], le Dr Gallavardin, médecin des hôpitaux de Lyon, « c’est exagérer à peine que de dire que la sphygmomanométrie est aux affections chroniques ce que la thermométrie est aux maladies aiguës ».
La sphygmomanométrie, c’est la mesure de la pression du sang dans les artères, qui peut renseigner à la fois sur l’état physiologique du cœur, des Vaisseaux et des reins.
Voici pourquoi.
Le cœur et les artères sont élastiques et, par leurs muscles, pressent sur le sang qu’ils renferment. La preuve en est que dès qu’on se coupe, le sang apparaît et coule aussi longtemps qu’un caillot n’a pas bouché l’orifice. Mieux, si l’on égorge un lapin ou un poulet, le sang gicle avec force des grosses artères du cou. La pression y est donc considérable.
Les physiologistes ont montré qu’elle est produite par les contractions rythmiques du cœur, agissant comme une pompe foulante et envoyant à chaque battement un flot ide sang dans l’aorte. À chaque contraction ou, comme on dit, à chaque systole, la pression devient maxima. Pendant que la poche du cœur se remplit à nouveau, des valvules, véritables soupapes, ferment la communication avec l’aorte où la pression baisse peu à peu jusqu’à un certain minimum. Bientôt un nouveau coup de piston, une nouvelle systole, ramène la pression sanguine à son maximum. Celle-ci oscille donc constamment entre deux valeurs, qu’on a estimées chez l’homme à environ 90 et 150 mm de mercure, ce qui donne une pression moyenne de 120 mm, soit un sixième d’atmosphère.
Naturellement, ces chiffres n’ont rien d’absolu. Ils sont beaucoup plus faibles à la naissance, augmentent pendant l’enfance et l’adolescence, sont un peu plus petits chez la femme que l’homme. Toutes les grandes fonctions de l’organisme : respiration, digestion, sommeil, travail musculaire, exercent sur la circulation une action qui se traduit par des variations de pression sanguine.
Mais on comprend aussi qu’une lésion quelconque de l’appareil circulatoire retentira également sur la pression et que celle-ci, si on peut exactement la mesurer, montrera et même dans certains cas révélera lès défauts de fonctionnement du muscle cardiaque, des valvules, de l’aorte, etc.
C’est à ce titre que la sphygmomanométrie intéresse les médecins qui.Iui demandent de, plus en plus de fournir une base objective à la clinique et d’étayer l’auscultation,
Le premier qui mesura là pression sanguine fut probablement Stephen en 1744. Ayant réuni un long tube de verre à une canule introduite dans l’artère crurale d’une jument couchée sur le dos, il vit le sang monter jusqu’à une hauteur de 2,50m. Le procédé ne pouvait être tel quel appliqué aux malades ! Plus d’un siècle passa avant qu’on réalisât un procédé clinique et non sanglant. Ceux qu’on possède aujourd’hui, et ils sont nombreux, reposent tous sur le même principe de la mesure de la contre-pression nécessaire pour arrêter les battements artériels.
Le plus simple de ce genre est probablement le procédé de Bloch que représente la fig. 1. Ce médecin saisine poignet du malade, Ie pouce appuyé sur l’artère radiale de façon à sentir le pouls. Au moyen d’une tige appuyée sur un ressort, il presse sur l’ongle du pouce jusqu’à ce que le pouls ne se sente plus ; à ce moment il lit la pression exercée sur la tige graduée de son espèce de dynamomètre.
Cette méthode a été justement critiquée. On lui reproche de ne pas donner de résultats comparables d’un moment à l’autre, ni d’un observateur à l’autre : selon que la surface du pouce qui appuie est plus ou moins étendue, qu’il fait lui-même pression et qu’il porte sur un. plan plus ou moins résistant, à travers une couche graisseuse plus ou moins épaisse, les indications sont très discordantes.
Barch a cherché à supprimer cette intervention du pouce de l’observateur en le remplaçant par une pelote élastique. Son appareil, perfectionné par Potain, est le plus souvent connu sous le nom de sphygmomanomètre de Potain. Il comprend (fig. 2 et 3) une balle creuse de caoutchouc A (dont une partie à paroi mince B est appuyée sur le poignet) reliée par un tube souple à un manomètre à cadran. On gonfle un peu la balle au moyen d’une pompe branchée sur l’ajutage R, de façon à amener l’aiguille du manomètre à la division 5. L’appareil est alors employé comme le montre la fig. 5. Potain trouvait ainsi une pression moyenne norrmale de i4 à 20 centimètres de mercure. L’épaisseur des tissus interposés entre la balle et l’artère et la mobilité de celle-ci expliquent que ces pressions sont trop élevées.
Pour éviter cette fuite du. vaisseau devant la pression, Riva-Rocci imagina de mesurer la pression artérielle, non plus au poignet, mais au bras, sur l’humérale, en enserrant le membre dans un brassard (fig. 4) qui comprime régulièrement tout autour. Le brassard, inextensible, comporte à sa face interne une poche de caoutchouc reliée d’une part à un manomètre et de l’autre à une poire à compression. Le médecin tâte le pouls de son malade, puis presse la poire jusqu’à ce que les battements artériels cessent ; à ce moment il lit la pression exercée sur le manomètre ; c’est la pression qui arrête l’onde sanguine, équivalente par conséquent à la pression artérielle maxima.
La méthode de Riva-Rocci a eu un très grand succès et a été employée. par un nombre considérable de médecins. Beaucoup se sont ingéniés à modifier de diverses façons l’appareil primitif, changeant la largeur du brassard, son mode d’attache, la disposition du manomètre, la forme de la pompe de compression, etc. Nous ne voulons pas entrer ici dans le détail de toutes ces variantes.
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Nous signalerons seulement l’appareil le plus perfectionné. de ce genre, le sphygmo-signal de Vaquez (fig. 5). La fig. 6 fait comprendre son fonctionnement. À mesure qu’on comprime le brassard B’ au moyen de la pompe, on voit l’aiguille du signal se déplacer puis se mettre à battre de plus en plus fort ; la pression continuant d’augmenter, les battements diminuent, puis cessent. La pression indiquée par le manomètre à cet instant est celle qui contre-balance la pression maxima et arrête l’onde sanguine, à vrai dire, l’expérience a montré que cette, mesure n’est pas rigoureusement exacte et que, lorsque les battements cessent, la circulation n’est pas encore arrêtée.
Tous ces procédés donnent avec, plus ou moins d’approximation l’indication de la pression maxima ou systolique : il est également fort intéressant de connaître la pression minima ou diastolique, celle qui est due la tension de la paroi artérielle entre deux pulsations.
Marey a, posé nettement le principe de ces mesures que Pachon a réalisé pratiquement.
Comme-nous venons de le dire à propos du sphygmo-signal de Vaquez ; les oscillations de la paroi artérielle sous l’influence des chocs sanguins, passent par un maximum quand la contre-pression exercée dans le brassard est égale à celle de l’intérieur du vaisseau : Une pression moindre diminue l’aplatissement diastolique, une pression plus forte gêne la dilatation systolique.En faisant varier la pression dans le brassard, on constatera donc des oscillations maxima quand la pression indiquée par le manomètre (celle du brassard) correspondra à la tension diastolique de la paroi artérielle.
Pachon a réalisé, sous le nom d’oscillomètre, un très ingénieux appareil pouvant, être aisément employé. L’oscillomètre se présente sous l’aspect représenté fig.7. Le bras étant entouré du brassard B (fig. 8) ; la chambre élastique de celui-ci communique par le tube A avec le boîtier métallique hermétique et rigide E dans lequel est, enfermée une cuvette anéroïde C.
Boîtier E, capsule manométrique c et brassard B sont normalement en communication par les conduits f, b, a. Une pompe P permet d’établir toute pression voulue dans le système constitué par ces organes ; le chiffre de pression est donné par le manomètre M ; une valve d’échappement v permet de diminuer ad libitum la valeur du régime de pression préalablement établi.
Une fois une pression quelconque établie, si l’on veut reconnaître l’amplitude des pulsations artérielles à ce régime, il suffit d’agir sur l’organe séparateur S, dont, la, manœuvre intercepte, la communication entre le boîtier E,d ’une part, et le système composé du brassard B et de la capsule manométrique c, d’autre part. À ce moment, les variations de pression créées dans le brassard par les variations rythmiques de volume du segment de membre exploré sont transmises exclusivement à la capsule manométrique, qui les traduit nécessairement à tout régime de contre-pression avec une sensibilité constante et maximale, puisque ces variations de pression surprennent toujours la capsule manométrique dans un état de tension nulle, ses parois, supportant à l’extérieur comme à l’intérieur la pression de régime à laquelle on fait la lecture, et donnée par le manomètre M. Dans ces conditions, on reconnaît aisément la pression minima ou diastolique : c’est celle qui permet les plus grandes oscillations ; on peut également mesurer la pression maxima ou systolique : c’est la pression limite où les oscillations disparaissent.
Au lieu d’observer les battements par les déplacements d’une aiguille, on peut aussi les percevoir à l’oreille par l’auscultation. Laubry a imaginé sous le nom de sphygmophone un appareil d’écoute des battements artériels comparables à ceux qu’on emploie communément pour le cœur.
Enfin, tout récemment, MM. Vaquez et Laubry ont réalisé un dernier appareil, le sphygmotensiophone dont la fig. 10 reproduit l’aspect, Il comporte un brassard de 12 centimètres de large qu’on fixe rapidement en tirant les deux barrettes qui serrent les trois boucles d’arrêt. Le brassard porte le manomètre indicateur de pression ; sa chambre de compression est reliée à une poire qui sert à élever la pression jusque vers 25cm. Fixé au-dessous du brassard se trouve le sphygmophone sur lequel on place le stéthoscope biauriculaire. La fig. 9 montre le mode d’emploi de l’appareil. Après avoir bloqué l’artère humérale par compression, on décomprime lentement et progressivement jusqu’au moment où le sang, recommençant à circuler, détermine une première vibration ; la pression alors indiquée par le manomètre est celle de la tension systolique ou maxima. On continue à décomprimer graduellement : les vibrations, demeurent quelque temps assourdies, mais ne tardent pas à devenir plus sonores, prenant parfois le timbre d’un souffle ; elles atteignent un maximum d’intensité, puis décroissent durant un temps plus ou moins long pour disparaître brusquement ou subir tout au moins une diminution’ telle qu’elles deviennent presque imperceptibles : La pression indiquée par l’aiguille du manomètre au moment de cette disparition ou de cet étouffement subit des vibrations, correspond à la tension diastolique ou minima.
Les chiffres obtenus chez des sujets normaux d’âge moyen sont généralement de 12 à 14 pour la tension maxima, de 8 à 9 pour la pression minima. Au-dessous de 7 d’une part, au-dessus de 16 d’autre part, on se trouve en présence de cas pathologiques que ces appareils permettent de déterminer exactement.
R.M.