L’usage du chocolat existait au Mexique depuis longtemps lorsque les Espagnols, sous les ordres de Fernand Cortez, firent la conquête de ce pays, en 1520. Le mot chocolat dérive, en effet, des deux mots mexicains, choco (son ou bruit) et alte (eau) qui signifient qu’on bat les amandes de cacao dans l’eau bouillante pour préparer cet aliment, Le mélange ainsi obtenu est aromatisé par du piment et consommé généralement à cet état. On l’additionne aussi de miel ou de sève sucrée du maguey (agave mexicana) afin de neutraliser l’amertume naturelle de l’amande du cacaoyer ; enfin, on ajoute a ce mélange, du chile ou farine de maïs et des semences de rocou qui communiquent à la pâte une belle couleur rouge.
Lors de la conquête espagnole, les seigneurs et les guerriers avaient seuls le droit de consommer le chocolalt, : qui lui attribuaient la propriété remarquable de réparer ; les. forces et d’exciter la vigueur.
Le cacao fut introduit fort tard en Espagne, car les conquérants avaient tenu secrète leur découverte, afin de se réserver l’usage de la précieuse amande. Le chocolat fut très recherché, dès son apparition en Europe, grâce aux qualités merveilleuses qu’on lui prêtait, mais il fut longtemps l’apanage des seigneurs à cause de son prix élevé. Ce succès contribua beaucoup à l’extension de la culture du cacaoyer au Mexique, puis à la Martinique, où cet arbre fut introduit, en 1660, par un Israélite du nom de Benjamin d’Acosta.
Ce n’est guère que vers 1651 que le cacao pénétra en France ; l’usage en fut conseillé par un moine au cardinal-archevêque de Lyon, Alphonse, frère du cardinal de Richelieu, qui le prenait pour combattre, disait-il, les humeurs de sa rate. La première fabrique française de chocolat fut installée à Paris par Chaillou, qui le vendait à un prix tellement élevé que les grandes fortunes pouvaient seules se permettre celte dépense.
La grande vogue du chocolat date surtout de l’époque licencieuse qui caractérise le règne de Louis XV, en raison des qualités réparatrices de cet aliment qui disposait vite à de nouveaux excès.
Le chocolat n’eut pas cependant le succès du café, car il ne stimule pas comme lui les fonctions cérébrales et n’est pas favorable à la bonne chère. C’est ce qui explique l’indifférence que montrent encore à son égard les peuples du Nord qui le prennent après leur repas afin de ne pas entraver l’appétit. D’ailleurs le chocolat est plus particulièrement recherché dans les pays chauds comme l’Espagne. Grâce à sa grande valeur nutritive et à son goût agréable, il constitue, en effet, un analeptique, remarquable s’opposant à l’intempérance qui serait fatale aux habitants de ces pays. Il a bien, à certains yeux, l’inconvénient de favoriser la paresse, mais comme il plonge l’esprit et le corps dans ce doux farniente si cher aux Méridionaux, et surtout aux Espagnols, c’est un défaut que ces peuples lui pardonnent.
Sous nos climats cet inconvénient est ressenti par les amateurs de chocolat qui ont une alimentation succulente et qui n’ont aucun besoin d’absorber cet aliment pour réparer leurs forces, aussi doit-il être recommandé surtout à ceux qui travaillent beaucoup.
La consommation du chocolat est maintenant très importante, grâce à l’abaissement de son prix qui résulte de l’extension de la culture du cacaoyer et de la diminution des frais de main-d’œuvre.
Le cacaoyer est répandu maintenant dans toute l’Amérique tropicale, sur une étendue de 40° de latitude dont 25 au nord et 15 au sud de l’Équateur, Nous donnons aux mots CACAO et CACAOYER des renseignements sur la récolte du cacao et sur les différentes sortes commerciales.
Outre l’extension de la culture du cacaoyer qui a surtout contribué à généraliser la consommation du chocolat, la diminution des frais de main-d’œuvre pour la préparation de ce produit alimentaire doit entrer en ligne de compte.
Au commencement de ce siècle, la fabrication du chocolat se faisait entièrement à bras d’hommes. Le cacao et le sucre étaient broyés dans un mortier à l’aide d’un pilon, puis la masse était étendue sur une pierre placée à terre et l’ouvrier achevait le broyage en promenant sur la pâte, avec un mouvement alternatif, un rouleau en marbre jusqu’à ce que l’écrasage soit parfait. La pâte, ramollie par un chauffage modéré, était transformée en boudins en la roulant dans une feuille de papier ; par le refroidissement, ces boudins devenaient durs et on les livrait dans cet état au commerce.
La première amélioration réalisée fut de placer la pierre sur une table, de façon que l’ouvrier puisse travailler debout. Cette pierre, maintenue chaude à l’aide d’un brasero, était plane ou concave. La forme concave se généralisa lorsqu’on eut l’idée de suspendre au plafond les bras de support d’un rouleau, que l’ouvrier n’avait plus alors qu’à animer d’un mouvement de va-et-vient.
Ces procédés rudimentaires ne permettaient d’obtenir que 12 à 15 livres de chocolat par jour. La consommation du chocolat s’étendant de plus en plus, on dut recourir aux machines afin de fabriquer plus vite et plus économiquement. Antiq eut l’idée, vers 1830, d’employer des pilons mécaniques mus par des cames placées sur un arbre animé d’un mouvement rotatif, dans le but d’opérer le mélange de sucre et de cacao.
Pour amener le mélange à la finesse voulue il imagina une broyeuse formée d’une aire en granit, inclinée du centre vers la circonférence, en sens inverse de trois galets coniques mobiles autour d’axes fixés à un arbre central animé d’un mouvement de rotation. Hermann remplaça les pilons d’Antiq par un mélangeur consistant en une sorte de cuvette en granit à bords relevés au centre et à la circonférence. Le centre de cette cuvette était traversé par un arbre tournant qui entraînait dans sa course deux galets ellipsoïdes. Mélinand, constructeur lyonnais, inventa une machine fort ingénieuse où le mélange et le broyage s’effectuaient simultanément. La pâte, était soumise sur une aire tournante à la pression d’un cylindre mobile autour d’un axe fixe. La pâte fixée sur ce cylindre allait subir l’action d’un second rouleau placé au-dessus de lui ; ce rouleau s’emparait de la pâte qu’il abandonnait dans sa course au contact d’une râcle disposée de façon à conduire le chocolat dans une bassine, M. Debatiste construisit plus tard une machine se rapprochant beaucoup de celle que nous venons de décrire ; l’écrasement s’y effectuait à l’aide de deux galets coniques mobiles autour d’axes fixes dans le sens horizontal et disposés suivant un diamètre du cercle de l’aire. M. Debatiste terminait le broyage du chocolat entre deux cylindres animés de mouvements inverses ; deux râcles placées dans le sens des génératrices de chacun des cylindres faisaient tomber le chocolat dans des récipients appropries.
Hermann eut, vers 1839, l’heureuse idée d’appliquer au broyage proprement dit du chocolat, les machines qu’il construisait pour le broyage des couleurs ; ces machines étaient formées essentiellement de trois cylindres en fonte animés de mouvements d’inégale rapidité. La fonte donnant un goût désagréable au chocolat, Hermann la remplaça par le granit qui est employé maintenant, à l’exclusion de toute autre matière, dans la chocolaterie.