Vous avez probablement entendu parler des trous noirs - ces merveilleux amas de gravité dont même la lumière ne peut s’échapper. Vous avez peut-être aussi entendu dire que l’espace lui-même et même le temps se comportent bizarrement à proximité des trous noirs ; l’espace est déformé.
À proximité d’un trou noir, l’espace se courbe tellement que les rayons lumineux sont déviés, et la lumière très proche peut être déviée à tel point qu’elle fait plusieurs fois le tour du trou noir. Par conséquent, lorsque nous observons une galaxie lointaine en arrière-plan (ou un autre corps céleste), nous pouvons avoir la chance de voir plusieurs fois la même image de la galaxie, bien que de plus en plus déformée.
Des galaxies en plusieurs versions
Le mécanisme est illustré sur la figure ci-dessous : une galaxie lointaine brille dans toutes les directions, une partie de sa lumière arrive près du trou noir et est légèrement déviée ; une autre partie de la lumière s’approche encore plus près et fait le tour du trou une seule fois avant de s’échapper vers nous, et ainsi de suite. En regardant près du trou noir, nous voyons de plus en plus de versions de la même galaxie, plus nous nous approchons du bord du trou.
À quelle distance du trou noir doit-on se rapprocher d’une image pour voir l’image suivante ? Le résultat est connu depuis plus de 40 ans, et il est d’environ 500 fois (pour les aficionados des maths, il s’agit plus exactement de la « fonction exponentielle de deux pi », écrite e2π).
Le calcul de ce facteur est si compliqué que, jusqu’à récemment, nous n’avions pas encore développé d’intuition mathématique et physique quant à la raison pour laquelle il s’agit de ce facteur exact. Mais grâce à quelques astuces mathématiques, Albert Sneppen, étudiant en master au Cosmic Dawn Center - un centre de recherche fondamentale dépendant de l’Institut Niels Bohr et de DTU Space - a réussi à prouver pourquoi.
« Il y a quelque chose de fantastiquement beau dans le fait de comprendre maintenant pourquoi les images se répètent d’une manière aussi élégante. En outre, cela offre de nouvelles possibilités de tester notre compréhension de la gravité et des trous noirs », précise Albert Sneppen.
Prouver quelque chose mathématiquement n’est pas seulement satisfaisant en soi. En effet, cela nous rapproche de la compréhension de ce merveilleux phénomène. Le facteur « 500 » découle directement du fonctionnement des trous noirs et de la gravité, de sorte que les répétitions des images deviennent maintenant un moyen d’examiner et de tester la gravité.
Des trous noirs qui tournent
Fait totalement nouveau, la méthode de Sneppen peut également être généralisée pour s’appliquer non seulement aux trous noirs « triviaux », mais aussi aux trous noirs qui tournent. Ce qui, en fait, est le cas de tous.
« Il s’avère que lorsque la galaxie tourne très vite, il ne faut plus se rapprocher du trou noir par un facteur 500, mais beaucoup moins. En fait, chaque image n’est plus que 50, ou 5, ou même jusqu’à seulement 2 fois plus proche du bord du trou noir », explique Albert Sneppen.
Le fait de devoir regarder 500 fois plus près du trou noir pour chaque nouvelle image signifie que les images sont rapidement « comprimées » en une seule image annulaire, comme le montre la figure de droite. En pratique, les nombreuses images seront difficiles à observer. Mais lorsque les trous noirs tournent, il y a plus de place pour les images « supplémentaires ». Nous pouvons donc espérer confirmer la théorie par l’observation dans un avenir pas trop lointain. De cette manière, nous pouvons en apprendre davantage non seulement sur les trous noirs, mais aussi sur les galaxies qui se trouvent derrière eux :
Le temps de parcours de la lumière augmente, plus elle doit faire le tour du trou noir, de sorte que les images sont de plus en plus « retardées ». Si, par exemple, une étoile explose en supernova dans une galaxie en arrière-plan, on pourra voir cette explosion à plusieurs reprises.
L’article d’Albert Sneppen vient d’être accepté pour publication dans la revue Scientific Reports, et peut être lu ici : Réflexions divergentes autour de la sphère de photons d’un trou noir. en français [1] ou l’original en anglais
((Traduction totalement bénévole sans retombées économiques pour ce site))