Pour nous détourner, semble-t-il, de nos soucis terrestres, la planète Jupiter vient de se donner en spectacle aux observateurs terrestres.
La présence d’une énorme tache vient d’être constatée à la surface de l’imposante planète.
On sait que Jupiter est, de toutes les planètes du système solaire, celle qui est, de beaucoup, la plus grosse. Son diamètre est à peu près égal à onze fois celui de la terre et son volume, vraiment énorme, représente le millième de celui du soleil.
Mais ce qui fait que Jupiter, géant du monde planétaire, offre un intérêt considérable, ce sont moins ces dimensions que parce que, en raison précisément de ces dimensions, cet astre est dans un état d’évolution relativement peu avancé. Grâce aux nombreuses observations que l’on a faites de cet astre dans les instruments les plus puissants, on a pu constater qu’il en est à une période géologique qui correspond probablement au primaire. Malgré la quantité énorme de nuages qui ne cesse de nous cacher la surface de la planète, on a fini par fixer quelques points sur la nature desquels on ne peut avoir de doute : ce sont des continents ou des chaînes de montagnes en formation.
Est-ce à cette catégorie de phénomènes qu’appartient la nouvelle tache ? C’est ce que les observations futures nous apprendront sans doute.
Il y avait déjà un peu de temps que cette nouvelle tache avait été signalée lorsque trois astronomes allemands, MM. Munch, Muller et Bruck, en ont entrepris l’étude systématique à l’Observatoire de Potsdam, près de Berlin.
Les trois savants n’ont commencé leurs observations que dans la première semaine d’avril. Ils ont cependant déjà pu faire quelques constatations importantes.
C’est ainsi qu’ils ont réussi à mesurer la tache ; elle aurait, d’après eux, 9.000 kilomètres de diamètre moyen, presque le diamètre de la terre.
Les astronomes allemands ont été assez heureux pour la suivre le temps nécessaire à la détermination de la période de rotation et qu’on a trouvé être de 9h55’, c’est sensiblement égal à la période de rotation de la planète elle-même.
Enfin, ils ont réussi à la voir nettement lors de l’un de ses passages sur le méridien central de la planète. C’est le 25 mars dernier, à 0h57’, qu’ils ont réussi cette intéressante observation.
On reparle à l’occasion de cette découverte d’une autre analogue qui fut faite il y a déjà bien longtemps et autour de laquelle des polémiques assez violentes eurent lieu, je veux parler de la tache rouge de Jupiter.
C’est, comme son nom l’indique, une tache de couleur rougeâtre qui fut découverte par Cassini en 1664 sur le bord inférieur de la bande équatoriale australe. Mais ce qui fait la grande particularité de cette tache et qui explique les discussions passionnées auxquelles son existence donna lieu, c’est que c’est une tache d’éclipse, si l’on peut dire.
Perdue par Cassini à partir de 1677, elle est retrouvée par Maraldi en 1703. Mais, deux ans plus tard, le même astronome, complètement effaré, ne parvient pas à la retrouver et c’est fini : pendant un siècle et demi, on n’entendra plus parler d’elle. Ce n’est qu’en 1857 qu’elle daigne réapparaître, pour disparaître à nouveau, puis redevenir visible en 1870-71, puis en 1878.
La puissance et la perfection des instruments d’optique employés depuis cette époque pour l’observation astronomique ont permis de constater que la tache rouge ne disparaît, en réalité, jamais complètement, mais, alors qu’elle est parfois merveilleusement visible, pendant certaines périodes, d’ailleurs très variables, sa présence n’est signalée que par un léger nuage rosé.
Pendant vingt-trois ans d’observations, on a pu constater que sa forme est invariable, ou à peu près, comme le sont approximativement ses positions en latitude et en longitude. Je dis approximativement, parce qu’en réalité l’énorme masse que représente la tache rouge se promène un peu.
On aura une idée de ce qu’elle représente si l’on sait que la longueur de son grand diamètre est de 200.000 kilomètres environ, celui du petit diamètre de 67.000 kilomètres.
La stabilité de forme de cette apparence, qui semble flotter à la surface de Jupiter, est de nature à faire penser qu’on se trouve vraiment devant un continent à la naissance duquel nous sommes en train d’assister.
La tache nouvelle observée en Allemagne est-elle de même nature et est-ce un second continent jovien qui se forme sous nos yeux ? C’est ce que les observations nous apprendront sans doute.
J. Q.