Sous le litre, Un chapeau plein de ouate dans un verre d’alcool, vous pouvez présenter à vos amis l’expérience suivante : montrez-leur d’une part un chapeau haut de forme plein de ouate ou de coton cardé, d’autre part un verre complètement rempli d’alcool, et annoncez que, sans faire déborder une seule goutte de cet alcool, vous allez introduire dans le verre tout le coton contenu dans le chapeau ; l’assistance croira à une mystification ou soupçonnera un tour de passe-passe, mais vous l’aurez vite convaincue de la réalité en introduisant successivement dans l’alcool du verre, et par petites portions, tout le coton du chapeau sans qu’une seule goutte d’alcool soit tombée hors du verre. Celle amusante expérience de physique sans appareils semble contredire la théorie de l’impénétrabilité des corps, en vertu de laquelle deux corps ne peuvent exister simultanément à la même place. C’est le principe résumé dans le dicton populaire : Ôte-toi de là que je m’y mette !
En regardant les choses de plus près, on verra que la contradiction n’est qu’apparente ; il y a réellement déplacement de l’alcool par les fibres du coton, mais ces fibres occupent dans l’espace un si petit volume que l’élévation du niveau du liquide reste à peu près insensible. Nous savons tous à quel faible volume se réduit un morceau de ouate lorsque nous le comprimons dans nos doigts, ou lorsque nous agglutinons ses fibres en le trempant dans un liquide.
Si j’ai rappelé ce fait à propos du réchaud à esprit-de-vin que nous mettons sous les yeux des lecteurs de La Nature, c’est parce que l’inventeur, M, Allain, a justement appliqué à sa fabrication celle faculté d’imbibition de la ouate par l’alcool. Le corps du réchaud est en effet rempli complètement de ouate modérément bourrée, qui absorbe et retient une quantité d’esprit-de-vin presque aussi grande que si l’intérieur du récipient était vide. Le réchaud est traversé en son centre par un large trou cylindrique, autour duquel est disposé un cylindre de carton d’amiante remplaçant la mèche et faisant office de brûleur. Ce brûleur est en contact avec le coton imbibé d’alcool dont il n’est séparé que par un grillage métallique à mailles très larges. A l’intérieur du brûleur glisse verticalement un cylindre métallique, qui règle la surface de combustion selon qu’il recouvre une plus ou moins grande portion du cylindre d’amiante.
Le tube obturateur est manœuvré par un levier coudé dont la poignée traverse le manche du réchaud et aboutit sous le pouce de la personne qui tient l’appareil. En abaissant le levier avec le pouce, on relève le tube métallique plus ou moins selon qu’on veut une flamme courte ou longue ; en abaissant à fond le levier, on masque toute la surface interne du brûleur et le réchaud s’éteint subitement sans qu’on ait à souffler la flamme, ce qui évite les dangereuses brûlures du visage, trop fréquentes avec d’autres systèmes. Mais voici le point capital, sur lequel je désire attirer plus spécialement l’attention. Grâce à la garniture de coton, dont nous avons étudié plus haut les effets, le réchaud Allain peut être confié, sans danger d’incendie, à des mains inhabiles ; il peut, tout en étant allumé, tomber par terre, être renversé sur le côté ou retourné complètement, sans qu’une seule goutte d’alcool se répande au dehors ; comme l’indiquent les deux figures de gauche et de droite de notre dessin, on peut le mettre dans n’importe quelle position, et cette absence totale de danger en cas de chute nous semble en constituer un des principaux avantages. A côté de l’appareil, le dessin représente la petite burette-entonnoir, vendue avec le réchaud, et dont la capacité correspond exactement à la quantité d’alcool que le récipient peut contenir.
ARTHUR GOOD.