Depuis longtemps déjà les journaux ont annoncé que la pénurie du cuivre avait forcé les Allemands à enlever les toits des palais impériaux et des édifices publics, faits de ce métal, pour les remplacer par l’ardoise. Mais comme l’Allemagne et l’Autriche ne possèdent de cette pierre que d’insignifiants et mauvais gisements, que d’autre part la France et l’Angleterre ont interdit l’exportation de leurs ardoises si réputées, on en était arrivé à se demander d’où l’ennemi pouvait extraire le schiste ardoisier qui lui était nécessaire. On avait oublié Fumay, envahi aujourd’hui, et qui en temps normal fournit au commerce français ou international un appoint important d’ardoise sous toutes les formes. Les carrières de ce pays sent aujourd’hui exploitées par les Allemands qui en retirent, à leur profit ; la matière première qui leur est indispensable ; et à ce propos il nous a paru intéressant d’expliquer à cette place ce qu’est le gisement de Fumay et de rappeler l’activité à laquelle son exploitation donnait lieu avant la guerre dans toute la région Ardennaise.
Les Ardennes, en effet, avec le Maine-et-Loire, renferment les carrières d’ardoise les plus importantes de France, les unes constituant en grande partie le bassin dit des Ardennes, dont le centre le plus en vue est justement Fumay,, l’autre formant la majeure partie de ce que les géologues appellent les travailleurs détachent l’ardoise en s’attaquant à la voûte et en remontant. Ils sont placés sur des ponts volants accrochés à des anneaux de fer scellés dans l’ardoise et eux-mêmes y sont attachés par une corde dont l’extrémité métallique est elle-même vissée dans la paroi. Ils détachent à chaque dépai t de mine un prisme volumineux qu’ils débitent ensuite en pièces multiples susceptibles d’être remontées par une machine d’extraction. C’est ce que l’on appelle la méthode par gradins renversés, due à M. l’ingénieur Blavier. L’aérage s’établit naturellement par suite des communications entre les chantiers de sorte qu’on ne rencontre nulle part de ventilateur mécanique. Dans les chambres on entend le bassin breton et dont le noyau principal est Angers.
Le service géologique a bien relevé d’autres carrières en Bretagne, dans les Pyrénées, en Savoie, etc. ; ce sont là toutes exploitations minuscules dont aucune n’approche des deux principales que nous venons de mentionner.
Mais la manière dont se fait l’exploitation angevine est essentiellement différente du travail ardennais.
Du côté d’Angers, à part quelques travaux qui sont l’exception, effectués à ciel ouvert et par gradins droits en descendant, suivant une méthode imaginée par M. Le Chatelier, l’extraction se pratique le plus souvent dans des « chambres » sèches de 100 à 120 m de haut auxquelles on accède par un puits d’extraction, éclairées à l’électricité, dans lesquelles sans relâche les explosions de dynamite par allumage électrique, les coups de pics des travailleurs attaquant les blocs d’ardoise, et la chute de ceux-ci tombant de la voute avec fracas. L’oreille du profane ne s’habitue pas facilement à ce bruit de bataille.
A Fumay, il en est tout autrement. L’exploitation s’y pratique exclusivement par galeries, placées au milieu des eaux et dans lesquelles l’humidité est excessive, l’éclairage s’y fait à la chandelle dans des conditions traditionnelles et anciennes que je vais expliquer, et l’air saturé d’acide carbonique a toujours besoin d’être énergiquement ventilé. Je vais du reste entrer dans quelques détails.
L’exploitation de l’ardoise ardennaise, de beaucoup moins importante qu’en Maine-et-Loire, et qui en temps de paix occupe à peu près 3000 ouvriers, est répartie dans trois carrières : Fumay, la plus importante de toutes, s’étendant sur les communes de Fumay et d’Haybes ; puis Rimogne et Monthermé.
Chose curieuse, partout l’ardoise extraite y a des teintes fort variées : rouges, lie de vin, violettes, bleues, grises, noires, vertes et noires bleutées ; certaines veines même changent brusquement de teintes sans qu’il y ait solution de continuité, de sorte qu’on peut souvent voir provenant de Fumay des ardoises lie de vin, par exemple, barrées de vert sur une assez grande étendue. On attribue ces particularités aux différents degrés d’oxydation du fer que les couches contiennent ou à une plus grande quantité de fer combinée avec le schiste.
Ces diverses teintes d’ailleurs, lorsqu’elles sont uniformes, rendent plus particulièrement le schiste propre à certains usages ; l’ardoise noire, par exemple, est plus spécialement réservée dans les exploitations pour les écoles et les bureaux et l’ardoise violette pour les toitures. Il est à remarquer que jamais l’ardoise n’affleure au sol. Pour arriver à rencontrer le schiste utilisable, il faut débarrasser la surface d’environ 25 m. au minimum, parfois beaucoup plus, d’une couche de schistes inutilisables, décomposés sous l’action de l’eau et des agents atmosphériques, auxquels on donne le nom de cosses. Cette disposition géologique est du reste la même partout.
Toute galerie à Fumay suit la direction inclinée de la couche : sa largeur moyenne est de 2 à 5 m. seulement, sa hauteur de 2 m. ; quant à sa longueur, elle est le plus étendue possible et n’a de limite que la fin de la couche. De distance en dis tance, sont établis dans toute la longueur des puisards pour en recueillir les eaux, de faon à ne pas être obligé de déplacer les pompes au fur et à mesure de l’approfondissement des travaux. Enfin l’entrée est toujours consolidée au moyen d’une voûte en briques en plein cintre, s’étendant sur une épaisseur moyenne de 40 cm, et sur une longueur parfois de 60 m. de long, recouverte d’une chape en ciment, reposant sur du schiste ou sur une fondation en béton. Au delà de 60 in., le toit est soutenu avec des poutrelles de bois si les travaux ne doivent pas avoir une longue durée, avec des pieux en fer si on l’estime longuement exploitable.
La galerie, aussi droite que possible, est toujours sillonnée d’un bout à l’autre d’une voie ferrée sur laquelle circulent, actionnés par un câble, les wagonnets servant au transport de la pierre. D’un bout à l’autre également sont établis les tuyaux servant au refoulement des eaux. C’est au milieu de ce chaos que circulent les ouvriers.
De chaque côté de la galerie centrale sont de vastes excavations qu’on appelle des ouvrages, dans lesquelles on procède à l’extraction de la pierre : elles ont une quinzaine de mètres en profondeur et sont séparées les unes des autres par des piliers de 4 à 5 mètres de hauteur et épaisseur.
Voici, par exemple, un bloc de schiste ardoisier mis à découvert par l’ouvrier. Le mineur doit le diviser en dalles s’il est entier, puis le transporter à dos jusqu’aux wagonnets de la galerie. Mais souvent le bloc en tombant du toit s’est divisé en plusieurs morceaux suivant les joints : si ces morceaux sont petits, il les sépare à l’aide du pic ; s’ils sont trop gros, il doit de toute nécessité employer la poudre : les déchets qui en résultent sont utilisés pour la construction de murs devant lui servir à s’exhausser pour. rabotage des veines situées au-dessus de la première exploitée.
Les « ouvrages » sont eux-mêmes sillonnés de voies ferrées transversales, simples ou doubles suivant l’importance de l’exploitation, aboutissant par une faible pente à la galerie principale à la- -quelle elles sont reliées par une plaque tournante. Dans cette galerie, les wagonnets qui y circulent transportent chacun 1500 kg de blocs d’ardoise, ils sont doucement remontés par le câble pour être transportés à l’orifice et portés à la surface du sol. Des crémaillères en acier, placées leur intérieur, les retiennent constamment en cas de rupture du câble.
Les caisses de ces wagonnets sont en bois, mais leurs côtés sont garnis de tôle de fer à leur partie supérieure pour recevoir le choc des pierres lors de leur chargement. Quant aux câbles, ils’ sont plats ou ronds, indistinctement en aloès ou en acier et à six aussières et ils s’enroulent sur une énorme bobine que dirige un machiniste en haut de la galerie. On les attache aux wagons au moyen d’ume patte en fer et des galets en fonte sont placés tous les 20 mètres pour les supporter dans leur marche. Bien entendu les bobines d’enroulement sont mises en mouvement par une machine à vapeur munie d’un appareil de marche et elles sont munies d’un frein pour régler la descente des wagons et les arrêter aux points de chargement. On estime que chaque wagon exige une force de traction de 10 à 15 chevaux.
Le travail du machiniste dans une exploitation ardoisière ardennaise, n’est pas absolument une sinécure. Il entend à. tout instant à ses côtés tinter une sonnette aboutissant à un fil qui court sur la paroi de la galerie : c’est là le signal convenu qui lui vient de l’intérieur des travaux et qui règle son travail ; le nombre de coups lui indique s’il doit remonter le wagon, le faire redescendre, remonter un blessé à la surface, etc. Ce chef de service encourt en somme une grande responsabilité.
L’une des grandes dépenses de toute exploitation ardennaise résulte de la nécessité d’épuiser constamment les eaux souterraines. Celles-ci suintent goutte à goutte ou sortent en filet des nombreuses fentes de la paroi : on les entend parfois bruire et murmurer comme un ruisseau. Dans les galeries à travers bancs, elles déposent sur les murs latéraux des matières provenant des parties tendres des couches supérieures qu’elles ont traversées, de sorte que la main de l’ouvrier qui se pose sur la paroi trempe souvent dans une matière gluante. L’épuisement de ces eaux se fait au moyen de pompes, mises en mouvement suivant les exploitations par des machines à vapeur, des moteurs hydrau ligues, des machines à air comprimé ou à pression d’eau, des pulsomètres, etc., ou bien, dans certains cas où elles sont trop abondantes, au moyen de bennes qu’on remonte sans cesse à la surface. Les pompes d’épuisement sont généralement placées dans la galerie principale et ont la même inclinaison qu’elle.
L’aérage des galeries constitue encore en temps habituel l’une des grandes préoccupations des exploitants. L’air est vicié par une foule de causes : gaz provenant de l’inflammation des matières explosibles, dégagements délétères issus des eaux qui séjournent, odeur des champignons s’attachant aux bois de soutènement dans les galeries humides, déjections des ouvriers dans les anciens ouvrages, etc. Évidemment le mineur n’a pas comme pour la houille à redouter le grisou, mais il a toujours besoin de prendre certaines précautions lorsqu’il pénètre dans certains ouvrages où l’hydrogène carboné s’est accumulé. Il n’est pas jusqu’aux cadavres de rats, très abondants dans ces souterrains humides, qui ne soient pour lui une cause d’incommodité.
Lorsque les ardoisières ardennaises ont plusieurs embouchures, il se produit un courant d’air assez vif qui renouvelle naturellement l’atmosphère des souterrains, niais qui dans la mauvaise saison produit un froid intense. On est alors obligé en hiver, pour garantir les ouvriers, de placer une porte entre les galeries de communication ou même des doubles portes à l’entrée : des cheminées d’aérage sont installées au dehors en communication avec la galerie principale, et, lorsque le temps est clair, on voit souvent une buée s’en échapper. Par contre, la température des souterrains est parfois si élevée en été que les ouvriers y transpirent abondamment, les chandelles d’éclairage brûlent alors difficilement et l’on est obligé d’avoir recours aux ventilateurs pour faire circuler l’air frais ; ceux-ci s’imposent dans tous les cas à l’entrée des ardoisières à une seule embouchure. Pour activer cette ’circulation, quelques points sont de-ci de-là surmontés d’une cheminée en briques. Ces ventilateurs sont le plus souvent mis en mouvement par une pression d’eau provenant de la colonne de refoulement des pompes : l’eau agit en ce cas sur une turbine sous une pression de 5 à 6 atmosphères ; ils sont généralement agencés de façon à aspirer l’air, mais il en est qui le refoulent notamment dans les cas exceptionnels où les galeries ont leur direction en hauteur et qu’il s’agit d’en chasser les gaz provenant de matières explosives ayant une tendance à s’accumuler à leur partie supérieure.
Comme nous l’avons dit plus haut, l’éclairage se fait à la chandelle. Chaque ouvrier est, en effet, porteur de chandelles de suif qu’il fixe aux parois des ouvrages à l’aide d’un morceau de terre glaise. On les lui remet par paquets de 18 coûtant 1 fr. 25 retenus sur son salaire au paiement de quinzaine : il en brille 4 à 5 par journée de 8 heures. Ces chandelles sont fabriquées spécialement pour cet usage : leur mèche est en fil de chanvre, dont la combustion est lente:et donne peu de fumée. Cependant, dans les galeries très fréquentées, on fait usage de lampes à pétrole munies d’un verre.
Mentionnons quelques particularités locales. Les ouvriers se rendent à pied dans les galeries et les ouvrages et ils en sortent de la même manière. Ils glissent sur des échelles avec les mains, en se retenant par les pieds aux échelons. Naturellement, pendant leur entrée et leur sortie, les wagonnets ne circulent pas, et il leur est interdit soit d’y monter, soit d’enjamber les câbles pour arriver plus rapidement à leur travail ou le quitter. On les divise en deux postes, alternant toutes les semaines de façon à accomplir un travail égal : le premier descendant à 4 heures du matin et remontant à midi, le second descendant à midi et quittant ic travail à 7 h. 1/2 ; mais les ouvriers •du premier poste doivent attendre pour quitter l’ouvrage l’arrivée de ceux du second.
En outre, en dehors de cette réglementation générale il y a des usages spéciaux : c’est ainsi que les lundis, samedis et lendemains de fête, les ouvriers ne font que 6 heures, le premier poste descend alors à 5 heures du matin et le second quitte le travail à 5 h. 1/2 ; de même, à la veille des grandes fêtes, tous les ouvriers descendent à 4 heures et remontent à 11, avec repos d’une heure entre 8 et 9 heures du matin.
Chaque ardoisière comporte un directeur des travaux, ayant parfois sous ses ordres des facteurs et contremaîtres. Quant à l’exploitation, elle se faisait avant la guerre à l’entreprise et sur soumissions cachetées : l’adjudicataire payait les ouvriers et s’engageait à livrer les ardoises moyennant un prix fixe et déterminé.
Fabrication des ardoises. — L’appropriation du schiste pour en faire des objets déterminés et principalement des couvertures pour toitures, porte dans toutes les exploitations le nom de fabrication de l’ardoise. La pierre, extraite du sous-sol, est travaillée au jour par des fendeurs spéciaux. On voit ces ouvriers chaussés d’énormes sabots, les jambes parfois guêtrées d’une forte épaisseur de chiffons maintenus par des cordes, frapper à tour de bras les blocs de schiste, les diviser en morceaux de moindre dimension et finalement en ardoises aux formes les plus variées. Leurs ateliers sont de deux genres : les anciens et les modernes. Les premiers, désignés du nom générique de baraques, sont couverts de fortes dalles afin d’y entretenir l’humidité nécessaire au travail, peu élevés, étroits, assez obscurs, ils sont du reste fort malsains. • Les seconds, spacieux, é clairés par de grands châssis, traversés par des voies ferrées permettant d’y amener à pied-d’œuvre les wagonnets chargés de pierres, sont munis de conduites d’eaux avec robinets : les ouvriers puisent là l’eau nécessaire pour maintenir constamment humide la couche de terre glaise dont ils couvrent la tranche des dalles d’ardoise, car la pierre sèche se fend naturellement.
Tous les wagonnets amenés à l’un ou l’autre de ces ateliers passent avant toute livraison sur l’un de ces ponts à bascule bien connus, à tablier oscillant, montés sur des brides mobiles dans tous les sens pour éviter les chocs qui détérioreraient les couteaux : ils y repassent ensuite lorsque le travail est terminé et que les wagonnets sont à nouveau chargés d’ardoises prêtes à être livrées au commerce. La différence entre les deux poids permet de juger non seulement la qualité de la pierre, mais aussi l’habileté des fendeurs. Pour mieux fixer les idées, nous dirons que 1000 kg de schiste ardoisier produisent en moyenne 1500 à 1650 ardoises de toiture pesant au mille 360 kg, ce qui donne un déchet excessif auquel il faut joindre les 70 à 75 pour 100 de perte résultant de l’extraction et de l’abatage.
Quant aux opérations proprement dites de la fabrication, elles portent dans les diverses exploitations les noms de : 1° quernage ; 2° fente ; 3° taille.
Le quernage consiste d’abord à faire le « boucage » de la pierre, c’est-à-dire à pratiquer au moyen d’une scie, sur un côté de la dalle de schiste à diviser ; une entaille en forme de y, puis à placer dans cette entaille un coin en fer, et à déterminer par un coup de maillet une cassure divisant cette dalle en deux morceaux.
Pour la deuxième opération, la fente, on divise ces parties en deux morceaux d’égale épaisseur à l’aide d’un ciseau en fer dont le biseau est très allongé et que l’ouvrier frappe à l’aide d’un maillet. Chaque lame ainsi obtenue est divisée en deux autres de la même manière, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on obtienne des feuilles de 2 à 5 millimètres d’épaisseur.
La troisième opération, la taille, est un peu plus complexe parce qu’elle se fait à la mécanique. Deux machines concourent au résultat qu’elle doit donner : le découpoir et la machine à tailler. La première sert à faire le petit côté de l’ardoise pour toitures, celui qui doit être taillé en chanfrein, et à préparer les autres côtés pour la confection desquels on va justement avoir recours à la machine à tailler : elle se compose en principe de deux couteaux, l’un horizontal fixe, l’autre mobile et actionné par une pédale, ce dernier frottant contre le premier avec lequel il forme cisaille. Dans la machine à tailler, construite d’après les mêmes principes, le couteau fixe est remplacé par une sorte de matrice avant les mêmes dimensions que l’ardoise taillée, et au couteau mobile ont été substitués trois couteaux assemblés et inclinés detelle sorte qu’ils peuvent tailler d’un seul coup de pédale trois autres côtés de l’ardoise. Les deux appareils à main, mus par un ouvrier habile, taillent chacun de 600 à 700 ardoises à l’heure : ils sont vendus dans le département par un mécanicien de Monthermé qui s’est spécialisé dans leur construction.
Dans quelques exploitations, certains perfectionnements ont été apportés à ce travail primitif. Ainsi par exemple, le gérant de l’ardoisière du Moulin Sainte-Anne, M. Brassart, a remplacé le découpoir par une scie à rubans mue à la vapeur qui donne un déchet moins grand et fait également actionner au moteur ses machines à tailler qui, quelque peu modifiées et desservies par deux femmes, peuvent ainsi débiter par minute beaucoup plus d’ardoises.
Les ardoises rectangulaires de grand modèle, dites anglaises, sont taillées à la main à l’aide d’une machine formée par une table supportée par quatre pieds en bois et dans laquelle deux couteaux agissant verticalement sont fixés sur une sorte de balancier mobile autour d’un axe horizontal, qu’on peut manœuvrer à l’aide de poignées. Cet outil ne sert qu’à tailler les grands côtés : les petits côtés sont. toujours faits au découpoir.
Production et commerce. — La moyenne de la production française étant estimée 18 millions de francs, la région des ardoises en fournit 4 millions, le Maine-et-Loire 9 millions, le reste étant disséminé dans :me foule de petites exploitations de peu d’importance. L’industrie française de l’ardoise est la plus ancienne du monde. Dans le Maine-et-Loire, une légende angevine veut que la fissilité de cette pierre ait été découverte au temps de Clotaire et de Chilpéric par le moine Lucinius, qui le premier convertit cette matière en « feuilles » pour en couvrir son habitation et dont les corporations d’ouvriers ardoisiers de la région ont fait leur patron sous le nom de saint-Lézin ; et du côté de Fumay, on fait remonter l’extraction du schiste ardoisier à 1551 ; cette date semble attestée par divers documents conservés dans les archives de Fumay, émanant du prévôt de la cité et confirmant les usages et privilèges des ardoisiers réunis en confrérie. Deux autres pays dans le monde ont seuls une production ardoisière importante, mais moins ancienne : l’Angleterre (qui interdit depuis quelques mois l’exportation de ses ardoises) cotée pour 13 millions de francs et les États-Unis pour 25 millions, mais la première exploitation du pays de Galles ne remonte guère au delà du règne d’Élisabeth et la plus ancienne ardoisière de la Pennsylvanie n’a été découverte qu’en 1850.
Ce que le commerce recherche surtout dans l’ardoise, c’est le poli, qualités d’où découlent à la fois un bon poids et une grande résistance. L’ardoise bien plane et à grain lin a sur les ardoises métalliques en zinc ou en fer galvanisé des avantages sérieux : elle conduit mal la chaleur, est infusible, incombustible, et dure plus longtemps. Une ardoise à surface rugueuse a par contre le grave inconvénient de retenir les poussières, et, lorsqu’on l’emploie pour toitures, de se couvrir de végétaux parasites qui entretiennent une humidité constante et aident à la décomposition du schiste.
Le prix et la dimension des ardoises sont variables : on les distingue dans les Ardennes en flamandes, démêlées, Saint-Louis, Barras, Fourgeau, ardoises rectangulaires dites anglaises, etc. Ces dénominations sont spéciales à la région, car dans l’Anjou la classification se fait plutôt en carrées, grandes et petites moyennes, flamandes, cartelettes, etc. Il n’est pas possible d’indiquer de prix moyen : les communes valent 12 francs le mille, et on a vu des extra-fines à 100 francs et des rectangulaires à 200 francs.
A côté des ardoises pour toitures, on fait encore avec le schiste ardoisier une foule d’objets d’usages divers : dalles, tables, planchettes à écrire, éviers, revêtements, marches d’escaliers, urinoirs, plinthes, carrelages, appuis de croisées, cheminées, trottoirs, pierres tumulaires, tables de billards, cuves à eau ou à acides, caniveaux, caisses à fleurs, bassins, etc. ; tous usages qui prouvent combien de professionnels ont pu reconnaître les qualités d’une pierre dont les applications ont pris dans ces dernières années de si multiples extensions.