Le boomerang ou boumerang est un des plus curieux engins que l’ethnographie ait révélé. Cette arme bizarre n’est utilisée actuellement que par les aborigènes de l’Australie qui comptent parmi les sauvages les plus primitifs.
Depuis que les premiers explorateurs de l’Australie centrale en ont révélé l’existence, on s’est avisé que le boomerang avait existé dans l’ancienne l’Égypte, comme certains documents en font foi.
Comment et à la suite de quelles tribulations, le boomerang est-il devenu le monopole d’une race arriérée, perdue dans les forêt de l’Australie ? Il y a là une de ces énigmes comme l’étude de l’ethnographie en rencontre fréquemment. Peut-être aussi faut-il admettre que son usage, ne s’est pas transmis depuis l’Antiquité, mais qu’il a été réinventé par les Australiens.
Seuls parmi les sauvages actuels ces chasseurs primitifs ignorent l’arc. Comme les Esquimaux ils lancent leurs longues sagaies à l’aide d’un propulseur, ainsi que le faisaient il y a 20.000 ans, les Magdaléniens qui chassaient le renne et le bison sur les steppes glacés.
Mais l’Australien possède en outre le boomerang qui est une lame de bois amincie et coudée que l’on lance en lui imprimant un mouvement de rotation. Taillé dans un bois dur (eucalyptus ou robinier), il constitue une arme qui fend l’air avec rapidité et va frapper violemment le but visé.
Le boomerang de combat ou « barngeet » est plus lourd et moins arqué que les autres, il mesure jusqu’à un mètre de long et une de ses extrémités se termine, par un renflement en forme de massue, ce qui accroît sa vitesse et la violence du choc.
Le « barngeet » n’est en somme qu’une arme de jet assez analogue comme maniement à la francisque des guerriers Francs et au bola des Indiens Patagons.
Le « wonguim » ou boomerang de chasse, employé surtout contre les oiseaux, a ceci de particulier qu’il revient au pied du lanceur après avoir décrit une trajectoire plus ou moins compliquée.
Cette curieuse propriété du « wonguim » est due à ce que les deux branches de l’arme sont dégauchies en sens inverse comme les pales d’une hélice.
On a beaucoup exagéré, semble-t-il, l’adresse infaillible des lanceurs australiens qui, d’après certaines relations, ne manquent jamais le gibier, même quand celui-ci est masqué par un rideau d’arbres ou une levée de terrain. Le mouvement de retour de l’engin a aussi été poussé trop loin et on est allé jusqu’à soutenir qu’il revenait dans la main du chasseur !
Il n’en est pas moins exact que les évolutions de ce bâton volant et ricochant sont extraordinaires, et que certains virtuoses calculent à l’avance le trajet et les boucles qu’il décrira en l’air.
En dehors de toute préoccupation de guerre ou de chasse, les sauvages australiens se livrent avec passion à ce sport et c’est à de véritables, concours qu’ont assisté certains voyageurs.
Howit rapporte qu’une fois, il vit un boomerang « décrire cinq cercles dans l’espace, monter à 90 mètres en l’air et retomber à quelques mètres du lanceur qui fit tous ses efforts pour le rattraper au vol ».
Un Anglais, Mr. G. T. Walker, eut la patience et l’habileté d’apprendre à lancer le wonguim et réussit de fort beaux jets.
Mais la palme revient à un indigène du nom de Bush Bill qui fut prié de faire une démonstration devant le roi d’Angleterre. Ayant commencé son exhibition par des exercices assez simples, les acclamations de la foule grisèrent au point que, fort de son adresse, il se livra à des prouesses dangereuses pour les spectateurs dont les têtes étaient frôlées par le boomerang !
L’habileté merveilleuse du lanceur, et la complexité des trajectoires décrites par son wonguim en bois de fer firent sensation et démontrèrent que les premiers voyageurs qui relatèrent les vols fantastiques de Ce bâton volant n’avaient pas exagéré.
Norbert Casteret