Les cuirassés d’escadre le Hoche, le Marceau, le Neptune et le Magenta sont quatre enfants d’un même père, M. Huin, ingénieur de la marine, qui est également l’auteur des plans du Brennus, du Charles-Martel et du Bouvet. Le Hoche diffère un peu des trois suivants qui sont des frères jumeaux.
Nous ne parlerons pas du Marccau, qui a fait brillante figure dans l’escadre du Nord aux côtés de l’amiral Gervais. Notre but est de faire connaître le Neptune qui s’achève en ce moment à Brest.
Un premier point doit appeler l’attention : la disposition de la grosse artillerie qui se trouve reproduite avec une installation différente sur les cuirassés mis en chantier tout récemment. Sur ces derniers, les canons sont portés par des tourelles fermées et mobiles sur toute leur hauteur : les pièces du Neptune tirent en barbette au-dessus des parapets de tourelles fixes, entraînant avec eux un masque protecteur.
Ces bouches à feu, du calibre de 34 centimètres sont les plus puissantes qui existent en France et peut-être ailleurs, si l’on fait entrer en ligne de compte la sécurité, car on sait que le canon de 34 centimètres de l’Amiral-Duperré n’a éclaté que parce que la poudre avait subi un degré de dessiccation exagéré, et non par suite d’un vice de construction de la pièce : on n’en pourrait dire autant des nombreux accidents enregistrés dans d’autres pays.
Au-dessous de ces canons monstres est disposée une batterie de seize canons de 14 centimètres. En outre, sur le gaillard sont répartis cinq canons de 65 millimètres à tir rapide, sans compter dix canons-revolvers de 34 millimètres. Il est difficile de réunir une artillerie plus imposante.
La puissance offensive est complétée par des tubes lance-torpilles à rotule et à cuiller fixe, installés sous barrats au-dessous du pont blindé.
La protection n’est pas moins assurée que l’attaque. Un pont de 0,08m d’épaisseur abrite les parties vitales, les machines, les chaudières, les soutes à munitions et les appareils auxiliaires.
On donne le nom d’appareils auxiliaires aux machines qui actionnent le gouvernail, manœuvrent. l’artillerie, produisent la lumière électrique, hâlent les ancres à bord, vident les compartiments en cas de voie d’eau — à raison de 2000 mètres cubes à l’heure — enlèvent les escarbilles des chambres de chauffe, montent les munitions dans les hunes, hissent les embarcations, chargent les torpilles d’air comprimé, fabriquent de l’eau potable avec l’eau de mer, enfin rendent les mille services nécessaires à la vie du bâtiment et à son aptitude ail combat.
La protection conférée par le pont blindé est complétée par une ceinture verticale, cuirassée de plaques d’acier de 0,45m d’épaisseur, et régnant d’un bout à l’autre du bâtiment — au lieu que les cuirassés étrangers ne reçoivent le plus souvent de cuirasse que sur une fraction de leur longueur. La ceinture du Neptune rejoint le pont à 1 mètre environ au-dessus de la flottaison et plonge dans l’eau de 1,50m. Dans ces conditions, la flottabilité du bâtiment est complètement garantie : les projectiles ne peuvent perforer la coque au-dessous de la ceinture, la résistance de l’eau amortissant leur vitesse, et annihilant leur effet ; d’autre part, le pont blindé est assez élevé pour que si le feu de l’ennemi démolissait la construction légère qui le surmonte, l’eau qui s’introduirait par les brèches pendant le roulis fût impuissante à amener le chavirement.
Les gros canons ne sont pas moins bien défendus : leurs tourelles sont revêtues de o0,40m d’acier, épaisseur qui, grâce à la forme cylindrique des plaques, représente une protection équivalant, ou peu s’en faut, à celle du blindage de la flottaison.
Cette redoutable forteresse flottante se transporte à la vitesse de 16 nœuds ou 30 kilomètres à l’heure sous l’impulsion de ses hélices jumelles, auxquelles sont attelés des milliers de chevaux.
Enfin, nous aurons donné l’idée des proportions dans lesquelles a été conçu le Neptune quand nous aurons ajouté qu’il plonge dans l’eau de 8,50m, que sa longueur dépasse 100 mètres et sa largeur 20 mètres, que son poids atteint environ onze millions de kilogrammes, ce que les marins expriment en disant que la carène déplace dans l’eau un volume de près de 11000 mètres cubes.
Maurice Rambarde