La machine à statistiques, partie 1

H. Vigneron, La Nature n° 2980 — 1er juillet 1936
Samedi 11 octobre 2014 — Dernier ajout dimanche 1er octobre 2017

La comptabilité statistique — Les cartes perforées — Les machines à perforer — Les cartes

Le recensement général de la France qui vient d’avoir lieu va nécessiter la classification et la discrimination en un certain nombre de groupes de quelque quarante millions de fiches individuelles. Leur dépouillement à la main serait pratiquement impossible tant à cause du temps et de la main-d’œuvre qu’il demanderait, que des erreurs inévitables qui s’y glisseraient et pourraient fausser totalement les renseignements généraux. On aura recours à des machines, dites machines à statistiques, originaires d’Amérique où justement lors du onzième recensement, en 1890, le problème s’était posé dans toute son ampleur par suite du nombre des fiches à trier et de la multiplicité des renseignements qu’elles comportaient. C’est le Dr Hollerith, ingénieur et statisticien éminent, qui eut le mérite de résoudre entièrement le problème et il créa un ensemble de ma­chines dont nous allons décrire le type actuel, perfec­tionné par 40 ans d’expériences et de recherches, et que l’on désigne sous le terme générique de machines à statistiques. Ce nom est d’ailleurs assez peu satisfaisant, car à première vue, il semble indiquer que ces machines n’ont pour but que de réaliser des statistiques, résultat inté­ressant, mais qui est limité et bien particulier. Or il n’en est rien et au cours des perfectionnements du système initial, on s’aperçoit que le champ d’application de ces machines est beaucoup plus vaste ; il englobe prati­quement toute la comptabilité ordinaire avec l’avantage d’une souplesse infiniment plus grande, permettant d’extraire des renseignements plus complets, plus divers avec une sécurité au moins égale et une rapidité impossible à obtenir par un autre système comptable. Cette comptabilité qui permet à un chef de voir clair, à tout moment ; dans un réseau administratif même très compli­qué, élargit singulièrement le domaine de commandement accessible à un seul homme : et à ce titre, elle a puissam­ment aidé à modifier, dans le sens de la concentration, la structure économique du monde moderne.

Le principe de la carte perforée

Le principe sur lequel reposent les machines à statis­tiques est l’emploi de la « carte perforée ». C’est là l’idée neuve et fondamentale du Dr Hollerith. Toutes les données du document initial sont traduites par des perforations dans une carte, suivant un code préétabli, c’est en fait l’application à un cas particulier des cartons des métiers Jacquard. Ces perforations ont lieu dans des colonnes bien déterminées et dont le nombre peut atteindre, suivant les dispositions réalisées, 45, 80 ou 90. La carte standard a 188 mm de largeur et 82 mm de hauteur et peut recevoir par exemple 45 chiffres. Ces 45 signes sont disposés sur 45 colonnes réparties entre les rubriques différentes, devant trouver place sur la carte. Dans chaque colonne, au lieu d’écrire un chiffre, on perfore un trou de 3 mm environ de diamètre. La valeur du trou perforé dépend uniquement de l’emplacement de la perforation dans la colonne considérée. Il y a 10 positions normales correspondant aux chiffres de 0 à 9 et deux positions supplémentaires, dans la partie haute de la carte et que l’on appelle positions 11 et 12. Leur but est d’augmenter artificiellement le nombre des colonnes de la carte. En effet, on peut utiliser norma­lement les positions 1 à 9 de la carte et considérer les positions 0, 11 et 12 de la même colonne comme corres­pondant par exemple aux dizaines 10, 20, 30. Pour perforer 27 il suffit alors de perforer simultanément 20 (c’est-à-dire 11) et 7 dans la même colonne. La figure 1 représente une carte ainsi perforée (les ronds noirs correspondant aux trous) et en dessous la traduction des perforations. Remarquons immédiate­ment que l’emploi de la carte perforée implique forcément celui d’un code.

L’usage des codes se généralise de plus en plus dans l’industrie et le commerce, en dehors d’ailleurs de toutes applications des machines à statistiques, et cela par suite de la diversité et de la multiplicité sans cesse plus grande des articles manufacturés. Leur établissement est évidem­ment très important et très délicat. Il faut non seulement cataloguer, suivant un système rationnel, tous les articles existants, mais encore avoir la possibilité, sans changer le code, d’y insérer ensuite tous les articles nouveaux qui pourront être créés. Donnons un exemple simple. En visserie, il existe un nombre considérable de vis ; comment les désigner ration­nellement par un code uniquement numérique ? Une vis est caractérisée par son diamètre, la forme de sa tête (cylindrique, plate, bombée, à six pans, fraisée, etc.) et la longueur de la partie filetée (les pas des filets sont maintenant normalisés). Nous pouvons donc convenir que le nombre représentant une vis sera de la forme 50 212, indiquant que le diamètre est 5 mm, la tête bombée 02, la longueur filetée 12 mm. Si l’indicatif d’une vis à tête six pans est 03 par exemple, la vis 70 325 est une vis de 7 mm de diamètre, à tête six pans filetée sur 25 mm. En résumé le code doit être tel qu’un nombre identifie un article et donne sur lui le plus de renseignements, tout comme une formule chimique renseigne sur la constitution d’un corps. Naturellement toutes les autres indications seront représentées par des chiffres : les vendeurs, les agents, les fournisseurs, les clients etc …, de même que dans les banques, chaque client titulaire d’un compte est repré­senté par le numéro de ce compte.

La comptabilité statistique

Une fois la carte perforée d’après les indications du document original, et après adjonction, si besoin est, de tous les renseignements utiles, elle devient la véritable pièce comptable et c’est sur elle que l’on opérera pour tous les états et situations qui constituent véritablement la comptabilité. À quoi se ramène en définitive la comptabilité : à grouper suivant des ordres différents les diverses indications du document initial. Expliquons-nous, en prenant un cas simple, celui des factures à clients, qui comporteront chacune par exemple : le nom du client, celui du repré­sentant, la date de facturation, celle de paiement, le décompte des marchandises, le prix total par article, le montant de la facture : on commence par grouper les factures par date pour avoir les chiffres d’affaires, ensuite on les groupe par représentant, pour le calcul de la commission, on les groupe par client pour l’établissement des relevés, on les groupe par dates de paiement pour avoir la situation des rentrées. En général on s’arrête Ià, chacun de ces groupements nécessite des livres distincts, et oblige à reporter manuellement le même chiffre dans chacun d’eux, ce qui est long, peut donner lieu à des erreurs par omission ou tran­scription incorrecte, d’où obligation de vérifi­cations et de recoupements, de « balances ». Avec le système à cartes perforées, toute cette manipulation de livres comptables différents (et coûteux) est éliminée. En effet, supposons que nous ayons établi pour toutes les factures d’un mois les cartes analogues à celle représentée figure 1 ; nous en avons 1000, 10 000, peu importe le nombre, et nous désirons établir le compte de commissions du représentant dont l’indicatif est 310. Nous prenons toutes nos cartes et les faisons passer dans une machine (la trieuse) qui va les trier automa­tiquement ; nous verrons plus loin comment cette opé­ration est réalisée, et nous donnera le paquet de cartes relatif à ce représentant. Ensuite, nous placerons ce paquet de cartes dans une autre machine (dite calculatrice ou tabulatrice) qui auto­matiquement donne un état imprimé comportant toutes les indications portées sur les cartes perforées (ou seule­ment si on le désire certaines d’entre elles) et finalement le total des montants des factures. Nous avons établi notre compte représentant. De-même si nous voulons le compte du client 2459, la trieuse nous « sortira » toutes les cartes relatives à ce client et le passage à la calcula­trice donnera le montant de ses factures. Bien plus, et ce point constitue un des avantages les plus considérables du système à statistiques, nous pouvons obtenir des renseignements que la comptabilité normale ne peut fournir à moins d’une complication et d’une multiplicité de livres et d’écritures qui la rendraient pratiquement inextricable. Supposons en effet que nous voulions savoir combien, dans le mois, de produits codifiés 56825 ont été vendus. En général il est difficile, sinon impossible, d’avoir ce renseignement en comptabilité. Ici, rien de plus simple : un tri nous donnera toutes les cartes portant l’indicatif 56825 dans la zone « n° du produit », la calculatrice nous en dressera l’état détaillé et en donnera le total. Il sera alors facile, pour le chef d’industrie, de vérifier, de contrô­ler les sorties du stock, de tirer des déductions sur le marché et la vente de cet article, de prendre toutes déci­sions utiles pour la fabrication, etc… Tels sont les principes du système de comptabilité à l’aide des machines à statistiques. Nous avons vu qu’elle comporte l’emploi de trois machines différentes : ma­chines pour perforer les cartes (les perforatrices) ; ma­chines pour les trier (les trieuses), machines pour retranscrire en clair les perforations des cartes sélectionnées et en totaliser certaines indications (les calculatrices ou tabulatrices). Nous allons successivement donner le principe des réalisations de ces diverses machines.

Deux systèmes sont en présence et, à I’heure actuelle, se partagent à peu près également les faveurs des usagers : le système Hollerith ou « système électrique » dans lequel les diverses manœuvres sont commandées électriquement par l’intermédiaire de contacts et de relais, et le « système mécanique » réalisé dans les machines Samas-Powers dans lesquelles toutes les opérations sont effectuées à l’aide de mouvements purement mécaniques. Ces deux systèmes, de conception entièrement différente, fournissent des résultats identiques et il est difficile d’accorder à I’un la supériorité sur l’autre.

Les cartes à statistiques

La nature même du papier dont est constituée la carte perforée a une grande importance. Ce papier, assez épais, (environ 17 centièmes de mm) a été une des principales difficultés qui ont dû être résolues pour que les machines à statistiques puissent prendre l’essor qu’elles connaissent actuellement. Le papier est hygrométrique et par suite sujet à des variations de rigidité, de résistance mécanique et de dimensions. Il doit, pour l’application envisagée, être susceptible d’être manipulé par les machines un grand nombre de fois. Dans le système électrique, comme des contacts électriques doivent pouvoir être établis là seulement où il existe des perforations, il doit être exempt dans sa pâte même de toute particule métal­lique ou conductrice qui pourrait déterminer des contacts intempestifs. Dans le système mécanique, cette restriction n’existe pas. Enfin les cartes doivent être de dimension et d’épaisseur rigoureusement déterminées. La mise au point de cartes répondant à toutes ces conditions a été très délicate et très longue ; les précau­tions nécessaires dans leur fabrication entraînent un prix assez élevé et la dépense de cartes est un facteur important du coût d’exploitation des installations.

Les machines à perforer les cartes

La perforation se réalise à l’aide de machines dites perforatrices ou poinçonneuses, dont le principe est très simple. Un clavier disposé au centre de la machine (fig. 4) comporte 14 touches, dont 12 servent à la perfo­ration proprement dite (1 à 12) et deux autres commandent l’une l’échappement du chariot porte-carte (qui se déplace comme le chariot d’une machine à écrire) de façon à pouvoir éjecter la carte lorsque la perforation se termine avant la dernière colonne, l’autre l’avancement du chariot d’une colonne, sans y effectuer de perforation, et joue le rôle de la barre d’espace d’une machine à écrire. Comme dans celle-ci, la carte étant mise dans le chariot porte-carte, ce chariot est repoussé à la main vers la droite, et chaque fois que l’on appuiera sur une des 12 touches de perforation, une crémaillère le fera avancer d’une colonne. En même temps, la dépression d’une touche, par un système simple de leviers, vient appuyer sur la tête d’un poinçon, correspondant à la perforation désirée, contenu dans une boîte à poinçons située au-des­sus de la carte. Le poinçon descend et perfore la carte. On a perfectionné cette poinçonneuse à main, de façon à rendre la perforation indépendante de l’opérateur, de même que dans certaines machines à écrire électriques, l’impression s’effectue par un mécanisme empruntant son énergie à une source exté­rieure et non à la force de frappe de l’opéra­teur. On est ainsi assuré que la perforation sera bien complète.

La figure 3 montre le principe de la perfo­ration dans une poinçonneuse électrique Hol­lerith. Lorsque l’on abaisse une touche, le talon de celle-ci vient appuyer sur l’une des branches a d’un levier coudé A, dont l’extré­mité de l’autre branche porte un doigt b en­gagé dans une encoche de la pièce intermédiaire. Celle-ci, qui est maintenue en position initiale par un ressort se déplacera dans le sens de la flèche, vers la gauche dans la figure, et son extrémité vient alors s’engager entre le poinçon et la plaque de perforation. La pièce intermédiaire porte une seconde encoche c sur laquelle s’appuie un levier coudé D qui, en basculant soulève la pièce E. Cette pièce en se déplaçant ferme le circuit d’alimenta­tion d’un électro-aimant puissant qui attire alors son armature. Celle-ci agit sur un sys­tème mécanique, du genre dit « à genouillère » qui met en mouvement la plaque de perfora­tion qui s’abaisse. La pièce intermédiaire suit son mouvement et pousse le poinçon qui per­fore la carte.

Remarquons que la réalisation est très simple car s’il y a autant de pièces intermé­diaires que de touches de perforation, soit 12, et qu’il y ait 12 poinçons, toutes les encoches c peuvent être placées sur le même alignement, de sorte que le levier D est unique, commun à toutes les touches et prend la forme d’une cornière. La pièce E qui commande l’électro­aimant est unique aussi, ainsi que la tringlerie de commande de la plaque de perforation qui s’étend au-dessus des 12 poinçons. C’est cet ensemble commun à toutes les touches qui actionne également la crémaillère d’avancement du chariot porte-carte.

Une réalisation toute différente est celle de la poinçonneuse automatique Samas-Powers que nous allons décrire brièvement. Dans cette machine représentée figure 2, au lieu de perforer successivement chaque colonne, la manœuvre des touches n’a pour effet que de préparer la perforation, celle-ci est effectuée d’un seul mouvement sur toute la carte lorsque toutes les indications que l’on désire être portées sur la carte ont été frappées. On peut donc ainsi, avant perforation, corriger les erreurs qui auraient pu être commises, d’où économie de temps et de cartes.

Voici le principe de cette machine (fig. 5). La dépression d’une touche actionne un tendeur qui vient pousser la partie supérieure d’un levier coudé. Celle-ci en pivotant enfonce une béquille b, abaisse l’extrémité d’un levier c dont l’autre extrémité soulève une ancre de la roue à rochets. Un autre levier d est ensuite poussé, et il soulève l’autre ancre en abaissant la première. Ces mouvements font tourner la roue d’une dent et déplacent le chariot d’une colonne.

Sous les béquilles b se trouvent 12 plongeurs (fig. 6) susceptibles d’être verrouillés soit en position haute, soit en position basse, comme on le voit sur la figure. L’enfon­cement d’une béquille entraîne donc celui du plongeur correspondant.

Au-dessous de ces plongeurs dont le nombre est de 12 par colonne ; se trouve le « bloc des intermédiaires », bloc identique mais composé de petits ergots sollicités vers le haut par des ressorts (fig. 7). Ces deux blocs, plongeurs et poussoirs intermédiaires, sont fixés au bâti de la machine. On voit immédiatement que le, poussoir qui a été enfoncé par le déplacement du plongeur qui lui correspond ne peut plus remonter. Il vient alors presque au contact du poinçon de perforation proprement dit qui se trouve sous lui.

La carte à perforer se trouve prise entre deux plaques perforées, deux matrices, qui peuvent avoir un mouve­ment vertical d : bas en haut. Quand on désire effectuer la perforation, on appuie sur une touche dite « de perforation » ou « punch ». Les deux matrices inférieures se soulèvent alors, entraînant la carte. Celle-ci à son tour soulève les poinçons sauf ceux qui se trouvent bloqués, par suite de l’enfoncement de leur plongeur. Sur ces poinçons bloqués, la carte se perfore elle-même en conti­nuant son mouvement d’ascension (fig. 8 a et b).

Remarquons que pour une carte de 45 colonnes, il y a 540 plongeurs, autant de poussoirs et de poinçons disposés en 45 colonnes situées à 3,96 mm l’une de l’autre, et, dans chaque colonne, les ensembles plongeur-poussoir­-poinçon étant à 6,35 mm l’un de l’autre. Ceci donne une idée des difficultés qui ont dû être vaincues dans la réalisation industrielle.

L’effacement du cliché de perforation

La carte est perforée, il faut maintenant « effacer » le cliché de perforation qui a été utilisé. On se sert pour cela du mouvement de retour en arrière du chariot pour le ramener de la colonne 45 à la colonne 1. On peut le faire en actionnant soit le levier a, soit le bouton b (fig. 9 et 10).

Si l’on pousse le levier a, on provoque, avant tout le déplacement du chariot, la descente du galet c. Lorsque le chariot se déplacera, ce galet, en appuyant au passage sur les taquets de déverrouillage d, provoquera par leur intermédiaire le décalage des verrous. Les plongeurs enfoncés, sous l’action des ressorts de poussoir remonte­ront aussitôt. Le cliché de perforation est alors effacé. On peut empêcher l’effaçage du cliché sur toutes les colonnes, si par exemple on désire faire deux exemplaires de la carte, en ramenant le chariot à l’aide du bouton b qui n’agit pas sur le galet c et le laisse au-dessus des taquets. Si on veut n’effacer que certaines colonnes, par exemple si toute une série de cartes comporte des indi­cations communes (date, agence, etc.), il suffit d’abaisser les taquets correspondant aux colonnes dont on désire reproduire les indications, ce qui les met hors d’atteinte du galet d’effaçage. La figure 11 permet de se rendre compte immédiatement du fonctionnement du dispositif. Nous ne dirons rien du mécanisme de montée de la matrice portant la carte. Il comporte un petit moteur électrique qui sous l’action de la touche « punch » agit sur un embrayage, un tour actionnant une came qui soulève la matrice.

Toutes les poinçonneuses que nous venons de décrire comportent de multiples dispositifs annexes dont la description sortirait du cadre de cette étude : alimentation automatique de cartes vierges, éjection automatique des cartes une fois perforées, dispositifs d’espacements ou de skip permettant de sauter des zones dans lesquelles on ne veut pas perforer, etc.

Vérification des perforations

La carte perforée étant le document initial essentiel sur lequel les machines vont avoir à travailler pour en extraire, avec une sûreté absolue, les renseignements désirés, il importe qu’aucune erreur ne soit faite dans la perforation. Celle-ci est la seule opération où l’erreur humaine peut se produire et comme il n’est pas rare que d’habiles opératrices établissent 250 à 300 cartes à l’heure, il est nécessaire de soumettre leur travail à une vérification aussi serrée que possible. Le procédé de contrôle que l’on utilise consiste essen­tiellement, à l’aide d’une machine dite vérificatrice, à refrapper une seconde fois la carte, ou à établir un second cliché de perforation. Les vérifications n’ont pas de poinçons coupants, mais si les poinçons qui ont été actionnés dans la seconde frappe ne coïncident pas avec les trous de la perforation, la vérificatrice est bloquée et avertit par cela même qu’une erreur a été commise. Un autre procédé consisterait à passer les cartes dans la calculatrice branchée convenablement pour donner simplement la traduction en clair des perforatrices, à l’exclusion de tout calcul, et à collationner le bordereau ainsi établi avec les documents originaux. L’expérience a montré que ce collationnement soit visuel par un seul opérateur, soit oral, par deux opérateurs, était moins sûr que l’emploi des vérificatrices.

Les poinçonneuses inscrivantes

Les difficultés de lecture des perforations des cartes et des recherches dans les fichiers ont amené les constructeurs à réaliser des machines donnant, en même temps que la perforation, l’inscription en clair des nombres en haut de la carte. Le principe de ces poinçonneuses inscrivantes est simple : il suffit de commander, par la dépression des touches de frappe, les leviers d’une machine à écrire dont les barres à caractères viendraient inscrire le chiffre en haut de la colonne où il a été perforé. La figure 12 montre une poinçonneuse inscrivante Samas. On voit nettement la partie machine à écrire de l’appareil.

Le stade suivant de l’évolution de la perforation a été tout naturellement la suppression de la codification des noms et l’inscription et la perforation des lettres. On a alors les perforatrices ou poinçonneuses alpha-numériques. La traduction des lettres en perforations est réalisée simplement à l’aide de deux perforations dans la colonne. La figure 13 montre une perforatrice alpha-numérique inscrivante Samas. On voit nettement le clavier des lettres à gauche, le clavier des chiffres à droite, la corbeille de machine à écrire avec le mécanisme de ruban, le chariot porte-carte et la matrice des poinçons.

La figure 14 représente une perforatrice alpha-numé­rique Hollerith. Nous dirons quelques mots de cette machine qui repose sur un principe original, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir dans un autre article.

Le schéma de la figure 15 permet de comprendre son fonctionnement qui est entièrement électrique. Toutes les manœuvres : inscription, perforation, déplacement du chariot porte-carte, alimentation et éjection, sont com­mandées par un arbre A qui tourne constamment sous l’action d’un moteur électrique. Cet arbre qui s’étend sous tout le clavier entraîne, claveté sur lui, un cylindre taillé dont la section est celle d’une roue à rochets portant un certain nombre de dents saillantes a. Une rangée de barres B correspondant chacune à une touche T du clavier se trouve disposée perpendiculairement à l’axe A. Chaque barre B peut osciller autour d’un axe b qui passe dans une boutonnière, et est maintenue en position par un ressort R. Elle porte une dent c qui, au repos, vient reposer sur la queue d du levier de la touche T. Quand on déprime la touche T, d libère c et, sous l’action du ressort R, la barre B pivote dans le sens de la flèche. Ce mouvement a pour effet de rapprocher le cran e de l’axe en rotation A, permettant alors à la dent a d’en­trer en prise avec e. La barre B est donc violemment tirée dans le sens de la flèche. Le levier L se trouve entraîné par le doigt f solidaire de B. Il bascule, le mouvement se trouve amplifié par le levier M entraîné par le doigt g et finalement le levier porte-carac­tère N, attaqué par le doigt h, est projeté sur la carte C placée dans un chariot porte-carte dis­posé verticalement. L’impression est donc réali­sée. En même temps, le doigt l fait pivoter un levier P qui, par une tringlerie analogue à celle de la perforatrice électrique, détermine le ver­rouillage du poinçon ou des deux poinçons corres­pondant à la perforation à réaliser et provoque la perforation par un électro-aimant, comme nous l’avons vu précédemment. Quand la frappe et la perforation ont eu lieu, un dispositif classique écarte la barre B de a et sous I’action du ressort R tout le mécanisme revient à sa position initiale et le chariot porte-carte avance d’une colonne.

Dans un prochain article, nous examinerons les machines qui extraient et totalisent les rensei­gnements statistiques enregistrés sur les cartes perforées.

La machine à statistiques, partie 2

H. Vigneron

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