L’électrophone Louis Maiche

L’électricité N°19 — 5 octobre 1880
Samedi 14 janvier 2012 — Dernier ajout dimanche 5 février 2012

Le système de communications téléphoniques imaginé par M. Louis Maiche se compose de deux appareils qui sont tous deux semblables à celui que nous allons décrire et qui sont mis en rapport A. une distance quelconque par un fil télégraphique.

L’électrophone de ce physicien se compose d’une boite en bois AA ayant environ 25 centimètres de côté, devant laquelle se place la personne qui veut parler.

L’intérieur de cette caisse est doublé d’une seconde caisse en verre B, isolée de la première pur une épaisse couche de ouate CC ; c’est cette caisse en verre qui reçoit les ondes sonores produites par la parole et transforme le mouvement vibratoire de l’air en action mécanique se résumant par une différence de pression sur deux billes en charbon D, qui fixées à deux charnières E E reçoivent le courant électrique d’une pile composée d’un ou deux éléments et transmettent les différences d’intensité résultant des différences de pression à un téléphone Identique situé à une distance quelconque et servant de bobine d’induction au moyen des conducteurs ordinaires.

La bobine d’induction, les boules en charbon et les conducteurs qui les relient sont disposés de manière à n’avoir jamais besoin d’être touchés ni réglés. L’appareil, tel qu’il est sur le dessin, peut fonctionner indéfiniment sans aucune espèce de réparation et entre toutes les mains.

A gauche se trouve un petit bouton G, semblable à ceux des sonneries électriques d’appartement.

Quand on parle à une distance de la cloche en verre, qui peut aller jusqu’à plusieurs mètres, celle-ci vibre à l’unisson de l’air, et ses vibrations se transforment instantanément et complètement en effets mécaniques se traduisant par des différences de pression des deux boules en charbon, lesquelles déterminent dans la bobine les courants induits qui peuvent être recueillis à la station d’arrivée de la même manière qu’ils ont été produits, c’est-à-dire à l’aide de la bobine de Ruhmkorff du récepteur.

Les mouvements moléculaires du verre, dont la surface est cent fois plus grande que celle du disque vibrant d’un téléphone ordinaire, acquièrent une grande intensité en se concentrant ou se totalisant sur le point où reposent les boules en charbon.

L’intensité des effets ainsi accumulés permet de donner aux boules en charbon et aux pièces qui les supportent des dimensions et un poids qui assurent une parfaite stabilité et dispensent de toute espèce de réglage, en se plaçant bien au-dessus de toutes les causes de dérangement.

Il n’y a plus rien là qui rappelle le microphone, et cependant la sensibilité de l’appareil est si grande qu’une résistance de quinze cents kilomètres n’empêche pas d’entendre distinctement les battements d’une montre et le souffle de la respiration.

Parmi les expériences les plus intéressantes qui ont eu lieu sur l’électrophone, nous citerons l’essai qui a été fait entre la Chambre des députés et le Sénat ; un autre entre le Bureau central des lignes télégraphiques de Paris et celui de Versailles. Deux autres postes sont établis dans les conditions les moins favorables qui puissent se présenter, sans que le résultat en soit influencé en quoi que ce soit. L’un relie les forges d’Antoigné (Sarthe) à la gare de Monbizot ; l’autre, partant également des forges d’Antoigné, relie cet établissement avec les bureaux de M. Chappée, leur propriétaire, situés au Mans, à une distance de 28 km environ. Le fil est disposé sur les poteaux ordinaires qui supportent les fils de l’État et ceux de la Compagnie du chemin de fer de l’Ouest. Le voisinage de ces fils n’a rien de nuisible ; le retour se fait par la terre comme dans les installations télégraphiques ordinaires.

Dans l’atelier de M. Louis Maiche, que nos abonnés pourront visiter, à notre recommandation, en nous en adressant la demande, nous avons pu entendre une conversation en intercalant dans le circuit un morceau de bois blanc d’une épaisseur d’un décimètre, et même une cloche de verre, sans que le son de la voix fût très notablement diminué. Pour exécuter ces belles et curieuses expériences, il faut appliquer de chaque côté de la substance intercalée une feuille d’étain semblable à celle d’un condensateur. Cette circonstance montre admirablement l’extrême facilité que les courants d’induction ont à se propager malgré les obstacles dont leur route est semée.

Elle permet de concevoir l’espérance que le courant téléphonique ainsi constitué puisse être utilisé pour faire franchir à la parole humaine des mers profondes.

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