Roulement sans glissement par billes ou rouleaux

E. Maglin, La Nature N°1266 — 4 septembre 1897
Dimanche 10 octobre 2010 — Dernier ajout lundi 4 mars 2024

Lorsque deux pièces d’une machine se déplacent l’une par rapport à l’autre, suivant un mouvement circulaire, leur frottement engendre des efforts plus ou moins considérables mais qui ont toujours pour conséquence d’absorber une partie très appréciable du travail développé par le moteur. Tel est le cas, par exemple, des paliers de machine supportant un arbre tournant. Quel que soit le soin qu’on apporte au graissage, quelle que soit la valeur du lubrifiant employé, ces frottements sont inévitables, les pièces en contact s’usent irrégulièrement et il se produit à la longue des méplats qui accroissent encore la résistance à vaincre. C’est pour cette raison que les paliers sont munis de coussinets en métal tendre, bronze ou régule d’antimoine, qui supportent toute l’usure, mais sont d’un remplacement facile. Les expériences du général Morin ont permis de reconnaître que, dans de bonnes conditions de fabrication et de graissage, le coefficient de frottement de glissement d’un arbre dans ses coussinets est de 0,054.

En appelant T le travail absorbé par le frottement, P l’effort exercé, C le chemin parcouru, et F le coefficient de frottement, la valeur de T est donnée par la formule : T=P x C x F.

On voit de suite à la simple inspection de cette formule que le travail absorbé par les frottements est d’autant moins grand que le coefficient de frottement est plus faible. On a donc été amené tout naturellement à chercher les moyens de substituer au frottement de glissement le frottement de roulement dont le coefficient est beaucoup moindre (0,001 d’après Poncelet). Si cette substitution était parfaitement réalisée, on voit que dans ce second cas le frottement serait 54 fois moindre que dans le premier. Mais en pratique on est loin d’atteindre un tel résultat. En effet, les paliers à rouleaux, boites à billes ordinaires ou à alvéoles, à disques perforés, à anneaux superposés, etc… dont on fait usage, ne suppriment que partiellement le frottement de glissement, dont une notable partie se trouve simplement déplacée, comme il est facile de s’en rendre compte sur la figure 1, p. 219 :

Soit A un arbre tournant dans le sens de la flèche, et s’appuyant sur une série de rouleaux B. Par l’entraînement, ceux-ci tourneront en sens inverse de A et frotteront les uns sur les autres à leurs points de contact n, puisqu’en ces points ils tourneront en sens inverse les uns des autres. Comme on le voit, l’adjonction des rouleaux n’a eu d’autre résultat que de reporter aux points a les frottements de glissement qui se développaient auparavant sur la circonférence de l’arbre, en les diminuant il est vrai, mais sans les supprimer ; le calcul montre en effet que, par la substitution du palier à rouleaux ou à billes au palier à coussinet lisse, l’économie dans le travail de frottement atteint au maximum 40 %. Et encore ce chiffre diminue-t-il rapidement par suite de l’usure inévitable, même avec l’emploi de pièces d’acier trempé et rectifié après la trempe.

Pour obvier au frottement de glissement des rouleaux B, M. G. Philippe a eu l’ingénieuse idée de les isoler les uns des autres au moyen de rouleaux intermédiaires C, plus petits qui tournent en sens inverse des premiers, c’est-à-dire dans le même sens que l’arbre A.

Le simple examen de la figure 2, p 219, ,fait voir qu’il y a frottement de roulement aussi bien aux points de contact des rouleaux B et C, qu’entre les rouleaux B et l’arbre A.

Nous ayons supposé ici le cas des rouleaux, mais il est bien évident que les résultats sont les mêmes lorsqu’on fait usage des billes. La seule condition à réaliser est de choisir les diamètres des gros et petits mobiles, de telle sorte que les chemins parcourus soient également proportionnels.

La figure3 suppose le cas où l’axe O en tournant entraîne les gros mobiles B, lesquels roulent dans la chambre A et communiquent leur vitesse circonférentielle aux petits mobiles intermédiaires H. Ceux-ci sont maintenus en place au moyen d’un chemin C sur lequel ils reposent par leur extrémité D et qui est solidaire de la chambre A. Pour que les chemins parcourus soient également proportionnels, il faudra que les diamètres des éléments satisfassent à l’équation suivante :

$$$ \frac{B}{A} = \frac{C x H }{B x D}$$$

C et D sont ici les diamètres de contact.

M. Philippe a étudié divers dispositifs permettant d’appliquer son système aux emplois les plus courants de la mécanique les figures 4 et 5 donnent deux agencements de cages amovibles à rouleaux qui peuvent s’appliquer presque sans changements aux paliers existants. Dans le second, le chemin C est solidaire du coussinet A, tandis que dans le premier il est solidaire de l’arbre O.

La figure 6 donne la disposition d’un moyeu de bicyclettes, à billes, dont le réglage se fait, comme à l’ordinaire, par le serrage du cône. Le moyeu pour carrosserie légère (fig. 7) est, on le voit, très analogue au précédent.

Ces moyeux pour carrosserie légère ont leur emploi tout indiqué dans les voit ures automobiles où, plus que partout, se fait sentir la nécessité de supprimer les frottements pour ne rien perdre de la puissance du moteur.

Lorsqu’il y a de fortes charges à supporter, on doit employer les rouleaux de préférence aux billes.

Les compagnies américaines de tramways électriques font fréquemment usage des paliers à rouleaux, mais en employant les différents systèmes ordinaires dont nous avons montré plus haut le défaut capital.

La Nature a eu déjà plusieurs fois, notamment dans son numéro du 11 juillet 1896 [1] , l’occasion de signaler à ses lecteurs les avantages des paliers à rouleaux ; l’amélioration apportée par M. Philippe est de nature à augmenter encore ces avantages dans une proportion très notable, sans causer aucune complication dans.la fabrication de ces pièces, en la simplifiant même par la suppression de la rectification après la trempe.

E. Maglin

Ingénieur des Arts et Manufactures.

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