Le microscope composé de Janssen, fabriqué environ vers 1590, offre bien peu d’intérêt sous le rapport de la fabrication et du pouvoir grossissant qui est très faible. (Ce n’est qu’un jouet comme l’a dit M. Huxley). La seule valeur scientifique intéressante qu’il possède gît dans ce fait qu’il est composé. L’image est vue renversée.
Comme on le voit d’après le dessin (fig. 1), trois tubes constituent tout l’appareil. Ces tubes peuvent glisser les uns dans les autres à la façon de nos lunettes ; ils sont en zinc et assez grossièrement faits ; les soudures des tubes sont visibles. La monture figurée sur notre gravure est toute moderne et ne sert qu’à supporter l’appareil.
Zacharias Janssen était fabricant de lunettes à Middlebourg.
Le deuxième microscope exposé est plus intéressant : il est difficile de concevoir comment les travaux attribués à Leeuwenhock, ont pu être exécutés avec de tels instruments (le catalogue nous dit que ce microscope, à l’usage de Leeuwenhock, a sans doute été fait par lui) ; il n’y a pas à en douter, car la main-d’œuvre est fort grossière et il est visible qu’une main étrangère aux travaux des métaux a fabriqué cette curieuse relique. Les têtes des vis sont simplement formées par l’aplatissement du fil lui-même et de nombreux coups de limes sont visibles.
Le microscope, c’est-à-dire une lentille, elle-même microscopique, est enchâssée, sertie, dans la plaque d’argent en E (fig. 2) ; l’objet à observer était placé en F attaché à la pointe de cette curieuse petite pince vissée (et fixe) dans la pièce P. Cette pièce P peut être mue dans trois directions différentes ; c’est le commencement bien grossier de nos ajustements : 1° en tournant la vis A, la pointe de la vis touchant la plaque inférieure, on abaisse ou élève à volonté la pièce P ; 2° la vis B, à son tour, permet d’approcher ou d’éloigner la pièce P à volonté ; 3° enfin tout l’appareil peut tourner sur lui-même à l’aide de la pièce C qui peut tourner sur elle-même, ayant pour axe la vis que l’on voit en R ; cette vis, dont on aperçoit une partie de la tête en D, sert aussi à fixer la branche C, quand la place choisie est déterminée.
Tout cela fonctionne assez mal, à dire vrai, mais enfin on peut fixer l’objet dans une position voulue, plus ou moins bien ; c’est l’essentiel. Le tout est en argent. Plusieurs de ces microscopes ont peut-être été faits, ou tout au moins la plaque d’argent, avec une pièce d’argenterie quelconque, car on voit dans un coin de la plaque et de l’autre côté de l’instrument un poinçon de fabrique, quatre trous y ont été bouchés ; on peut en voir nettement les marques sur le dessin. Je ne sais si l’appareil possédait primitivement un arrangement différent abandonné par Leeuwenhock lui-même ; mais je crois bien que la plaque d’argent appartenait d’abord à une pièce d’argenterie comme je l’ai dit plus haut.
Le troisième microscope que nous représentons de deux manières afin d’en faciliter la description (fig. 3 et 4), est le plus curieux des trois au point de vue des efforts faits pour faciliter le maniement de l’appareil.
Jan van Musschenbroek était un mécanicien, on le reconnaît à la complication de l’appareil, quoique un tel arrangement nous fasse sourire maintenant. Le microscope est simple et construit en cuivre jaune ; la petite poignée qui le termine est en bois noir et la pièce marquée H en corne.
Ici, comme avec le microscope de Leeuwenhock, nous voyons l’effort se concentrer, mécaniquement parlant, vers la possibilité de placer l’objet à observer dans toutes les positions possibles.
Comme on le voit sur la figure 4, où est figuré un objet, c’est en I que l’on fixait le porte-objet ; I est une petite pince qui ressemble assez aux porte-crochets modernes. Cette pièce I est elle-même fixée dans une longue branche P qui passe sous un petit pont M et s’articule en T d’une façon assez curieuse ; la poignée lui est fixée. Cette branche et par conséquent la pièce I peuvent se mouvoir de deux façons, à l’aide des vis A et B. Un ressort N (fig. 3), agit pour la vis A et un ressort R (fig. 4), agit pour la vis B. La vis A élève ou abaisse la branche P ; la vis B la porte à droite ou à gauche. En C, soudé à une pièce fixée au-dessous de la plaque J, se trouve un tube arrondi aux extrémités, faisant office de charnière entre la boîte EH et le reste de l’appareil ; un fil de cuivre U, recourbé, traverse ce tube C et la pièce H.
En D se trouvaient les microscopes au nombre de quatre, de différents pouvoirs ; ils n’existent plus aujourd’hui ; ils étaient sertis dans une pièce marquée D, laquelle peut pivoter, ce qui permet d’amener l’un quelconque des microscopes devant l’ouverture que l’on voit dans la boîte E (fig. 3). E est en effet une espèce de boite de métal fixée à coulisses sur la pièce H, dont on peut la séparer à volonté. La pièce H, comme je l’ai dit, est en corne et forme le couvercle, si l’on peut dire, de cette boite ; une large ouverture, en cône, de la largeur de l’œil y est pratiquée et c’est par là que l’on observe.
Les trois remarquables instruments que je viens de décrire sont rangés, à juste titre, parmi les plus curieux de ceux que l’on admire à l’Exposition de South-Kensington Muséum, et ils ont particulièrement attiré l’attention des micrographes, très nombreux en Angleterre. Le microscope composé de Janssen est le plus ancien que l’on connaisse, et par conséquent, il est particulièrement digne d’être considéré attentivement. Il est manifeste que ce constructeur doit être regardé comme le véritable inventeur du microscope ; en admettant que ce fait soit contesté, Zacharias Janssen a tout au moins contribué à vulgariser l’emploi du microscope composé. Quant au microscope simple, son invention, comme on le sait, paraît remonter à une haute antiquité. « Quelques anciens auteurs, comme l’ont très bien dit MM. Zürcher et Margollé, dans leur petit traité, Télescope et Microscope, Sénèque entre autres dans ses Questions naturelles, font mention de globes de verre, remplis d’eau, servant à augmenter les dimensions d’objets peu visibles. Le musée de Portici renferme des lentilles en verre extraites des ruines d’Herculanum ; et Sir David Brewster, dans l’assemblée de l’Association britannique en 1852, a montré une lentille en cristal de roche trouvée dans les ruines de Ninive, qu’il croit avoir été taillée plutôt au point de vue de l’optique que pour servir d’ornement.
P. Nolet