Le magnifique volume, édité avec luxe par la maison Hachette, est une preuve du progrès de l’éducation scientifique des gens du monde ; jamais, naguère encore, un éditeur ne se serait hasardé à publier, comme livre d’étrennes, avec un pareil luxe typographique et graphique un ouvrage aussi sérieux par la forme, aussi spécial par le fond. Ceci est loin, très loin d’être une critique, car l’œuvre de M. Guillemin, écrite avec sa clarté et sa précision habituelle, est extrêmement intéressante ; l’auteur ne s’est pas borné à la sèche description des faits, il les a éclairés par la philosophie scientifique.
Il considère les comètes comme les messagères de l’infini, voguant, non seulement de monde en monde, mais de soleil en soleil, nous apportant des échantillons des astres lointains et mettant les univers en communication matérielle les uns avec les autres.
D’après ce que l’on sait, les comètes sont des amas de poussières, des nuages cosmiques errant à travers l’étendue ; quand elles s’approchent du soleil leur marche est changée ; si elles passent assez loin du foyer central ou si leur vitesse est extrême elles décrivent autour de lui une hyperbole et s’en éloignent sans retour ; si leur vitesse est moindre ou si elles passent plus près du foyer central, ce qui est l’exception pour l’immense nombre des comètes qui sillonnent l’espace, mais ce qui est la généralité pour celles que l’on peut voir de la terre, elles sont enchaînées par l’attraction solaire et se mettent, pour un temps, à tourbillonner autour de lui en décrivant une ellipse. Sous l’action inégale de l’attraction, à chaque passage près du soleil l’amas se désagrège, s’étire, la comète émet d’énormes queues qui éparpillent sa masse dans le ciel, elle se disloque plus ou moins complétement et se transforme en un courant de corpuscules qui pénètrent dans notre atmosphère et s’y enflamment sous forme d’étoiles filantes. Rien ne se perd dans la nature, les matériaux de l’étoile filante font désormais partie de notre globe qui s’augmente lentement de la matière cosmique arrivant des profondeurs célestes.
S’il y a une infinité de comètes, le nombre de celles que nous apercevons est fort limité. Les hommes ont conservé la mémoire en tout de 790 apparitions cométaires ; sur ce nombre 256, vues depuis l’invention des lunettes, seraient restées inconnues sans elle, car elles étaient télescopiques. Sur 790 apparitions cométaires, il a été reconnu que 85 étaient des réapparitions de comètes déjà connues, ce qui réduit à 705 astres distincts le nombre de celles qui ont été vues. Sur les 790 apparitions, les observations ont permis 526 fois d’établir l’individualité, l’état civil scientifique de la comète, en calculant l’orbite de 264 comètes différentes.
Sur ces 264 comètes on en connaît 14 qui se meuvent dans des orbites hyperboliques et sont restées par conséquent étrangères au système solaire à travers lequel elles ont passé ; 117 ont décrit des orbites connus sur une trop faible étendue pour que l’on puisse distinguer si ce sont des hyperboles, des paraboles ou des ellipses, 75 parcourent des ellipses. Sur ce nombre il en est 9 dont le retour, prévu par le calcul, a été vérifié par l’observation : La comète de Halley, dont la première apparition connue date de l’an 12 avant Jésus-Christ et le premier retour calculé de 1759 ; elle fait sa révolution en 76,37 ans, c’est la plus longue de toutes celles qui ont été vérifiées par l’expérience. La comète d’Encke, dont la première apparition date de 1786 et le premier retour calculé de 1822 ; elle fait sa révolution en 3,285ans, c’est la plus courte de toutes.
La comète de Biela, dont la première apparition date de 1772 et le premier retour calculé d’avance de 1832 ; cette comète paraît aujourd’hui disloquée ; en 1846 elle s’est divisée en deux et ces deux fragments n’ont pas été revus depuis 1852, mais un troisième fragment a heurté la terre, produisant une pluie d’étoiles filantes, et plus tard a été revu dans le ciel sous forme de comète en 1872 ; les deux premiers morceaux font leur révolution en 6,587 ans et 6,629 ans. La comète de Faye découverte en 1843 revue d’abord en 1851, dont la révolution dure 7,413 ans. La comète de Brorsen, découverte en 1846 et revue d’abord en 1857, durée de la révolution 5,483 ans. La comète de d’Arrest, découverte en 1851, revue en 1857, période 6,567 ans. La comète de Winnecke a été trouvée d’abord en 1819, sa périodicité n’a été prouvée par un retour annoncé qu’en 1869, sa période est de 5,591 ans. La comète de Tuttle, découverte d’abord en 1790, n’a eu un retour prévu qu’en 1871, sa période est de 13,811 ans. La comète de Tempel, découverte en 1867, a été retrouvée en 1875, sa révolution a une durée de 5,963 ans ; c’est de toutes les comètes connues, celle dont l’orbite a la plus faible excentricité, c’est-à-dire s’éloigne le moins du cercle. Parmi les comètes, il en est 4 dont l’orbite elliptique se confond avec celle des courants d’étoiles filantes ; c’est la comète de Biela qui a le même orbite que les météores du 27 novembre ; la première comète de 1861, dont la l’évolution dure 33,176 ans et qui a le même orbite que les étoiles filantes du 14 novembre ; la troisième comète de 1862, dont la révolution dure 120 ans, dont l’orbite se confond avec celui des étoiles du 10 août ; la première comète de 1861, dont la période est de 422 ans et dont l’orbite se confond avec celui des météores du 20 avril. De toutes tes comètes, dont on a pu déterminer l’orbite, celle dont la révolution est la plus longue est la seconde de 1864, dont la révolution dure 2,800,000 ans (deux millions huit cent mille ans) et qui s’éloigne du soleil jusqu’à une distance égale à 40,485 fois la distance de la terre à cet astre.
Charles Boissay