Paul Jablochkoff est né à Serdobsk, dans le gouvernement de Saratow (Russie), le 14 septembre 1847, et c’est dans son pays natal qu’il est mort le 6 avril 1894. Après avoir terminé ses études à l’école du génie de Saint-Pétersbourg, il la quitta pour l’école militaire électrotechnique où ses goûts le poussaient de préférence, et il y resta jusqu’en 1871. A la sortie de cette école il fut chargé de la direction du service des lignes télégraphique entre Koursk et Moscou. Ses aptitudes électrotechniques eurent à s’appliquer dès 1872 à l’occasion des premières manifestations de propagande par le fait auxquelles se livraient alors — nihil novi sub sole — les nihilistes russes. Les voyages en chemin de fer de l’empereur ne s’accomplissaient qu’en munissant la locomotive d’une lampe à arc de grande puissance et éclairant la voie sur une longue distance. Mais les lampes à arc de cette époque n’avaient pas la perfection qu’elles ont atteintes aujourd’hui, et Jablochkoff fut alors amené, pour assurer le bon fonctionnement de l’éclairage dans la section dont la surveillance et la responsabilité lui étaient dévolues, à étudier et à perfectionner ces appareils. Il s’en occupa jusqu’en 1875, époque à laquelle il quitta le service télégraphique impérial de Russie. Il avait projeté, en 1876, de se rendre à Philadelphie, à l’occasion de l’exposition du centenaire, mais, séduit par les beautés de notre capitale, il s’y arrêta sans poursuivre plus loin son voyage. Attaché à la maison Breguet pendant quelque temps, c’est là qu’il fit les premiers essais qui le conduisirent à l’idée, d’une simplicité géniale, qui a popularisé son nom : la bougie Jablochkoff. Cette bougie, véritable révolution industrielle, fit son apparition vers la fin de l’année 1877 et dès le mois de mai 1878, elle illuminait brillamment l’avenue de l’Opéra, la première au monde qui ait jamais été éclairée à l’électricité. L’ingéniosité et l’esprit de recherche de Paul Jablochkoff ne furent pas limitées à la bougie qui porte son nom, et dont l’éclat est aujourd’hui bien éteint : il fut un des premiers à étudier la distribution des courants par bobines d’induction et la division du courant par l’emploi de condensateurs. Il fit construire une dynamo à courants alternatifs, qui figura à l’exposition de 1881, et peu de temps après, un moteur électrique sans fer tombés tous deux aujourd’hui dans l’oubli. Ses dernières inventions furent encore moins heureuses : la pile à combustion de charbon, la pile au sodium et la pile auto-accumulateur qui, d’après une note présentée par Jamin à l’Académie des sciences devait produire l’énergie électrique à raison de 5 centimes le cheval-heure n’ont pu tirer le malheureux inventeur de la situation très précaire dans laquelle il s’est éteint relativement jeune le 6 avril dernier. La postérité n’est pas appelée à appliquer les inventions de Jablochkoff, mais l’histoire de l’électricité conservera son nom comme celui d’un précurseur et d’un pionnier dont une idée heureuse a préludé aux merveilleux développements industriels qui se déroulent actuellement sous nos yeux éblouis.
Paul Jablochkoff (1847-1894)
Nécrologie, La Nature N°1089 — 14 avril 1894
par Denis Blaizot
Samedi 20 mars 2010 — Dernier ajout vendredi 14 janvier 2011