Louis de Launay, qui dirigea La Nature pendant plusieurs années avec son beau-frère E.-A. Martel, suit celui-ci dans la tombe à quelques jours de distance. Nos lecteurs n’ont sans doute pas oublié les brillants articles où éclataient sa pénétrante intelligence, sa culture aussi profonde qu’étendue, jointes à de rares qualités littéraires.
L. de Launay fut avant tout un géologue et nous ne pouvons mieux faire pour résumer son œuvre que de reproduire l’éloquent éloge prononcé à l’Académie des Sciences par le savant M. Aimé Cotton.
« Louis de Launay, qui vient de mourir le 30 juin, était né à Paris le 19 juillet 1860. A sa sortie de l’École Polytechnique en 1881, il entra dans le Corps des Mines. Nommé en 1884 ingénieur à Moulins, il se fit remarquer par ses recherches sur la géologie du Plateau Central et à 29 ans, en 1889, il prit possession à l’École des Mines de la chaire de géologie appliquée. Pendant 46 ans, sauf pendant la guerre, il a professé dans cette chaire, et c’est son enseignement à l’École des Mines qui fut l’origine de ses travaux les plus importants, ceux qui l’ont fait connaître à l’étranger comme en France.
C’est tout d’abord de géologie régionale et de géologie générale qu’il s’est occupé avec succès. Pendant son séjour à Moulins, il a étudié la pétrographie et la géologie des terrains cristallins du Nord du Plateau Central et il a commencé sa longue collaboration à ce Service de la Carte géologique de la France qu’il devait plus tard être appelé à diriger. Au cours de ses nombreux voyages, il a de même dressé les cartes géologiques et étudié la structure de diverses contrées : les grandes Îles de la mer Égée, le district minier du Transvaal, la région centrale des Balkans et de la Dobroudja.
Dans ses nombreux mémoires de géologie générale. M. de Launay montrait un goût très vif pour les problèmes généraux qui intéressent toute cette science. Cette disposition d’esprit l’a naturellement conduit à écrire un ouvrage de philosophie scientifique, La Science géologique, publié en 1905 et dont un résumé, sous le titre L’Histoire de la Terre, a paru en 1907.
Mais la partie essentielle de l’œuvre scientifique de M. de Launay est constituée par ses travaux sur les gîtes minéraux et métallifères et sur les sources thermominérales. Dans ce domaine, comme disait en 1912 Pierre Termier, « M. de Launay est devenu rapidement un Maître … C’est à lui, plus qu’à tout autre géologue, que la connaissance des gîtes minéraux et métallifères, chaos encore il y a vingt ans, doit de s’être peu à peu transformée en une science ordonnée ».
De Launay a signalé notamment des gîtes métalliques où les minéraux forment des amas tout près des endroits où se sont effectuées les réactions chimiques qui leur ont donné naissance. Dans d’autres types de gîtes métallifères, ces minéraux ont été transportés, à de grandes distances parfois, par les eaux thermales souterraines ou bien ont été déposés par des fumerolles volcaniques, formant alors des dépôts dans les cavités ou les fentes des roches traversées qu’ils obstruent peu à peu. Dans les deux cas, l’érosion vient ensuite plus ou moins profondément les mettre à nu et les altérer aussi. Mais les fentes de l’écorce se rattachent elles-mêmes à des venues éruptives plus ou moins lointaines, et les gîtes inclus dans les sédiments sont eux-mêmes dérivés de roches éruptives ou de roches cristallines. De Launay a appuyé par des arguments solides cette subordination aux roches éruptives de tous les groupes métallifères. Comme la venue des roches éruptives est certainement liée aux mouvements de l’écorce, il explique ainsi qu’il y a des provinces métallogéniques comme il y a des provinces pétrographiques. D’après l’âge d’une chaîne, et la façon dont elle a été rongée par l’érosion, on peut prévoir les types de gisements qu’elle est susceptible de renfermer.
L’activité de M. de Launay ne s’est pas limitée au domaine de la science pure. Ses recherches sur les gisements miniers ont été le point de départ de ses études sur l’argent et l’or dans le monde. Il s’est adressé au grand public et il a publié des œuvres purement littéraires. Il ne m’appartient pas d’en parler, mais parmi ces ouvrages que tout le monde peut lire, je veux en citer un que tous les hommes de science doivent lire. Louis de Launay, avec sa culture étendue, sa curiosité de toutes choses, devait être particulièrement séduit par ce génie universel qu’était André-Marie Ampère. L’ouvrage qu’il a intitulé : Le Grand Ampère, d’après des documents inédits, d’une lecture si attachante, fait revivre ce grand homme dont l ’œuvre immense et l’existence tourmentée ont été si étroitement liées l’une à l’autre. D’autre part M. de Launay a apporté tous ses soins à la publication de la correspondance du grand savant…
Il avait épousé la fille du célèbre physicien Alfred Cornu. Il se plaisait surtout dans sa famille et dans le cercle d’amis qu’il s’était choisis. Il avait eu le grand malheur de perdre pendant la guerre un fils tué à 19 ans, sous-lieutenant observateur d’escadrille. Plus tard ses filles lui donnèrent de nombreux petits-enfants qui ramenèrent la joie à son foyer. »