La Physiologie a fait de grandes pertes en ces dernières années : Helmholtz, Ludwig, Du Bois-Reymond ont l’un après l’autre, disparu ; le 13 octobre dernier, Rudolf Heidenhain succombait à Breslau des suites d’une affection intestinale qui l’avait, depuis quelque temps, éloigné de sa chaire et de son laboratoire.
Heidenhain est né à Marienwerder le 29 janvier 1834 ; il appartenait à une famille de médecins. Il fit ses études de médecine à Berlin, Künigsberg et Halle ; à Berlin, il suivit les cours de Du Bois-Reymond, à Halle ceux de Volkmann. Il fut reçu docteur à Berlin en 1854, et nommé, en 1859, professeur de Physiologie et d’Histologie à l’Université de Breslau, poste qu’il n’a jamais quitté depuis.
Ses premiers travaux, ainsi que ceux de ses élèves, sont contenus dans les Studen des physiologichen Institutes zu Breslau, qui parurent, en 4 volumes, de 1861 à 1868. Auparavant, il avait cependant publié quelques mémoires dans les Mullers Archiv (1856 à 1859). En 1864, il publia un livre (Mechanische Leistung, Wärme-Entwicklung and Stoffumsatz bei der Muskelthatigkeit), dédié à son maître Du Bois-Reymond, où il décrit les phénomènes qui se passent dans le muscle durant la contraction volontaire et tétanique.
Mais c’est dans le célèbre recueil Pflugers Archiv für die gesammte Physiologie qu’on trouvera, à partir de 1869, les principaux travaux qui ont fait la réputation d’Heidenhain. C’est là qu’il a publié ses mémoires sur l’influence du système nerveux sur la température ; le métabolisme dans le muscle ; l’arythmie du cœur ; l’action des poisons (atropine, noix de Galabar, nicootine, digitaline) sur les nerfs de la glande submaxillaire ; la sécrétion de l’urine (avec Neisser) ; la structure du pancréas (où il montrait les modifications des cellules qui accompagnent la sécrétion) ; l’action de l’excitation des nerfs sensitifs sur la pression du sang (avec Grutzner) ; l’innervation des vaisseaux sanguins ; puis, plus tard, ses expériences sur les nerfs trophiques et sécréteurs, la formation de la pepsine dans les glandes pyloriques, et sa méthode pour isoler l’extrémité cardiaque de l’estomac dans le but d’en recueillir la sécrétion.
En 1883, Heidenhain publia, dans le Handbuch der Physiologie d’Hermann, son ouvrage classique sur la physiologie des phénomènes de la sécrétion. Cet ouvrage a révolutionné nos idées sur la matière. En effet, Heidenhain, étudiant à la fois le côté physiologique et le côté histologique de la question, y a mis, pour la première fois, clairement en lumière ce fait fondamental que toute sécrétion glandulaire s’accompagne d’une modification dans la structure des glandes.
Heidenhain s’était aussi occupé du magnétisme animal, et il avait publié, en 1880, un livre sur ce sujet, qui fut plus tard traduit en anglais par Romanes.
Dans ces dernières années, Heidenhain a fait porter ses recherches sur la formation de la lymphe ; il attribuait une grande importance à la paroi capillaire des vaisseaux comme organe sécréteur. Quoique ses théories sur ce sujet soient loin d’être universellement admises, les recherches d’Heidenhain ont eu le grand mérite de donner une impulsion considérable à l’étude de la question, et nous leur sommes redevables d’un grand nombre de connaissances nouvelles sur ce point.
Avec quelques mémoires parus récemment sur l’absorption intestinale et sur la structure des villosités, s’arrête l’activité personnelle du grand physiologiste ; mais ce n’est là qu’une partie de son œuvre : du laboratoire de Breslau sont sortis de nombreux travaux inspirés par lui, et surtout de nombreux élèves qui ont porté au loin son esprit et sa méthode. Cette méthode consistait à considérer, dans toute question, non seulement le côté physiologique pur, mais aussi le côté histologique et le côté chimique. C’est ainsi qu’il a tant contribué au développement de la Physiologie [1].
A, D.