Adolphe Chatin est né, en 1813, près de Tullins (Isère). Après des études primaires fort insuffisantes chez les maîtres d’école de la localité et quelques leçons de latin données par le curé, il entra chez le pharmacien Lombard, à Saint-Marcellin. Celui-ci, frappé des remarquables aptitudes de son jeune élève et de son étonnante ardeur au travail, l’adressa, en 1833, à son confrère Briant, à Paris, qui l’accueillit d’une façon toute familiale. M. Briant sut vite reconnaître les qualités de son hôte, et lui prodigua ses encouragements, lui conseillant d’achever ses études scientifiques et littéraires, puis de passer ses examens d’enseignement supérieur.
Jamais conseils ne furent mieux suivis, car en moins de huit années, le jeune Chatin passait les examens ou les concours suivants, toujours reçu avec les meilleures notes : Baccalauréat ès lettres, Baccalauréat ès sciences complet, Licence ès sciences, Internat des hôpitaux, Doctorat ès sciences, Thèse de pharmacie, Agrégation de pharmacie ; enfin, en 1841, il était nommé, au concours, Pharmacien en chef de l’hôpital Beaujon et, la même année, il était chargé, comme remplaçant, de l’enseignement de la Botanique à l’École de Pharmacie ; en 1844, il était reçu Docteur en médecine.
En 1848, les deux chaires de botanique de l’École de Pharmacie, laissées vacantes par Guiart et Clarion, sont réunies en une seule, et M. Chatin est nommé professeur titulaire. En dehors du cours de botanique, de 1845 à 1847, il avait enseigné, en outre, l’anatomie comparée, l’anthropologie et la zoologie générale. En 1848, il fit aussi à la même École des cours populaires pour les ouvriers sur la cosmographie, la géologie et la métallurgie.
En 1873, M. Chatin était nommé directeur de l’École de Pharmacie et il prit sa retraite en 1886, avec le titre de directeur honoraire. Il avait été élu, en 1874, membre de l’Académie des Sciences, en remplacement de Claude Gay ; en 1897, il était président de l’Académie. M. Chatin avait aussi été élu membre de l’Académie de Médecine, membre de la Société Nationale d’Agriculture, et il faisait partie du Comité des travaux historiques au Ministère de l’Instruction publique.
Grâce à son tempérament robuste, M. Chatin avait gardé, même à un âge avancé, une santé peu commune et une vigueur remarquable.
En septembre 1898, cependant, la maladie commença à atteindre cette constitution vigoureuse. Il dut rester dans sa propriété des Essarts-le-Roi, où, sans souffrance, il vécut en s’affaiblissant peu à peu, entouré des soins de sa famille. C’est pendant ce long et dernier séjour à la campagne, qu’il eut encore le bonheur d’apprendre la nomination à l’Institut de son fils, M. Joannès Chatin, professeur à la Sorbonne. Enfin, le 13 janvier 1901, M. Chatin s’éteignait doucement dans les bras de ce fils qu’il aimait tant et dont les succès ont été la meilleure joie de son existence.
L’œuvre d’Adolphe Chatin est beaucoup trop considérable pour qu’il soit possible de la résumer ici. On peut dire que M. Chatin a traité de toutes les parties de la science des végétaux, sans parler de ses travaux de chimie, d’agriculture ou de physiologie animale. Anatomie, morphologie externe, physiologie, classification, géographie botanique, organogénie, autant de branches de la botanique dans lesquelles doivent être rangés les travaux du savant qui vient de disparaître.
En dehors de nombreuses questions relativement limitées, que le professeur de l’École de Pharmacie a exposées avec détail et d’une manière aussi complète que possible, la caractéristique de l’œuvre de Chatin est surtout l’éclosion d’idées originales. Il a eu le grand mérite d’ouvrir dans la science des voies nouvelles qui ont été suivies avec fruit par ceux qui ont marché sur ses pas.
Dans ses longues études sur l’anatomie des groupes, M. Chatin a fait ressortir les phénomènes d’adaptation où se trouve en germe cette partie de la science qu’on nomme aujourd’hui la Morphologie expérimentale. On peut en dire autant de ses Mémoires sur les plantes parasites qui sont parmi les plus importants il citer. Les travaux sur la constitution de l’étamine ont aussi provoqué des recherches nombreuses. Enfin, M. Chatin a été un précurseur dans l’application de l’anatomie à la classification des plantes.
En somme, on peut dire qu’on ne saurait établir la bibliographie d’un sujet quelconque de Botanique, ayant une certaine importance, sans avoir à citer un ou plusieurs travaux de M. Adolphe Chatin.
Gaston Bonnier, membre de l’Institut.