Lockhart Clarke (Jacob-Augustus), mort le 25 janvier dernier, à l’âge de soixante-quatre ans, est un de ces hommes qui pourraient appliquer à leurs travaux le vers d’Horace :
Exegi monumentum aere perennius
Né en 1817, il était encore enfant lorsque son père mourut, et sa mère, restée avec sept enfants, vint en France pour les y faire instruire. Rentré en Angleterre avec sa mère en 1830, Lockhart Clarke n’avait montré jusqu’alors aucune disposiition pour le travai !. Comme beaucoup d’hommes devenus éminents avec l’âge ; il ne présentait dans sa jeunesse aucune aptitude particulière, et sa famille le considérait même, paraît-il, comme un paresseux (lazy). Mais bientôt il se révéla en quelque sorte, et, comme son grand-père et son frère aîné, choisit la profession médicale.
Il étudia la médecine à Guy’s et Saint-Thomas’s Hospitals, et ayant obtenu le titre de licencié de la Société des apothicaires, il alla s’installer en province. Il réussit très bien dans la pratique, mais en même temps se développa chez lui le goût des recherches scientifiques, et il partagea son temps entre sa clientèle et ses études, interrompues constamment par les nécessités de sa profession. Après avoir consacré plusieurs années à ses travaux scientifiques, évidemment avec la pensée de les terminer dans d’autres conditions, il revint à Londres et recommença ses études à Saint-Georqes’s Hospital ; il devint alors membre du Collège des chirurgiens. En 1864, il reçut la médaille royale de la Société royale, en récompense de ses belles recherches sur le système nerveux ; qui avaient été principalement publiées dans les Transactions de la Société. En 1867 il fut élu membre honoraire du Collège des médecins d’Irlande, distinction aussi honorable pour ce corps savant que pour celui qui en fut l’objet.
Ses études spéciales sur le système nerveux, jointes à la grande expérience que lui avait donnée la pratique médicale, semblaient le désigner comme médecin consultant pour les maladies nerveuses ; aussi prit-il pour ce motif le diplôme de membre du Collège des médecins de Londres en 1871.. On lui offrit alors la place de médecin de l’hôpital pour l’épilepsie et la paralysie, à Regent’s Park, fonction qu’il accepta et conserva jusqu’à sa mort. Jusqu’à quel point le succès lui vint-il dâns sa « nouvelle »clientèle ? nous ne savons ; mais il est certain qu’il n’atteignit pa-s la hauteur de son mérite.
Il est difficile de rendre à la grande œuvre de toute sa vie la justice qui lui est due. Lockhart Clarke n’a laissé en effet aucun gros livre ; ses travaux sont disséminés dans maints recueils, et le texte n’en est guère lu que des seuls spécialistes ; mais il suffit de parcourir les traités sur la matière pour voir que ses recherches sur l’anatomie et la pathologie du système nerveux sont connues et estimées comme elles le méritent dans le monde entier. En France, en particulier, les professeurs Vulpian, Charcot, Jaccoud, Ball, et leurs élèves se sont plu de tout temps à reconnaitre combien la science devait à l’illustre savant anglais. Par ses savantes et laborieuses investigations, qui devinrent le point de départ des travaux d’autres médecins, par l’emploi de nouvelles méthodes de préparation et d’examen des tissus et par le soin extrême qu’il apporta dans toutes ses études, L. Clarke fit faire un pas immense à nos connaissances et jeta une vive lumière sur une des branches les plus obscures et les plus difficiles à étudier de la science médicale.
C’était un homme de mœurs simples, d’une grande noblesse et d’une grande indépendance de caractère, dépourvu de toute ambition, et malheureusement aussi de cette connaissance du monde !li nécessaire pour y faire son chemin.
Il y a dix ans, il avait été atteint d’une pleurésie grave ; il y a un an apparurent des symptômes de phtisie dont il existait des antécédents dans sa famille. Une complication chirurgicale accrut encore ses souffrances, et malgré les soins dévoués de ses amis la mort ne tarda pas à le ravir à la science.
Nous connaissons de Lockhart Clarke les travaux suivants :
- Recherches sur la structure de la moelle épinière, Phil. trans., 1850.
- Sur certaines fonctions de la moelle, id. 1853.
- Sur la substance grise de la moelle, id. 1858, p. 357.
- Sur la structure intime du cerveau, id. 1861, p. 359.
- Sur le développement de la fibre musculaire striée chez l’homme, les mammifères et les oiseaux, id. 1862, p. 513.
- Traitement des accès hystériques, the Lancet, 1851, t. 1e, p. 90.
- Manière de préparer la moelle épinière, Beale’s Arch. of med., t, IV, p. 149, 1858.
- Sur l’anatomie de la moelle, id. p. 200.
- Cas d’atrophie musculaire avec lésions de la moelle, id. t. III, p. 1.
- Sur un cas de paraplégie, t. IV, p. 269.
- Observation d’un cas d’épilepsie accompagnée de diabète, id., t. IV, p. 146.
- Structure du bulbe olfactif et de la muqueuse olfactive, Kôlliker’s Zeitschrift, 1861.
- Nature de la volonté, Psychological journ., 1862.
- Affections chirurgicales du système nerveux, Holmes’s system of surgery, vol. IV.
- Sur la pathologie du tétanos, the Lancet, 1864, t. II, p. 261. — Med. Times and Gaz, 1865,1. Il, p. 238. — Med. chir, Trans., 1866, p. 255.
- Diagnostic, pathologie et traitement de l’ataxie locomotrice progressive, Saint Georqes’s Hosp. Rep., 1866, p. 71.
- Sur l’ataxie locomotrice, Brit. med. journ. , 1869, t. II, p. 4, 121, etc.
- Paralysie spinale partielle, avec ataxie locomotrice, par Clarke et Solly, Saint Thomas’s Hosp. Rep., 1870, p. 277.
- Cas d’atrophie musculaire avec désintégration de la substance grise de la moelle et atrophie des cellules, Brit. and For. med. chir. Review, juill. 1862.
- Cas d’atrophie musculaire avec lésions de la moelle et du bulbe, Med. chir. Trans., 1867, p. 489.
- Examen de la moelle épinière dans un cas d’atrophie musculaire extrême, id. 1868, p. 250.
- Atrophie musculaire progressive avec rigidité musculaire et lésions articulaires. Examen du cerveau et de la moelle, id., 1873, p. 103.
- Lésions de la moelle dans la paralysie atrophique, Brit. and For. med. chir. Review, oct. 1863.
- Sur la paralysie musculaire pseudo-hypertrophique, Med. chir. Trans. 1874, p. 2117 (avec Gowers), etc. .
L.-H. PETIT.