Jean-Christian Poggendorff (1796-1877)

La Nature N°197 - 10 Mars 1877
Mercredi 12 janvier 2011

Une longue et bien utile carrière scientifique vient d’arriver à son terme : Jean-Christian Poggendorff est mort à Berlin le 24 janvier 1877, à l’âge de 80 ans. Peu de noms étaient aussi populaires que le sien, et à si juste titre, parmi ceux qui de près ou de loin s’intéressent aux études physiques.

Cet illustre savant naquit à Hambourg, le 29 décembre 1796. Il perdit ses parents lorsqu’il était encore jeune ; il dut donc trouver en lui seul les ressources nécessaires pour se créer une position, et l’énergie ne lui fît jamais défaut pour cela. Ses goûts pour la chimie se firent jour de bonne heure, et il entra à l’âge de 16 ans dans une pharmacie, dans laquelle il demeura pendant 8 années, travaillant activement à développer ses connaissances scientifiques. En 1820, il fut immatriculé dans cette université de Berlin, dont il devait être plus tard une des illustrations. Une fois établi dans ce grand centre intellectuel, son activité scientifique prit tout son essor, et il fut bientôt uni par de précieux liens d’amitié qui ne se relâchèrent pas, à Mitscherlich, à A. de Humboldt, aux Rose et à d’autres savants éminents. En 1854, il fut reçu docteur en philosophie par l’université de Berlin, dans laquelle il devint, cette même année-là, professeur extraordinaire, place qu’il a occupée jusqu’à la fin de sa vie. L’Académie des sciences de Berlin l’admit au nombre de ses membres en 1839.

Le premier mémoire de Poggendorff date de 1821, et parut dans le journal Isis, sous le titre : « Recherches physico-chimiques pour une ample connaissance du magnétisme et de la pile voltaïque, » notre auteur y décrivait, entre autres, l’invention du multiplicateur ou galvanomètre qu’il a faite à peu près en même temps que Schweigger.

Après des travaux chimiques, il débutait dans ses recherches originales par l’étude d’une question de physique ; du reste, ses travaux subséquents appartiennent presque exclusivement à cette dernière science, et se rapportent surtout à l’électricité et au magnétisme. En 1827, il décrivit un instrument de son invention, pour la mesure des variations de l’aiguille aimantée, le même que Gauss appliqua plus tard à ses mémorables recherches sur le magnétisme terrestre, sous le nom de magnétomètre. Nous n’en finirions pas si nous voulions énumérer toutes les inventions qu’il a appliquées aux différents appareils de recherches électriques, et les améliorations qu’il a apportées aux méthodes de mesure employées dans cette branche de la science.

Poggendorff a introduit dans un grand nombre d’autres questions de physique les lumières d’un esprit très ingénieux, très précis et très critique ; aussi, quoique ses découvertes ne soient point pour la plupart très capitales. il n’en a pas moins exercé une réelle influence sur les progrès de la branche de la science à laquelle il s’est plus spécialement consacré. Ses efforts ont surtout porté sur l’étude des forces électromotrices, sur la galvanométrie, sur la théorie de la pile, sur les appareils d’induction, et en dernier lieu sur les machines électriques à influence.

En 1824, Poggendorff conçut le projet de publier une revue périodique de physique et de chimie plus complète que ne l’avait été ce qui existait jusqu’alors en Allemagne ; le nouveau journal devait être un répertoire complet de tout ce qui paraissait d’un peu important dans ces deux sciences, non seulement en Allemagne, mais autant que possible aussi dans les autres pays ; ce but, les Annales de Gilbert ne le remplissaient que très imparfaitement. Poggendorff avait déjà rallié à son projet un certain nombre de ses collègues de Berlin et de l’étranger, lorsque survint la mort inattendue de Gilbert ; il négocia alors immédiatement avec les éditeurs des Gilbert’s Annalen, et il fut décidé qu’il se chargerait de leur publication en leur donnant l’extension projetée. Alors commença une publication qu’il a poursuivie sans relâche depuis cette époque, qui n’a pas tardé à occuper le premier rang dans ce genre, et qui était connue mieux encore sous le nom de son rédacteur et avec la dénomination d’Annales de Poggendorff. La tâche qu’il s’était imposée alors, il lui a été donné de la poursuivre pendant 53 ans, et jusqu’à la fin de ses jours avec un plein succès, toujours accompagné de l’estime et de la sympathie de ses nombreux collaborateurs.

Dans ces 55 années, Poggendorff a publié 139 volumes ordinaires, plus 7 demi-volumes supplémentaires. On se représente la somme énorme de travail qui a été nécessaire pour recueillir, contrôler, trier tous ces matériaux. Il a accompli cette tâche avec une activité sans bornes, une grande sagacité et un esprit éminemment conciliant et impartial.

Sa grande œuvre ne finira point avec lui ; les amis dont il avait su l’entourer de son vivant, la continueront après sa mort et dans le même esprit que lui ; heureux de se charger du bel héritage qu’il leur a légué. Nous avons déjà reçu l’avis que les annales continueront à paraître sous les auspices de la Société de physique de Berlin, avec le concours de M. Helmholtz et avec M. le professeur Wiedemann de Leipzig comme rédacteur en chef. Ce nom est un gage que l’œuvre de Poggendorff ne fera que se développer toujours plus après lui, et remplir toujours mieux le but qu’il s’était proposé en groupant autant que possible en lin seul faisceau les efforts de la science allemande et étrangère.

Rappelons en terminant, que Poggendorff a publié encore avec Liebig un « dictionnaire de chimie pure et appliquée, » sa collaboration active n’a porté, il est vrai que sur le premier volume ; puis un volume « d’esquisses biographiques pour servir à l’histoire des sciences exactes ; » enfin son grand « dictionnaire biographique » contenant les renseignements essentiels sur la vie et les titres des savants de tous les temps et de tous les pays, mais surtout la liste exacte de toutes leurs publications, avec indication du journal ou de J’ouvrage dans lequel elles se trouvent [1].

[1Revue Suisse, 15 février 1877.

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