Sous le titre trop modeste d’aide-naturaliste, le Muséum d’histoire naturelle compte, à côté de ses professeurs, des savants distingués dont beaucoup, par l’importance de leurs découvertes et de leurs travaux, se sont élevés aux premiers rangs dans la science. De ce nombre était le Dr Paul Fischer, dont le Muséum a eu à regretter la perte le 29 novembre 1893.
Paul-Henri Fischer était né à Paris le 7 juillet 1835. Il fit ses études classiques et médicales à Bordeaux et, en 1859, fut reçu interne des hôpitaux de Paris.
En 1861, il entra au Muséum comme préparateur au laboratoire que dirigeait M. d’Archiac. Ses premières publications eurent trait à la conchyliologie. Dès 1856, il remplaçait M. Petit de La Saussaye comme directeur du Journal de conchyliologie, en collaboration avec M. Hippolyte Crosse ; depuis plusieurs années déjà il avait fait paraître des travaux. En 1863, il fut reçu docteur en médecine à la Faculté de Paris. Il prit part à la campagne de 1870 en qualité de chirurgien aide-major, et sa belle conduite lui valut la croix de la Légion d’honneur. Depuis 1871, il était aide-naturaliste de la chaire de paléontologie du Muséum qu’occupe encore M. Gaudry.
Les travaux du Dr Fischer sont très nombreux ; il en a publié plus de 300 sur toutes les branches de l’histoire naturelle, sur la paléontologie, sur la zoologie, et en particulier sur la conchyliologie. Mais, bien qu’il se soit fait connaître surtout par ses travaux sur les mollusques, le Dr Fischer n’était pas un de ces spécialistes qui se cantonnent dans une étude de prédilection et ne voient rien en dehors. La spécialité à laquelle il s’était attaché avait plutôt contribué à élargir encore ses vues sur l’ensemble de la science, et ses travaux de conchyliologie ont une valeur d’autant plus grande que leur auteur avait de solides connaissances sur toutes les parties de l’histoire naturelle.
Parmi ses travaux de paléontologie, on doit citer : la Paléontologie de l’Asie Mineure, en collaboration avec MM. d’Archiac et de Verneuil ; les Animaux fossiles du mont Léberon, en collaboration avec MM. Gaudry et Tournour (1873) ; la Paléontologie de l’île de Rhodes (1877).
Ses travaux sur les mollusques sont très nombreux. Parmi les plus importants, figurent l’Histoire des mollusques du Mexique et de l’Amérique centrale (1869 -1888, 3 vol., en collaboration avec M. Crosse), et l’Histoire des mollusques de Madagascar.
Son œuvre capitale, sur cette partie de la zoologie, est son Manuel de conchyliologie et de paléontologie conchyliologique (1887), qui demeurera l’un des monuments les plus importants de cette science. En commençant cet ouvrage, il s’était seulement proposé, dit-il lui-même, de donner une nouvelle édition du Manual of mollusca de S.-P. Woodward ; mais il reconnut que ce projet n’était pas réalisable, le livre du malacologiste anglais ayant vieilli et ne se trouvant plus au courant des progrès de la science. C’est donc un ouvrage entièrement nouveau qu’il a été amené à faire en conservant seulement le plan général de Woodward.
Il a eu le grand mérite, dans cet ouvrage, de se baser, pour l’établissement des genres, sur les caractères anatomiques et zoologiques, suivant en cela les préceptes de Poli et de Cuvier, trop souvent oubliés par les précédents auteurs. Les développements qu’il y a donnés à l’anatomie et à la physiologie des mollusques, à leur distribution géographique, bathymétrique et hypsométrique méritent d’être particulièrement signalés.
Ce dernier point de vue de l’étude des mollusques attirait surtout M. Fischer. Membre de la commission des dragages sous-marins, il avait pris part aux diverses campagnes du Travailleur et du Talisman au cours desquelles on fit des recherches sur les animaux marins du littoral de la France et de l’Atlantique, sur leur distribution géographique et bathymétrique [1].
Durant ces expéditions scientifiques, il eut à faire porter ses études, non seulement sur les mollusques, mais aussi sur beaucoup d’autres animaux marins, et il a pu déterminer les lois qui en règlent la répartition suivant la profondeur. Il a indiqué notamment l’énorme extension d’une faune froide caractérisée par des espèces boréales et arctiques, qui, à mesure qu’on approche des pays plus chauds s’abaisse au-dessous d’une faune superficielle très différente.
La perte de ce savant a été vivement ressentie de tous ceux qui s’en étaient approchés. Il était bien veillant pour les jeunes qui étaient assurés de trouver auprès de lui des encouragements et de conseils. C’était un esprit distingué et sa conversation était pleine de charme ; les excellentes qualité de son cœur le rendaient sympathique à tous. Nous ajoutons volontiers que son fils, M. Henri Fischer commence brillamment lui aussi la carrière scientifique.
Gustave Regelsperger