Théophraste Renaudot

Renaudot (Théophraste), né à Loudun en 1584, mort à Paris le 25 octobre 1653. Le jour de la justice s’est levé depuis longtemps pour cet homme extraordinaire, l’ingénieux, le courageux inventeur de la Gazette de France, le fondateur du Bureau d’adresses, du Mont-de-Piété et des consultations charitables. la postérité, par une éclatante et colossale démonstration, a consacré tout ce qu’il y avait de fécond et d’utile dans les conceptions du médecin de Loudun, et elle a assez vengé ce dernier des outrages qu’il a subis pendant sa vie, des difficultés sans nombre qu’il a dû vaincre pas à pas, et de l’opposition qu’il a trouvée dans le sein du premier corps médical du royaume. Rien n’a rebuté Renaudot : procès, calomnies, plaisanteries, tracasseries de toutes sortes, condamnations. Le Gazettier, comme on l’appelait, le trafiqueur, l’usurier, le charlatan, courtier d’annonces et d’amour, a tout supporté avec un courage inébranlable, soutenu pendant vingt-cinq ans par l’idée qu’il faisait une vaillante chose ; et, en dépit de ses ennemis, l’œuvre a grandi … grandi au point de faire de la presse périodique la maîtresse du monde.

Il nous est impossible, dans ce Dictionnaire, de détailler par le menu la vie de Théophraste Renaudot, encore moins de faire l’histoire de ses nombreuses inventions ou de les apprécier. Tout ce que nous pouvons faire, c’est d’indiquer brièvement les principales étapes de cette existence menée à fond de train.

1584-1612. Théophraste Renaudot naît à Loudun, « Il prend, dit-il, ses degrés en médecine à dix-neuf ans, » sans indiquer dans quelle Faculté. Il voyage en France et à l’étranger, « pour y recueillir ce que l’on trouve de meilleur en la pratique. » Il revient à Loudun, y exerce sa profession, publie quelques livres et s’occupe aussi de l’éducation des enfants par une nouvelle méthode qu’il communique au père Condren, général de l’Oratoire.

14 octobre 1612. Renmaudot reçoit un brevet royal qui lui donne le privilège exclusif « de faire tenir bureaux et registres d’adresses de toutes les commodités réciproques des sujets du roi ». Muni de cette pièce, il se rend à Paris.

1613. Brevet de médecin du roi.

2 février 1618. Brevet de commissaire général des pauvres.

30 mars 1628. Brevet de maître et intendant des bureaux d’adresses. Renaudot va s’installer dans la rue de la calandre, en pleine cité, dans une maison portant pour enseigne le Grand-Coq. On conviendra que cette enseigne était bien trouvée.

1630. Renaudot publie son Inventaire des adresses du bureau de rencontre, in-4° (le privilège est du 8 juin 1629). Curieux programme dans lequel l’inventeur explique le mécanisme de son bureau, les avantages immenses qu’en retirera la société parisienne, et surtout les pauvres que l’abandon jette dans la misère, le vice, le crime. Il doit remplacer les avis et annonces placardés dans les carrefours de Paris. C’est l’équivalent de nos annonces dans les journaux à une époque où le journal n’existait pas encore. Quinze ou vingt ans après Renaudot, un autre homme de progrès, doublé cette fois du charlatan, devait remplacer le bureau d’adresses par un Dictionnaire des adresses de Paris, un véritable Bottin en raccourci. De Blégny devint le continuateur du médecin de Loudun.

30 mai 1631. De l’établissement du bureau d’adresses à la publication régulière et périodique d’une feuille imprimée dans laquelle les nouvelles les plus importantes seraient répandues dans le public, il n’y avait qu’un pas. Renaudot le franchit bientôt par l’invention de la Gazette, c’est-à-dire du premier de nos journaux, gazette encouragée par Richelieu qui y voyait un puissant moyen de gouvernement, et qui ne dédaignait pas d’y adresser des articles entiers.

Mais Renaudot comprit de suite que, pour le faire réussir, il devait abriter son bureau d’adresses sous l’aile du génie de la charité. « Le fondement et première institution du Bureau d’adresses, écrit-il, a été le soulagement des pauvres, tant malades que valides et mendiants. » Ses consultations charitables ont été, en effet, l’axe autour duquel ont pivoté ses autres invention, le bureau de rencontre, les prêts à gages, et le reste. C’est en leur nom que, dès le 3 février 1618, il avait été nommé par le roi commissaire général des pauvres. C’est encore en leur nom que des lettres patentes (2 septembre 1640) accordent « à tous ceux qui auraient quelque invention ou moyen servant au bien et soulagement des pauvres, mesmement quelque remède tiré des végétaux, animaux et minéraux », le pouvoir de les préparer sur les fourneaux mêmes du gazettier, La boutique de la rue de la Calandre devint un centre où affluèrent les médecins provinciaux pour faire parler d’eux, les apothicaires pour vendre leurs drogues, et les chirurgiens pour exécuter les opérations manuelles. Le succès de ces consultations fut prodigieux, et le gazettier déclare, non sans orgueil, « qu’il accourt tant de malades en son logis, que toutes les avenues sont occupées, et que plus de vingt mille personnes ont reçu soulagement. » La boutique de la rue de la Calandre devint même trop petite, et Renaudot avait caressé, dès l’année 1640, le projet de faire bâtir, sur un point du rempart qu’on aurait abattu et qui se trouvait entre la Porte Saint-Antoine et les religieuses du Calvaire, un vaste Hôtel orné d’un jardin médicinal.

16538-1642. Première phase des poursuites de la Faculté de médecine de Paris contre Renaudot, poursuites implacables, agrémentées d’une quantité de pamphlets, de chansons, contre le hardi novateur. René Moreau, Delavigne, Riolan, Guy Patin aiguisent tour à tour leur plume trempée dans le fiel. Mais Richelieu est là qui couvre de sa protection son favori, et les docteurs de Paris ne parviennent pas à ébranler le colosse qui menace leur autorité.

4 décembre 1642, Mort de Richelieu. Oh ! alors, débarrassée de son plus grand obstacle, la Faculté de médecine reprend courage. Elle recommence sa campagne contre le gazettier. Sa haine furibonde rejaillit sur les deux fils du malheureux, lesquels, en plein exercice de leurs cours pour parvenir à la licence, sont forcés de déclarer devant notaires qu’ils répudient toutes les inventions de leur père. La conscience se révolte contre un tel attentat à la morale ; mais rue de la Bucherie tout était bon pourvu qu’on parvint à l’anéantissement de l’ennemi. Renaudot finit par succomber, mais il fallut deux condamnations, une au châtelet, l’autre au Parlement (1er mars 1644) pour lui faire déposer les armes.

Il mourut le 25 octobre 1653. Voici en quels termes la Gazette annonce la fin de son fondateur :

« Le 25 du mois passé (octobre 1653) mourut, au quinzième mois de sa maladie, en sa soixante-dixième année, Théophraste Renaudot, conseiller médecin du roy, historiographe de sa majesté ; d’autant plus recommandable à la postérité, que comme elle apprendra de lui les noms des grands hommes qu’il a employés en cette histoire journalière, on n’y doit pas taire le sien. D’ailleurs assez célèbre par son grand sçavoir et la capacité qu’il a fait paraître durant cinquante ans en l’exercice de la médecine, et par les autres belles productions de son esprit, si innocentes, que les ayant toutes destinées à l’autorité publique, il s’est toujours contenté d’en recueillir la gloire » (Gazette, n° 135).

Un registre de la paroisse Saint-Germain-de-l’Auxerrois marquait aussi cette mort en ces termes :

« Du dimanche 26 octobre 1653, convoy de trente Prestres de deffunct noble homme maistre Théophraste Renaudot, vivant conseiller et médecin ordinaire du Roy, historiographe de Sa Majesté, intendant général des bureaux d’adresses de France, pris aux galleries du Louvre. »

Théophraste Renaudot avait été marié deux fois, d’abord à Marthe de Moustier, puis à Louise de Mâcon, le 26 octobre 1652. Cette dernière union, contractée à près de soixante-dix-ans, semble avoir été la triste ressource d’une âme profondément endolorie par des malheurs de famille.

Outre un petit Traité touchant le droit des pauvres (1623), une Oraison funèbre de Scévole de Sainte-llfarthe (1634), un Abrégé de la vie et de la mort du prince de Condé (1646) une Vie du maréchal de Gassion (1647), une Vie de Michel Mazarin, cardinal de Sainte-Cécile (1648), le gazettier a encore lancé en pâture à la curiosité publique les factums suivants dirigés contre la Faculté de médecine de Paris. Ils sont fort rares :

I. Factum de l’instance de Théophraste Renaudot … contre le doyen et docteurs de l’École de médecine de-Paris … (s. 1. n. d.), in-4°. — II. Autre Factum semblable (s 1. n. d.), in-4° — III. Les consultations charitables pour les malades. Paris, 1640, in-4°. — IV. Réponse de Théophraste Renaudot .. au libelle, fait contre les consultations charitables … Paris,1641, in-4°. — V. Remarques sur l’avertissement à M. Théophraste Renaudot, portées à son auteur par Maschurat, compagnon imprimeur. Paris, 1641, in-4°. — VI. Le grand Merci de Maschurat, compagnon d’imprimerie, à l’auteur de l’avertissement à M. Renaudot (s. 1. n. d.), in-4°. — VII. Requête présentée à la reine par Théophraste Renaudot, en faveur des pauvres malades de ce royaume (s. 1. n. d.), in-4°. — VIII. Réponse à « l’Examen de la requête présentée à la reine » par M. Théophraste Renaudot, portée à son auteur par Maschurat, compagnon imprimeur. Paris, 1644, in-4°.

Extrait du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales.

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