Violette odorante

A. Truelle - Supplément à La Nature N° 2713 - 3 avril 1926
Dimanche 15 février 2009 — Dernier ajout dimanche 17 mars 2024

A. Truelle - Supplément à La Nature N° 2713 - 3 avril 1926

Le groupe des violettes a pour seul représentant officinal, mais non thérapeutique, la Violette odorante ( Viola odorata L.) Famille des Violariées, appelée parfois Fleur de Mars, Violette de Mars, Violette cultivée. On lui mélange très souvent la Violette bleue d’Auvergne et la Violette des Cévennes ( Viola sudetica) ; la Violette ou mieux la Pensée des Alpes ( Viola calcarata), ainsi que la Violette à grande fleur ( Viola grandiflora). On lui substitue même parfois la Violette inodore ou Violette des chiens ( Viola canina) dont l’action, d’ailleurs, est peu différente.

Habitat. — Elle est assez répandue, en France, dans les bois, les haies et les lieux ombragés.

Description sommaire. — Petite plante herbacée à rhizome rampant, noueux, produisant des stolons traçants, très allongés. Feuilles radicales ovales, un peu cordiformes, celles des stolons réniformes. Fleurs (mars à mai), violettes ou bleu pourpre, rarement blanches, très odorantes, solitaires à l’extrémité de pédoncules axillaires ou radicaux. Fruit (capsule) globuleux, uniloculaire, polysperme. Graines turbinées et blanchâtres.

Culture. — Elle réussit à peu près dans tous les sols, excepté dans ceux qui sont trop secs ou trop humides, argileux, calcaires ou légers en excès. Elle prospère surtout dans un terrain bien ameubli, profond, frais, riche en humus et dans une situation à demi ombragée. Un terrain contenant de l’oxyde de fer avive la couleur des fleurs et des feuilles. La violette est très cultivée en Provence comme plante à parfum aux côtés de la violette de Parme ou violette double ; elle l’est aussi aux environs de Toulouse pour le bouquet et la confiserie.

Multiplication. — On l’effectue de trois manières différentes : a) par les graines ; b) par les stolons ou coulants ; c) par la séparation des, touffes, mais comme les deux derniers sont à peu près les seuls employés, je ne parlerai que d’eux. Le terrain doit être préparé quelques mois à l’avance par un défoncement estimé par certains à o m. 30 à o m. 40 et, par d’autres, entre o m. 60 à o m. 7o, convenablement fumé par des engrais à décomposition lente comme le fumier de ferme : on donne une dernière façon un peu avant la plantation.

Par stolons et par séparation des touffes. — Les stolons séparés du pied mère sont mis en pépinière en septembre-octobre pour les planter en mars-avril, ou bien, mais plus rarement, on leur réserve un carré ou une planche inclinée au sud, à une bonne exposition. Subordonné à .la région, le moment de la plantation varie depuis l’automne jusqu’au printemps. L’espacement entre les pieds est également variable, tantôt en lignes distantes de o m. 50, tantôt de o m. 40 à o m. 50 dans tous les sens. L’intervalle dans la ligne mesure o m. 25 à o m. 30 ; les planches possèdent habituellement 2 m. de largeur et sont séparées par de petits ados. On met souvent plusieurs pieds dans le même trou.

Soins culturaux. — lls consistent, comme dans presque toutes les plantations, en arrosages pour faciliter, d’une part, la reprise et, d’autre part, le prompt développement de la plante, puis en binages, sarclages et fumures. A l’égard de celles-ci, MM. A. Rolet et Bouret conseillent de répandre après la plantation 15 à 20 gr. de nitrate de soude par mètre carré. A l’automne suivant, si la végétation est languissante, si les plantes sont éprouvées par les maladies et les insectes, on répand encore la même dose de cet engrais. Enfin, en novembre, avant l’arrosage, on sème entre les lignes 15 à 20 gr. de nitrate ou de sulfate d’ammoniaque, 50 à 6o gr. de superphosphate et 15 à 20 gr. de sulfate de potassium. Dans le Jardin familial, où l’on ne tient pas autant à la production hivernale des fleurs, on peut se contenter de la première fumure et d’arroser les touffes avec de l’engrais humain mélangé d’eau dans la proportion de 2/3 de celle-ci avec un tiers d’engrais.

Rendement. — Sur le littoral de la Méditerranée, M. Sauvaigo a observé qu’un pied n’est en plein rapport qu’à la deuxième année de sa plantation, et qu’un mètre carré de violettes peut donner, en môyenne, 300 à 400 gr. de fleurs la troisième année. D’après lui, on refait les plantations tous les 4 ans, d’autres reculent à 5 ans ; maïs, s’il s’agit de fournir en même temps des fleurs d’hiver pour la bouqueterie, en terrain frais ou arrosable, on a intérêt à créer de nouvelles cultures tous les deux ans (A. R. et D. B.).

Récolte. — Elle se fait, par temps sec, pendant toute la durée de la floraison de mars à mai. On a soin de ne cueillir que les violettes à peine épanouies mais sans leur pédoncule ; c’est ainsi qu’on doit opérer dans le Jardin familial et non pas avec leur queue comme on a tendance à le faire. Toutefois, lorsque les fleurs sont abondantes, on a conseillé, dans les Hautes-Alpes, pour aller plus vite, de se servir d’un instrument à la portée de tous, d’un grand peigne ou démêloir qui permet de ramasser une certaine quantité de fleurs à la fois. Comme cet instrument doit ramasser en même temps des débris de feuille, on peut se demander si leur enlèvement, qui est obligatoire, ne fait pas perdre le temps gagné sur la cueillette à la main. Dans certaines régions on récolte aussi, mais en bien moindre quantité, les feuilles au moment de la floraison et les racines à l’automne.

Séchage et conservation. — Il faut sécher les fleurs le plus tôt possible en les étalant en couches minces sur du papier ou sur des toiles dans un grenier ou hangar très aéré, ou de préférence dans une étuve quand la récolte est abondante ; il ne faut pas les remuer. D’aucuns ont conseillé la dessiccation au soleil en prenant la précaution de recouvrir les fleurs avec un papier, afin de ne point altérer leur couleur et leur parfum. Aussitôt le séchage terminé, ce qui demande une semaine environ, on met en sacs, ou mieux dans de grands bocaux bien bouchés, les fleurs encore tièdes, et on les garde dans un local sec, sain, à l’abri de la lumière qui, en les décolorant, leur enlèverait une partie de leur valeur marchande.

Composition chimique. — Les fleurs de violette contiennent de la violine dont les propriétés se rapprochent beaucoup de celles de l’émétine et lui out valu le nom d’émétine indigène ; en outre, des traces d’acide salicylique, un glucoside (viola quercitine), une huile essentielle, deux acides, une matière colorante qui rougit par les acides et verdit par les alcalis.

Propriétés thérapeutiques. — Si les Modernes ont fait de la violette « l’emblème de la modestie », il n’en est pas de même chez les Anciens qui, entre autres « vertus », lui reconnaissaient celle de dissiper l’ivresse ; aussi, comme l’a rappelé le D’ H. Leclerc, dans son « Etude sur la Violette » (Courrier médical, 1920), les Anciens avaient-ils l’habitude de s’en ceindre le front dans les festins. L’Ecole de Salerne la considérait comme le remède (prou pudor !) le plus efficace de la migraine a crapula. De nos jours les fleurs constituent encore un remède populaire pour leurs propriétés sudorifiques, béchiques et expectorantes ; elles font partie des fleurs pectorales du Codex. Les feuilles sont réputées émollientes et diurétiques, les racines purgatives et vomitives.

Préparations pharmaceutiques. — On peut employer les fleurs, les feuilles et les racines, mais les premières sont toujours, à vrai dire, les seules très fréquemment usitées toutefois les dernières ont été regardées depuis longtemps comme le meilleur succédané de l’ipécacuanha. Le Codex prescrit comme infusion 10 gr. de fleurs dans un litre d’eau bouillante pendant une demi-heure. Le savant thérapeute sus-désigné conseille, comme émétique, de faire bouillir 15 à 20 gr. de racines finement incisées dans 300 gr. d’eau jusqu’à réduction de moitié, et, comme expectorant, 4 ou 5 gr., et d’édulcorer la décoction avec 50 gr. de sirop de fleurs fraîches. Celui-ci est préparé avec ioo gr. de pétales frais de violettes mis à infuser 12 heures dans un litre d’eau bouillante dans un récipient couvert, L’infusion, après dépôt de quelques heures et décantation, est additionnée de 1800 gr. de sucre blanc qu’on fait dissoudre au bain-marie couvert. Ce sirop d’un vert foncé, quand il est bien préparé, est de goût agréable. On l’administre aux jeunes enfants par cuillerées à café. En chimie, ce sirop étendu d’eau a servi, pendant quelque temps, comme réactif des alcalis et des acides pour les raisons indiquées plus haut. En teinturerie, les fleurs de violette peuvent donner une couleur bleu-pourpre.

Observations commerciales. — La culture de la violette odorante est fortement à recommander ainsi que sa récolte à l’état sauvage, car sa consommation est très grande et dépasse la quantité recueillie en France. Le commerce français de la droguerie a importé, en 1922, 22 000 kg de fleurs. Le prix moyen des violettes d’Auvergne, tablie en juillet 1916, était de 3 à 4 francs le kilogramme. Depuis, il a beaucoup varié ; il est monté d’abord entre 6 à 7 fr., et, en 1925, l’herboristerie en gros a payé 10 à 12 fr. les fleurs des Alpes et 12 14 fr. celles d’Auvergne. Les feuilles ont valu 1 fr. 50 à 1 fr. 75 et les racines 4 fr. à 4 fr. 50 le kilogramme.

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