Safran médicinal

A. Truelle - Supplément à La Nature N° 2746 - 20 novembre 1926
Dimanche 15 février 2009 — Dernier ajout dimanche 17 avril 2011

Le Safran (Crocus sativus L.) Iridées a pour principaux synonymes Safran cultivé, Safran du Gâtinais, Safran d’automne.

Habitat. — Il est originaire de l’Asie et, peut-être, de l’Europe méridionale.

Description sommaire. — Bulbe solide, globuleux, arrondi en dessus et aplati en dessous ; enveloppes scarieuses, d’un brun rougeâtre, munies de racines fibreuses, jaunâtres. Feuilles réunies dans une gaine membraneuse partant du bulbe, dressées jusqu’au printemps et s’étalant ensuite. Fleurs (septembre-octobre) apparaissant avant les feuilles, violettes, teintées de rose ou de pourpre, 1-3, portées par une hampe très courte. Style simple terminé par trois longs stigmates d’une belle coloration safranée ou d’un rouge vif, pendant hors du tube de la fleur à cause de leur pesanteur, creusés en cornet et possédant une odeur très prononcée. Fruit (capsule) ovale, trigone, s’ouvrant en trois valves. Graines arrondies.

Culture. — En France, d’après.Heuzé, le safran était cultivé dès le XVIe siècle comme plante tinctoriale dans l’Albigeois, le Lauraguais, l’Angoumois. Ou l’a ’cultivé depuis dans les environs d’Avignon, d’Orange et de Carpentras. Aujourd’hui, il a disparu de ces régions et l’on ne trouve plus quelques cultures que dans le Gâtinais (Loiret) et dans l’Hurepoix (Dourdan, en Seine-et-Oise). Les safranières sont réparties dans l’arrondissement de Pithiviers, et cette ville est le centre commercial d’où part le safran pour les grandes villes de France, et l’exportation en Angleterre et en Allemagne. -Voici, au regard de sa culture, un résumé succinct que je tire de l’étude très complète que MM. A. Rolet et D. Bouret lui ont consacrée dans leur excellent livre Culture des plantes médicinales.

Multiplication. — Elle a lieu avec des bulbes ou oignons, mais il importe que le terrain soit spécial et bien préparé. Celui qui convient le mieux doit être de consistance moyenne, silico-calcaire ou argilo-calcaire riche, bien fumé, très propre, et, en outre, autant que possible, à une bonne exposition assez chaude en été mais non trop froide à l’automne, bien aérée et loin des arbres. La préparation du terrain consiste d’abord en un défoncement, de l’automne au début du printemps, puis en une fumure avec du fumier bien décomposé ou même avec du terreau. Une deuxième façon est donnée en mai et une troisième un peu avant la plantation que l’on fait en août-septembre, car il est nécessaire que la terre soit bien émiettée, tant pour la plantation des bulbes que pour la sortie des fleurs en automne. Le terrain est ensuite divisé en planches de 1m.50 de large.

Dans le Jardin familial, où l’on ne peut admettre qu’un petit nombre de plantes, il suffira de faire, en été, un labour à la bêche ou à la houe, que l’on complétera par un ou deux râtelages pour niveler le sol.

Choix des bulbes. — Ils doivent être sains, arrondis en dessus, aplatis en dessous. Il faut préférer, parce qu’ils sont très florifères, les bulbes globuleux, surtout ceux qui mesurent, en moyenne, 23 à 25 mm de diamètre et 36 à 40 mm de hauteur. Il est utile, avant de les planter, d’enlever la tunique externe, afin de s’assurer qu’ils ne sont pas altérés.

Plantation. — L’époque varie suivant la région. Dans le Gâtinais, on y procède dans la deuxième quinzaine de septembre. Il est avantageux de planter tôt parce que les fleurs évoluent plus sûrement avant les froids. Dans les champs on creuse à la charrue, et à la houe dans le Jardin familial, un sillon de 22 à 24 cm de large et de 15 à 18 cm de profondeur. On met au fond un peu de terreau, puis l’on y dépose les oignons sur la base du plateau en les appuyant contre une des parois du sillon. La distance observée est 15 à 20 cm entre les lignes et 4 à 6 cm sur les lignes. On comble ensuite avec la terre du sillon suivant. La quantité de bulbes employés par hectare varie beaucoup, car la grosseur et les distances adoptées diffèrent avec les pays. Au regard de la grosseur, il est bon de savoir que, dans un hectolitre, il y a, environ, 6000 gros bulbes ou 9000 moyens ou, enfin, 11000 petits. Si l’on s’en tient au Gâtinais, on compte à peu près 2 hectolitres 4 à a hect. 5 pour planter un are. On a dit aussi qu’il faut 500 000 à 1000 000 de bulbes par hectare, soit 80 à 110 hectolitres du poids de 46 à 50 kg. On estime qu’un bon ouvrier aidé d’une femme peut planter 10 à 15 ares par jour. Les soins oulturaux consistent en plusieurs binages et sarclages jusqu’à la floraison, car le succès de la plantation réside dans la grande propreté du sol. Dans un bon terrain et avec des soins appropriés, une safranière peut durer 3 à 4 ans ; toutefois, dans le Gâtinais, on l’arrache généralement à la fin de la troisième année.

Récolte des fleurs. — La cueillette des fleurs les plus hâtives débute vers le 20 septembre et celle des plus tardives s’achève vers la fin d’octobre. Dans les circonstances ordinaires, la récolte dans le Gâtinais dure environ 20 jours, elle est donc relativement courte, ce qui exige beaucoup de main-d’ceuvre. On doit cueillir les fleurs fermées et fraîches de grand matin ou le soir, mais non quand le soleil les a fanées. La récolte d’un hectare et la préparation des stigmates exigent quatre hommes et seize femmes pendant le temps que dure la floraison.

Préparation. — Les fleurs doivent être épluchées aussitôt cueillies. L’important est que les stigmates ne soient pas mélangés à des étamines ou à des débris de corolle. Une éplucheuse habile peut dans 4 à 5 heures détacher 250 gr. de stigmates, soit, en moyenne, 5o à 6o gr. par heure.

Séchage. — On laisse les stigmates se dessécher naturellement à l’ombre, puis on les met en couche mince sur un tamis de crin que l’on suspend à 5o cm et au-dessus d’un brasier modérément garni de braise sans fumerons, et couvert de cendre, afin de ne point brûler les filaments. On les remue continuellement jusqu’à ce qu’ils aient pris une belle couleur rouge et qu’ils se brisent sous la pression des doigts. On les met refroidir entre des feuilles de papier blanc et on les enferme dans des boîtes ou des petites caisses que l’on garde à l’abri de l’humidité. Le safran frais donne environ le 1/5 de son poids de safran sec. Le safran du commerce, dont la sorte la plus estimée est le safran du Gâtinais, est constitué par les stigmates desséchés ; il se présente sous la forme de longs filaments souples, d’un rouge orangé foncé. Il doit être sans mélange de pétales ni d’étamines jaunes. Son odeur est forte, pénétrante, agréable ; il colore fortement la salive en jaune.

Rendement. — On estime qu’il faut 100 000 à 140000 fleurs pour obtenir i kg de safran sec, et, d’une façon générale, que le rendement moyen d’un hectare est de 20 kg de safran sec par an.

Composition chimique. — Les stigmates de safran contiennent : huile volatile très odorante, de saveur âcre et brûlante et 65 pour 100, environ, d’une matière colorante rouge orangé, nommé crocine, polychroïte ou safranine ; une substance gommeuse et de l’albumine végétale.

Propriétés thérapeutiques. — Le safran est considéré comme excitant, stimulant général et emménagogue. Homère célébrait déjà, de son temps, les vertus de cette plante.

Préparations pharmaceutiques. — Les plus employées sont : l’infusion à r gr. ho pour 100 (2 à 3 tasses par jour) ; la teinture (2 à 5 gr.) par prises de 10 à 20 gouttes toutes les deux heures ; le sirop 20 à 60 gr. Le safran entre dans le Laudanum de Sydenham, l’élixir de Garus, le sirop de dentition de Delabarre et différentes pilules et potions emménagogues. On l’emploie dans l’art culinaire comme condiment pour assaisonner, colorer, aromatiser d’une façon particulière certains mets, tels que la bouillabaisse, la soupe aux poissons, ’etc. Différentes industries alimentaires : biscuiterie, pâtisserie, confiserie, liquoristerie et même la parfumerie pour ses eaux et émulsions, utilisent également ses propriétés colorantes.

Observations commerciales. — La culture du safran a été l’objet d’une recommandation officielle par la Feuille d’informations du Ministère de l’Agriculture, en juillet 1916 en vue d’assurer sinon complètement nos besoins, du moins de diminuer notablement les quantités que nous importons surtout de l’Espagne, puis de l’Autriche, de la Turquie et de l’Inde. Mais les frais de premier établissement ainsi que les prix de la main-d’œuvre de plus en plus élevés sont des obstacles sérieux à une reprise de cette culture qui, naguère, eut une réelle importance. Le prix du kilogramme de safran qui était tombé avant la guerre à 70 francs, par suite de la concurrence étrangère, s’est relevé depuis et doit être, aujourd’hui, plus que doublé.

Revenir en haut