Les métaux dans l’atmosphère

Alfred Ditte, la Revue Scientifique — 3 décembre 1904
Lundi 21 décembre 2009 — Dernier ajout dimanche 16 novembre 2014

Leçon d’ouverture du cours de Chimie minérale à la faculté des Sciences de Paris, le 9 novembre 1904.

L’atmosphère renferme une grande quantité de poussières qui y demeurent en suspension pendant un temps plus ou moins long ; il y en a partout, dans les villes et dans les campagnes, et si on ne les aperçoit pas habituellement, cela tient à ce que la quantité de lumière qu’elles réfléchissent à leur surface est insuffisante pour impressionner la rétine, mais quand on dirige un faisceau lumineux dans une enceinte obscure, on les distingue dans le rayon lumineux oit l’on constate leur présence en quantités innombrables.

Une surface polie abandonnée à l’air libre se recouvre de poussière en très peu de temps grâce au dépôt d’un grand nombre de parcelles solides qui s’y déposent en formant un véritable sédiment atmosphérique. Tous les corps terrestres, les métaux en particulier, peuvent, sous l’influence d’actions mécaniques, être réduits à l’état de poudre fine, susceptible d’être soulevée par le vent et mise en suspension dans l’air ; le choc des vagues contre les côtes de la mer entraîne sous la forme de poussière très ténue l’eau qu’elle contient, chargée de sels, et ces gouttelettes de très petites dimensions évaporées dans l’atmosphère laissent un faible résidu salin qui doit se retrouver dans l’air. L’imagination se représente sans peine ,et non sans un certain dégoût, les poussières qui sont retenues en particulier dans l’air des villes ; elles établissent une sorte de contact entre les individus les plus éloignés les uns des autres et c’est à ce contact qu’est due une partie de l’insalubrité qui se manifeste ordinairement dans les grandes agglomérations d’hommes. Parmi ces innombrables corpuscules, il se trouve des germes qui sont la cause des fermentations, de la putréfaction, et des altérations plus ou moins profondes du sang dans les maladies épidémiques.

Toutes ces substances solides peuvent être non seulement aperçues quand on les éclaire suffisamment, mais recueillies en vue de les étudier, et le fait ne présente aucune difficulté. On peut par exemple, comme Pasteur l’a fait le premier, aspirer l’air d’un endroit quelconque à l’aide d’un tube, mis en relation avec un aspirateur à eau, et contenant une bourre de coton poudre ; l’air passant lentement sur ce coton s’y filtre en y laissant toutes les poussières qu’il contient. Quand un volume assez considérable d’air a .passé sur cette bourre, on la dissout dans de l’éther qui retient le fulrni-coton et laisse les poussières insolubles ; celles-ci sont recueillies par décantation, lavées avec de l’éther et séchées, puis examinées au microscope.

On distingue dans le résidu des corpuscules de matières organiques ou organisées dont nous ne nous occuperons pas, et des substances minérales que nous allons examiner d’une façon particulière. Ces matières sont toujours de dimensions très faibles, on peut cependant les mesurer à l’aide d’un micromètre divisé en centièmes ou en millièmes de millimètre et on a constaté que leurs dimensions varient en général de 0,01mm à 0,001mm et au-dessous.

On peut évaluer approximativement la quantité de ces poussières en faisant passer huile il bulle, dans un tube à boules renfermant un peu d’eau pure, puis il travers un tampon de fulmi-coton, un volume déterminé d’air appelé par un aspirateur, On évapore dans le vide l’eau qui a retenu les poussières, et l’on joint à ce résidu celui qui provient de la dissolution du fulmi-coton dans l’éther ; on a trouvé ainsi à Paris, dans les conditions atmosphériques normales, un poids de 6 à 8 mg. par mètre cube d’air ; de 6 mg après une journée de pluie abondante, de 23 mg après une période de 8 jours de sécheresse ; la proportion est naturellement moins grande dans l’air de la campagne. C’est là le poids total des corps solides qui renferment à la fois les matières minérales et les matières organiques ; on élimine ces dernières il l’aide d’une calcination dans un courant d’air qui les détruit et laisse un résidu de cendres comprenant l’ensemble des poussières minérales ; ces dernières représentent de 66 à 75 % de la masse totale, les substances organiques en formant de 25 à 34 centièmes. On trouve dans les cendres des sels solubles dans l’eau, des matières dissoutes par l’acide chlorhydrique et enfin des poussières insolubles à la fois dans l’eau et dans les acides plus ou moins concentrés.

Les poussières tenues en suspension dans l’air n’y séjournent que sous l’influence de l’agitation de l’atmosphère ; les plus ténues sont celles qui se maintiennent en suspension pendant le plus long temps. On peut se demander comment des corps de cette nature, bien plus denses que l’air, peuvent y rester suspendus ? Or le calcul montre que des grains minéraux de 0,01 de diamètre tombent encore avec une vitesse assez considérable, d’environ 0,66m par seconde pour un grain de silice ; on peut envisager d’ailleurs qu’une sphère de 1 mètre de diamètre, dont la densité serait 2,5, tomberait avec une vitesse de 220 mètres par seconde, si on supposait sa chute se faisant d’un mouvement uniforme dans de l’air à la densité ordinaire ; la vitesse théorique de chute dans les mêmes conditions d’un corpuscule de dimensions d serait donc égale à \sqrt<em class="spip">220 d</em>. Mais elle est fortement ralentie par ces dimensions réduites, par l’agitation, les remous perpétuels de l’air, et cela. permet de se rendre compte du maintien en suspension des particules atmosphériques, qui malgré cela tombent peu à peu en constituant un véritable sédiment. On peut recueillir cette poussière qui tombe, en la recevant sur une feuille de papier collée tendue sur un châssis que l’on expose, par exemple pendant une nuit calme, au-dessus d’un toit isolé, situé à une hauteur de 10 à 15 mètres. On peut faire usage également d’une table à poussières d’un mètre carré de surface à peu près, intérieurement revêtue d’une feuille de papier d’étain et mobile autour d’un axe permettant de l’orienter d’ans la direction du vent. Celui-ci passant sur la surface de la table laisse constamment tomber une partie des poussières qu’il transporte, et l’on recueille le dépôt avec un pinceau plat en blaireau. La quantité de sédiment varie avec la vitesse des courants atmosphériques, avec leur état hygrométrique ; elle doit changer aussi avec les saisons et avec la nature du sol. Le poids de poussières tombé en vingt-quatre heures sur une surface de 1mètre carré varie, à Paris, entre 2 et 9 mg ; en prenant le poids de 4 mg. comme moyenne, cela correspondrait, sur une surface égale à celle du Champ de Mars (environ 500 000 mètres), à un poids d’environ 2 kilos de corpuscules en vingt-quatre heures ; la même évaluation faite au moyen d’eau dans laquelle de l’air a barboté et qu’on a évaporée ensuite, conduit à un poids de 6à 23 mg. par mètre cube d’air ; en prenant 6 comme moyenne, et en considérant une nappe d’air de 5 mètres d’épaisseur, on trouverait à peu près 15 kilos pour une couche d’air de cette hauteur ayant l’étendue du Champ de Mars, et un dépôt de plusieurs centaines de kilos pour la couche atmosphérique qui s’étend à la superficie de Paris. Au milieu des prairies, loin de toute habitation, la quantité de poussière recueillie est notablement plus faible ; il faut remarquer en outre que le sédiment ainsi déposé ne doit pas séjourner pendant longtemps à la place où il est tombé, car il peut être à nouveau soulevé par le vent, Cependant le chiffre précédent peut servir à indiquer quelle est l’importance de ce phénomène de transport aérien.

— Les monuments élevés se comportent eux-mêmes comme de véritables tables à poussières, On a pu recueillir, par exemple, des sédiments déposés à 60 m. de hauteur dans une des tours de Notre-Dame où personne n’avait pénétré depuis plusieurs années ; l’air s’engouffrant à travers les étroites ouvertures des fenêtres y avait déposé une couche de poussière grisâtre, très ténue, d’un millimètre au moins d’épaisseur dont la composition était celle des poussières aériennes, c’est-à-dire environ 32 % de matières organiques pour 62 centièmes de cendres. Celles-ci étaient constituées par 9 centièmes de matières solubles dans l’eau, 24 centièmes de substances solubles dans l’acide chlorhydrique et 34 d’un résidu essentiellement formé de silice. En prélevant la poussière accumulée par le vent dans certaines parties inhabitées de monuments élevés, on est arrivé à des résultats analogues, les dimensions de ces poussières étant toujours comprises entre 0,01 et 0,001 de millimètre et les cendres représentant environ 75 % de la matière totale recueillie.

— Un autre procédé pour arriver à la connaissance des corps solides contenus dans l’atmosphère, consiste à analyser les eaux météoriques. Elles sont toujours chargées de sédiments qu’elles ont empruntés à l’air et qu’on en extrait en les filtrant et en les évaporant. Ces eaux peuvent être avantageusement recueillies à l’aide d’un collecteur formé d’une série de plateaux de porcelaine, munis de rebords sur trois côtés seulement et disposés sur un châssis comme les tuiles d’un toit. Cet appareil, auquel on peut donner de grandes dimensions, permet de recueillir des quantités considérables de pluie qui glisse à la surface des plaques de porcelaine et se réunit dans un grand flacon où elle arrive par l’intermédiaire d’un entonnoir , La porcelaine a d’ailleurs un avantage marqué sur le verre, qui peut être attaqué à la longue par les eaux pluviales, toujours chargées d’acide carbonique et d’ammoniaque. Le poids de résidu extrait d’un litre d’eau est très variable : à l’Observatoire de Sainte-Marie-du-Mont (Manche), les sédiments recueillis par l’évaporation de plusieurs litres d’eau météorique les 1, 10 et 11 juin 1875, ont été, par litre de 23 à 75 mg ; à Paris, on en a trouvé de 23 à 172, et les plus abondants peuvent atteindre jusqu’à 421 mg. Ces résidus sont gris-noirâtre, tandis que ceux qu’on recueille à la campagne sont tout à fait blancs : ils renferment d’ailleurs toujours les mêmes proportions de substances minérales et de matières organiques.

— Le volume considérable des flocons de neige, l’enchevêtrement des cristaux dont ils sont formés, la configuration de ces petits cristaux étoilés, plumeux ou dentelés, la manière dont voltigent dans l’atmosphère ces petites masses spongieuses pendant leur chute toujours lente, les rend particulièrement propres, plus encore que les gouttes de pluie, à saisir au passage toutes les poussières qui flottent dans l’atmosphère et à recueillir tous les corps solides qui y sont suspendus ; aussi l’eau de fusion de la neige contient-elle une certaine quantité de substances solides ramassées dans l’air. C’est ainsi que, dans des premières neiges récoltées au sommet des tours de Notre-Dame en 1875, en ayant soin de ne prélever que les couches superficielles n’ayant eu aucun contact avec les objets terrestres, M. Tissandier a trouvé, dans l’eau provenant de leur fusion, un nombre considérable de corpuscules variant, pour un litre, de 50 à 118 mg, tandis qu’à la campagne un litre d’eau de neige n’en laisse, dans les mêmes circonstances, que de 48 à 104 mg. Du reste, et comme on pouvait s’y attendre, les corpuscules sont moins nombreux après une chute prolongée de neige, qu’avant, et dans ces conditions, aussi bien à Paris qu’au dehors, on n’en a trouvé que de 10 à 24 mg. Le résidu de l’évaporation de l’eau de neige se présente ordinairement avec l’aspect d’une poudre impalpable, grisâtre, renfermant environ 57 % de cendres à Paris, et 61 % en dehors des villes.

— La grêle peut, tout comme la neige, entraîner des corpuscules aériens dans Sa chute, mais moins aisément à cause du petit volume et de la densité des grêlons : on recueille, du reste, l’eau qui provient de leur fusion et on l’examine de la. même manière.

— L’analyse des cendres des poussières contenues dans l’air a permis de reconnaître dans notre atmosphère la présence d’un certain nombre de matières métalliques et en premier lieu celle du fer.

Fer. - Lorsqu’on soumet les sédiments atmosphériques recueillis par l’un ou l’au Ire des procédés que nous venons d’indiquer, à l’action d’un fort aimant, une partie des corpuscules y adhère et on peut les séparer avec un pinceau pour les examiner au microscope ou avec différents réactifs. On reconnaît alors que ces grains sont essentiellement constitués par du fer, et on constate leur présence dans les sédiments provenant des localités les plus différentes ; on est même arrivé à estimer d’une façon relative la quantité de fer contenue dans ces résidus magnétiques en se basant sur l’intensité de la coloration que détermine le sulfocyanate de potasse dans la dissolution d’une quantité donnée de ces substances.

Ces particules ferrugineuses peuvent être constituées, soit par du fer seul, soit par ce métal associé à une certaine proportion d’autres éléments, tels que le nickel et le phosphore. M. Nordenskjöld a observé de la neige tombée en 1871 à Stockholm et en quantité telle que, de mémoire d’homme, il n’était pas resté le souvenir d’une chute aussi abondante ; à la fin de la chute, il en recueillit à la surface et y trouva de petites quantités de fer métallique, mais comme il craignait que ce fer pût provenir des toits de la ville, il fit examiner par son frère de la neige tombée dans une plaine entourée de forêts et située dans l’intérieur d’une région assez déserte de la Finlande ; la poussière noire qui en fut retirée était de même nature que celle de Stockholm et l’aimant put en séparer des paillettes magnétiques, qui. triturées au mortier d’agate, furent reconnues comme formées de fer métallique et tout à fait analogues à celles trouvées à Stockholm et dans de la neige provenant d’autres localités de la Suède. De même, il recueillit sur une glace flottante du Spitzberg une poussière grise mêlée de petits grains magnétiques formés de fer métallique enveloppé d’oxyde de fer. En examinant des poussières charbonneuses recueillies en 1870, par 80° de latitude) sur de la glace et de la neige dans l’Inlandis (mer de glace intérieure du Groënland), il y a trouvé des corpuscules ferrugineux dans lesquels il a constaté la présence de nickel et de cobalt ; M. Jung a confirmé ces observations par des recherches faites sur la neige des environs de Genève et il a signalé la présence du fer dans celle tombée en 1883 à Genève, sur le Salève, et au grand Saint-Bernard, à 2490 mètres d’altitude ; à la surface des grands champs de neige qui couvrent cette haute région, il a constaté l’existence d’une poussière noirâtre, très fine, contenant des globules caractéristiques, et des fragments irréguliers attirables à l’aimant. L’évaporation de 15 litres d’eau de fusion de cette neige lui adonné un résidu formé des mêmes particules qui, traitées par de l’acide chlorhydrique, ont fourni une solution offrant la réaction très forte du fer ; le faible poids de substance recueillie, ne lui a permis d’y déceler qu’avec une netteté insuffisante, la présence du nickel ou du cobalt. M. Nordenskjöld a observé également une poussière tombée près de San Ferrnando (Chili), en novembre 1883, à une altitude de 3000 mètres ; la Cordillère qui était revêtue d’une couche de neige toute fraîche, se. recouvrit, dans l’espace d’une demi-heure, d’une couche rougeâtre, composée principalement de minces grains ferrugineux, assez durs quoique un peu malléables. Dans cette poussière, qui ne renfermait pas de fer métallique, on distinguait : 1° des grains brun-rougeâtres, gouttelettes fondues solubles dans l’acide chlorhydrique ; 2° des grains blanc-brunâtre, insolubles dans cet acide et formés d’une matière silicatée (feldspath). La composition des premiers était : oxyde de fer 74,6 ; oxyde de nickel avec traces de cobalt 6,01 ; silice 7,6 ; magnésie 3,88 avec de petites quantités d’acide phosphorique, d’alumine, de chaux, et des traces de cuivre ; la richesse de cette matière en fer, nickel, magnésie et acide phosphorique est tout à fait remarquable. De son côté, dans les eaux pluviales recueillies à Sainte-Marie-du-Mont (Manche), Tissandier a pu retirer 124 mg de corpuscules attirables à l’aimant et qui, sous l’action de l’acide chlorhydrique, ne laissaient qu’un faible résidu siliceux en donnant une dissolution dans laquelle l’ammoniaque fournissait un abondant précipité de rouille, le sulfocyanate de potasse, une coloration intense très nette, et même le prussiate jaune de potasse, un dépôt de bleu de Prusse. La liqueur séparée du fer donnait par le sulfure d’ammonium un léger précipité noir de sulfure de nickel formant avec le borax la perle violette caractéristique de ce métal, et virant au gris brunâtre par son refroidissement. M. Jung a aussi recueilli de la neige à différentes altitudes : à 375 mètres, à Montreux au bord du Léman ; à 979 mètres, à la station des Avants au dessus de Moutiers ; à 2490 mètres à l’hospice du grand Saint-Bernard, et il a comparé le résidu de l’évaporation de cette neige aux poussières recueillies dans les clochers de plusieurs cathédrales (paris, Genève, Lausanne, Varsovie, Samara sur le Volga). Il en a conclu que le fer existe aussi bien dans les neiges récentes que dans les poussières accumulées par les siècles à l’intérieur des anciens clochers d’églises, avec des formes caractéristiques indiquant qu’il a été porté à haute température et qu’il se trouve en plus forte quantité dans les neiges des régions inférieures que dans celles recueillies à de hautes altitudes.

Les corpuscules ferrugineux ne se présentent pas toujours avec le même aspect et l’on a été conduit à en distinguer plusieurs groupes :

  • 1° Des fragments amorphes, grisâtres, irréguliers, de 0,1 à 0,2 dixièmes de millimètre.
  • 2° Des particules mamelonnées noires et opaques beaucoup plus petites n’ayant que de 0,01 à 0,05. -3° Des particules fibreuses de même grandeur.
  • 4° Des corpuscules noirs, opaques, sphériques de 0,01 à 0,02.
  • 5° Des corpuscules semblables munis d’un petit goulot.

Or, parmi ces corpuscules ferrugineux très ténus, on en peut considérer de deux espèces, les uns qui ont été soulevés à la surface du globe, les autres qui ont une origine extra-terrestre, Des pluies de météorites se sont, en effet, manifestées d’une manière incontestable, Ehrenberg, Arago, Quételet, Daubrée, Nordenskjöld ont apporté un grand nombre de faits qui viennent à l’appui de celle manière de voir. En examinant une fine poussière tombée le 25 janvier 1859, dans la mer des Indes, et qui couvrit le pont du navire Josiah-Bates, Ehrenberg constata que cette poussière, qui à l’œil nu offrait l’aspect de petits grains agglomérés, était en réalité formée de gouttelettes solidifiées et creuses analogues aux larmes bataviques et constituées par un mélange de fer métallique et d’oxyde de fer. Il la considéra comme provenant d’une masse de fer météorique rendue incandescente par son frottement dans l’air ; de semblables poussières peuvent provenir de la fusion superficielle de météorites, elles peuvent aussi être la simple conséquence de leur désagrégation, comme l’a indiqué Daubrée, dans son mémoire sur le météorite d’Orgueil (Journal des Savants, 1870.

Celle-ci est, en effet, friable à un tel point que certains échantillons se réduisent en poudre par la pression entre les doigts, et ses diverses parties sont cimentées par des sels alcalins solubles dans l’eau, de sorte que ce liquide amène la désagrégation complète de la météorite qui se réduit en une poussière tellement ténue qu’elle traverse les filtres les plus serrés. On connaît de nombreux exemples de pluies de feu qui semblent devoir être attribuées à la chute de débris incandescent de météorites : Le baron de Reichenbach (Ann. de Pogg) insiste beaucoup sur la formation granuleuse des météorites, qui peuvent exister aussi bien à. l’état de poussière impalpable répandue dans l’espace, que sous la forme de conglomérats de plusieurs centaines de kilos. Ce sont les grains très ténus qui, en pénétrant dans l’atmosphère, s’échauffent, fondent, se volatilisent, et nous apparaissent sous la forme d’étoiles filantes ; on sait en effet qu’un poids de matière d’un gramme suffit pour produire un de ces météores. En essayant de recueillir la poussière d’étoiles filantes, de Reichenbach a obtenu, en 1864, sur le sommet des montagnes d’Allemagne des poussières ferrugineuses donnant les réactions du nickel et du cobalt. Sur la colline du Labisberg à 400 mètres de hauteur, dans des endroits couverts de hêtres où jamais l’homme n’avait porté la hache ni la pioche, il a rencontré des traces du même genre de nickel et de cobalt. D’autre part, dans une note du 4 mars 1812, von Baumhauer signale des observations de particules magnétiques provenant de l’intérieur de grêlons ; il cite en particulier une chute de grêle observée à Padoue, le 26 août 1834, après la période des étoiles filantes d’août, et Phipson, après cette période météorique d’août et je septembre, a pu recueillir un certain nombre de particules noires, anguleuses, qui n’étaient ni charbonneuses, ni recouvertes de suie et qui, en se dissolvant dans l’acide chlorhydrique, donnaient du perchlorure de fer. Nordenskjöld a rencontré dans de la neige recueillie sur des glaces flottantes des parcelles métalliques d’un quart de millimètre environ contenant du fer métallique entouré d’oxyde de fer avec du charbon, et il a pu y déceler en même temps que le fer la présence du nickel et celle du phosphore. Lors d’une forte chute de neige qui eut lieu à Genève le 5 octobre 1883, M. Jung en ayant fait fondre une certaine quantité recueillie sur le Salève, y constata le dépôt d’une poussière exceptionnellement riche en globules de fer. Vers cette époque qui, chaque année, est caractérisée au mois de novembre par une plus grande quantité d’étoiles filantes, il paraît do ne être tombé en 1883 une pluie remarquablement forte de poussières métalliques d’origine cosmique. Les globules de fer d’une abondance particulière devaient être le produit de la rupture de plus grosses météorites, d’étoiles filantes microscopiques. A u sujet des analyses de neige tombée à Stockholm, et dans laquelle il trouva des lamelles de fer métallique ainsi que dans la grêle, Nordenskjöld regarde cette dernière comme condensée autour de grains minimes d’une matière cosmique flottant dans l’air et tombant d’une manière imperceptible et continue ; il envisage l’existence de cette matière comme prouvée par ses observations, et il attribue même il sa chute une importance considérable, non seulement pour la géologie et la physique du globe, mais même pour l’agriculture, en raison du phosphore qu’elle renferme et qui, en même temps que le nickel et le cobalt, est caractéristique des fers météoriques. Pour n’en rappeler qu’un seul exemple, le fer météorique de Santa Catarina (Brésil) a donné à l’analyse la composition suivante : fer, 63,69 ; nickel, 33,97 : cobalt 1,48 avec de petites quantités de phosphore, de soufre, de charbon et de silicium. Ce fer ne s’attaque pas au contact simultané de l’air et de l’eau ; il est reconnaissable à sa teinte grise et moirée, et mélangé à une substance, jaune de bronze plus ou moins clair, magnétique, douée de l’éclat métallique, et qui est de la pyrrhotine ou pyrite magnétique nickélifère, associée à de la magnétite ; ce fer météorique est remarquable par sa richesse exceptionnelle en nickel. Nordenskjöld conclut. de tons ces faits qu’un nombre considérable d’aérolithes pénètrent constamment dans notre atmosphère, s’y fragmentent, et que les corpuscules magnétiques de l’air peuvent souvent avoir une origine extra-terrestre.

Les corpuscules ferrugineux ne se présentent pas’ d’ailleurs toujours sous la forme de sphérules à surface lisse, ni avec la forme globulaire caractéristique. Le fer flottant dans l’atmosphère est parfois en fragments irréguliers, noirs, formés par une réunion de granulations extrêmement petites, groupées en masses compactes ; quelquefois leur surface est rugueuse et mamelonnée.

L’étude des grêlons conduit à des constatations du même genre que celle de la neige : Dans de la grêle tombée à Stockholm, Nordenskjöld a trouvé des grains noirs donnant au mortier d’agate des lamelles de fer métallique ; dans d’autres cas des grêlons possédaient un noyau métallique à leur centre. Dans des grêlons tombés en Russie dans la province d’Orembourg, Eversmann a constaté la présence d’octaèdres de sulfure de fer ; Pictet a reconnu que du fer existait dans les noyaux de grêlons tombés en Espagne dans la province de Majo ; de la grêle tombée à Padoue en 1834 contenait des grains attirables à l’aimant et qui renfermaient en même temps du fer et du nickel ; l’identité de cette substance avec celle des aérolithes ne saurait être mise en doute, car le fer associé au nickel est un constituant caractéristique des fers météoriques.

Si du reste les corpuscules aériens attirables à l’aimant peuvent avoir une origine planétaire, on doit pouvoir s’en assurer en les comparant aux poussières détachées de la surface des aérolithes, et l’expérience fait voir qu’on les trouve tout à fait semblables aux parcelles obtenues en grattant la surface de météorites authentiques. Celle-ci, est en effet, formée d’une croûte noire, adhérente au métal, et les fragments provenant de grattages forment des parcelles mamelonnées, parfois des sphérules qu’on y dirait incrustées. Les parcelles cosmiques recueillies par Nordenskjöld offrent aussi une ressemblance frappante avec celles que l’aimant extrait des sédiments de l’eau pluviale tombée en France.

Tous ces faits établissent que parmi les poussières ferrugineuses rencontrées dans l’atmosphère, il en est un grand nombre qui proviennent de météorites, et l’on peut admettre que dans leur passage à travers l’espace, ces ruasses métalliques se brisent en nombreux fragments, font jaillir autour d’elles les parcelles incandescentes de fer métallique, dont les plus petits débris entraînés dans toutes les régions de l’air par les courants atmosphériques, tombent à la surface du globe sous la forme d’oxyde magnétique de fer plus ou moins complètement fondu. La traînée lumineuse des étoiles filantes serait due à la combustion de ces innombrables particules, offrant l’aspect des étincelles de feu jaillissant d’un ruban de fer que l’on brûle dans l’oxygène. Les météorites laissent souvent, on le sait, derrière elles, des traînées lumineuses que l’on peut attribuer aux débris incandescents détachés de leur masse.

On voit que la chute des poussières ferrugineuses extra-terrestres est constante à la surface de la terre, et qu’une partie des corpuscules aériens qui flottent dans l’atmosphère provient des espaces planétaires. Certains d’entre eux proviennent de l’explosion de météorites ou de leur simple division quand elles sont friables et faciles à désagréger, comme Daubrée l’a fait ressortir à propos de la météorite d’Orgueil. En admettant que le diamètre moyen des particules est constant et égal à 0,01mm, ce qui excède la vérité, il en faudrait 2 500 pour couvrir un millimètre carré, 25 000 pour faire la valeur d’un millimètre cube, et cela ne semble pas pouvoir faire un apport très appréciable de fer à la surface du globe, même dans des intervalles de temps considérables.

Si, du reste, il est incontestable que parmi les poussières ferrugineuses de l’air il en est dont l’origine est extra-terrestre, il en existe d’autres qui sont soulevées par le vent il la surface même de la terre ou emportées par les fumées des usines métallurgiques : on a pu recueillir, au voisinage de ces usines, des globules d’oxyde magnétique de fer qui proviennent assurément du travail de ce métal qui, en effet, fait jaillir autour de lui des étincelles affectant la forme de globules. Il est facile de montrer que des parcelles de fer peuvent, en brûlant, prendre la forme sphérique et qu’une masse de fer volumineuse, en se combinant, au rouge sombre, avec l’oxygène peut se diviser en fragments globulaires microscopiques. Quand on fait tomber de la limaille de fer très fine à travers une flamme d’hydrogène qui la rend incandescente, elle brûle avec éclat, et en recevant sur une plaque de porcelaine les produits de la combustion, Tissandier a constaté au microscope, qu’ils sont formés de globules sphériques, de sphères munies d’un petit goulot, de masses mamelonnées ou fibreuses incomplètement fondues. Il en est de même de la poudre qu’on obtient en frappant un morceau de fer avec un briquet à pierre et recueillant la poussière qui en tombe, elle présente des globules de même nature. Enfin un fil de fer qui brille dans l’oxygène donne lui aussi des globules d’oxyde magnétique visibles à l’œil nu et en même temps d’autres beaucoup plus petits qui tombent dans l’eau du flacon où se fait l’expérience ; ceux-ci ne sont visibles qu’avec un fort grossissement et il en est dont le diamètre ne dépasse pas 0,01mm.

La combustion de la houille dans les foyers des usines fournit aussi à l’air d’abondantes poussières d’oxyde de fer qui proviennent de la combustion des pyrites ferrugineuses que la houille contient ; mais tous les globules ou poussières ainsi engendrés, soit par la combustion du fer, soit par celle de la houille, soit par d’autres causes, se distinguent de ceux d’origine cosmique par le fait qu’ils n’emportent jamais de nickel avec eux.

La terre arable, les sables de la mer dont les tourbillons de veut soulèvent les particules les plus ténues et les plus légères dont les grains ne dépassent guère 0,001mm renferment aussi fréquemment des poussières magnétiques d’un-e abondance relative. Un aimant que l’on y promène se hérisse de petits grains d’oxyde magnétique de fer, et ces matières sont indépendantes des fines poussières dues fi la destruction continuelle du fer que l’industrie produit en quantités énormes ; les poussières venant de minerai magnétique de fer pulvérisé, de minerai de fer de différentes natures, de rouille provenant de l’oxydation du fer à l’air libre, à l’eau douce, à l’eau de mer ne présentent jamais la forme mamelonnée, fibreuse ou sphérique ; ce sont ces poussières amorphes, grisâtres, qui ne ressemblent pas à celles d’origine planétaire, et qui sont bien différentes de celles produites à température élevée. On rencontre aussi du fer dans des parcelles demi-transparentes vertes, jaunes ou roses, mêlées à des particules opaques très noires ; M. Stanislas Meunier les considère comme provenant de débris de roches serpentineuses (diorite, amphibolite, serpentines) renfermant des granules de magnétite et toujours riches en fer oxydulé. Cette source terrestre de poussières ferrugineuses n’explique pas l’abondance extraordinaire des particules microscopiques de fer qui flottent dans l’atmosphère et que l’on retrouve dans la neige des régions polaires, aussi bien que dans celle des Alpes ou dans les eaux météoriques recueillies au milieu des campagnes. L’existence dans l’air de corpuscules ferrugineux nickélifères ne peut s’expliquer que par la poussière qui se détache de la surface des météorites par un des mécanismes que nous avons exposés.

Métaux autres que le fer. - Il résulte de ce qui précède, que le fer est le métal le plus abondant dans l’atmosphère et que toutes les fois qu’il provient de l’espace, il est associé à des proportions variables de nickel et de cobalt, mais cependant on rencontre d’autres métaux dans les poussières aériennes. L’analyse de leurs cendres montre, comme on l’a dit déjà, que celles-ci renferment des substances solubles dans l’eau, d’autres solubles dans l’acide chlorhydrique et un résidu insoluble, Les sédiments, presque blancs, que l’on recueille à la campagne, contiennent environ 40 % de sels solubles dans l’eau, 30 % de matières telles que les carbonates de chaux et de magnésie, ainsi que de l’oxyde de fer, et des substances insolubles comme la silice, l’alumine, l’argile avec de petites quantités de charbon et de suie. L ’examen des poussières déposées dans les tours de Notre-Dame a donné 68 % de matières minérales, dont 9 % solubles dans l’eau, 23 solubles dans l’acide chlorhydrique (celles-ci se décomposant en 6,1 de sesquioxyde de fer, 16 % de carbonate de chaux, 2,1 de carbonate de magnésie, avec traces d’alumine et de phosphore) et 34,3 de matières, insolubles dans les acides, formées principalement de silice ; une poussière, grisâtre comme de la cendre de bois, recueillie à Boulogne-sur-Mer le 9 octobre 1876, était fine et douce comme de la farine ; elle contenait a l’état sec avec 9,7 centièmes de substances organiques, 55 centièmes de silice, 1,8 d’alumine avec traces de fer, 30,6 de carbonate de chaux et 2,5 de carbonate de magnésie. On trouve aussi dans les parties, insolubles dans l’eau, de ces cendres, des composés de calcium, magnésium, aluminium, etc.

En outre de leurs deux éléments principaux, fer et nickel, les fers météoriques et par suite leurs débris, contiennent toujours des quantités variables, mais très faibles, de cobalt, manganèse, chrome, étain, magnésium, aluminium. On trouve,en particulier, répandus dans ces fers, quelques minéraux ; la schreibersite (phosphure triple de fer, de nickel et de magnésium), la magnétite qui forme la partie principale de leur écorce ; le fer chromé que l’on y rencontre en proportions parfois notables et qui se trouve dans beaucoup de pierres météoriques sous la forme de petits grains de ce minéral enchâssés dans une gangue d’olivine ou de silicates déshydratés. En somme, les météorites peuvent se ranger dans une longue série à l’une des extrémités de laquelle se trouvent des alliages de fer et de nickel, tandis qu’à l’autre sont des substances pierreuses formées surtout de silicates : grenat, idocrase, péridot, enstatite, feldspath, amphiboles, pyroxènes, associés entre eux ; toutes les substances contenues dans ces pierres météoriques peuvent se retrouver dans les poussières atmosphériques. Quand ces masses tombent, leur mouvement peut être dirigé en sens opposé de celui de la terre, cas auquel leur vitesse relative étant la somme des deux autres, peut être très considérable, environ 70 kilomètres par seconde ; la résistance de l’air à un mouvement aussi rapide produit un dégagement de chaleur tel, qu’il entraîne la combustion et la volatilisation complètes de la matière, Si, au contraire, le mouvement de la masse qui tombe est de même sens que celui de la terre, la vitesse relative, la différence des deux vitesses absolues, n’est guère que de 16 kilomètres par seconde, la chaleur développée sera moins grande, et la masse pourra être simplement fondue et vitrifiée à la surface, puis brisée ou vitrifiée de manière à faire une météorite ou aérolithe, et non plus une étoile filante, dont les traînées laissent derrière elle des nuages parfois d’une assez grande étendue. Ainsi, en pénétrant dans l’atmosphère, les aérolithes, petits ou gros, éprouvent un frottement qui provoque une élévation de température et une incandescence, d’où combustion, fusion, volatilisation, puis condensation des matières volatilisées et dissémination des poussières condensées. On comprend donc aisément que les météo rites apportent dans l’air un certain nombre de métaux à l’état libre ou combiné, des poussières de minéraux métallifères qu’on retrouve parmi les poussières de l’air en corpuscules trop petits pour qu’on puisse les Séparer et les identifier, et cela indépendamment des poussières minérales qui peuvent être soulevées à la surface de la terre.

Matières solubles dans l’eau. - Nous avons dit que, par le traitement par l’eau des cendres des sédiments atmosphériques on extrait toujours une certaine quantité de sels solubles ; ce sont des chlorures, des sulfates alcalins ou de chaux, des nitrates, celui d’ammoniaque en particulier.

Azotate d’ammoniaque. - Une goutte de pluie qu’on laisse évaporer spontanément sur une lame de verre y laisse des cristallisations diverses, formées sur le bord de la goutte d’eau, tandis que les corpuscules se rassemblent il son centre ; la forme d’étoiles à six branches se produit bien quand la cristallisation a lieu très lentement, elle est plus rare en plumules. L’azotate d’ammoniaque se dépose fréquemment en groupements remarquables de cristaux en croix ou en glaives que l’on obtient par évaporation d’une goutte d’eau de neige, telle que celle recueillie à Paris le 11 janvier 1876. On ne peut d’ailleurs pas reproduire de semblables cristallisations, même avec une dissolution très étendue de ce sel, ni en variant les modes d’évaporation ; il ne se forme que des cristaux uniformes ramifiés de la même façon autour d’une tige médiane, ou des prismes isolés. Tissandier attribue ce mode particulier de cristallisation dans les eaux météoriques à une matière organique dissoute que les eaux de pluie et de neige renferment en quantité plus ou moins considérable, et, en effet, l’évaporation de ces eaux donne toujours comme résidu une substance qui tapisse le fond du vase d’une matière cassante et dure, analogue d’aspect à de l’albumine coagulée.

Les cristaux de nitrate d’ammoniaque sont faciles à reconnaître à leur solubilité dans l’alcool, et à ce que la chaleur les décompose sans résidu ; leur présence dans l’air ne peut pas surprendre, puisque, comme on le sait, il s’y rencontre de l’ammoniaque et de l’acide nitrique, et que ces deux composés s’unissent sans difficulté pour former le nitrate ammoniacal.

Sulfate de soude. - Le sulfate de soude se rencontre fréquemment parmi les matières solubles dans l’eau qu’on extrait des cendres de poussières, et il s’en sépare en prismes à quatre pans susceptibles de faire cristalliser les dissolutions sursaturées de ce sel ; il suffit du reste d’introduire dans une de ces dissolutions quelques flocons de neige pour en déterminer immédiatement la cristallisation, et M. Gernez a constaté que les dépôts recueillis dans les localités les plus diverses ont la même propriété ; il se trouve cependant avec moins de certitude dans l’air que le nitrate d’ammoniaque qui est plus répandu, et les dépôts aériens déterminent dans tous les cas la cristallisation d’une solution sursaturée de ce nitrate. Non seulement M. Gernez a fait voir que des flocons de neige ou des sédiments solides atmosphériques déterminent la cristallisation des solutions sursaturées de sulfate de soude, mais presque tous les corps exposés à l’air se comportent de même, de sorte que tous les corps, comme les poussières, renferment du sulfate de soude en traces parfois difficiles à déceler à l’aide des procédés chimiques, mais qui peuvent être rendues évidentes en se servant de solutions sursaturées de ce sel comme réactifs. La diffusion de la soude à l’état de sulfate se trouve donc démontrée ; et, en effet, comme ce sulfate existe dans les eaux minérales, fluviales, maritimes, il doit se trouver aussi dans le sol ; comme il a une tendance à cristalliser à la surface des corps poreux dans un état de division extrême, le moindre vent doit l’emporter et le déposer sur tous les corps qu’il peut rencontrer ; la simple évaporation à l’air libre des eaux renfermant du sulfate de soude peut donc être une cause de la présence de ce sel dans l’air. Il en est de même pour tout corps soluble contenu dans les eaux, le sel ainsi dissous peut être entraîné par. l’évaporation de ses solutions et se trouver en petite quantité dans les portions voisines de l’atmosphère environnante ; le fait a été constaté par exemple sur le perchlorure de fer en évaporant une de ses dissolutions au-dessous du point d’ébullition de la liqueur.

D’autres causes encore favorisent la présence du sulfate de soude dans l’air ; le gaz sulfureux, l’hydrogène sulfuré produit dans l’atmosphère, s’y transforment facilement en acide sulfurique qui, au contact du sel marin provenant des eaux de la mer, donne du sulfate de soude ; d’autre part, le carbonate de soude, en présence du sulfate de chaux et d’un grand nombre d’autres sulfates, donnent du sulfate de soude et des carbonates, de sorte qu’il demeure établi que le sulfate de soude se forme de ces différentes façons, et qu’en présence des corps poreux et humides dont la croûte terrestre est formée, il se dépose en fragments très tenus que le moindre souffle emporte partout. Quelle que soit d’ailleurs l’origine du sulfate de soude dans les eaux et dans le sol, on voit que le sodium, sous cet état, est un élément des plus fréquents dans l’atmosphère.

Sel marin. - On y trouve également, mais d’une manière plus exceptionnelle, du sel marin qui peut cristalliser en cubes lors de l’évaporation des eaux météoriques ; on a constaté sa présence dans l’eau de fusion la de neige recueillie au haut de la tour de Notre Dame en décembre 1874 ; mais les poussières atmosphériques, les résidus d’eaux météoriques demeurent sans action sur les dissolutions sursaturées d’acétate, borate, hyposulfite, phosphate de soude, ce qui démontre que ces substances, bien qu’efflorescentes, ne se rencontrent qu’accidentellement dans l’atmosphère ; il en est de même des dissolutions sursaturées d’azotate de chaux et de chlorure de calcium qui peuvent être abandonnées à l’air sans se troubler, de sorte que des germes de ces corps ne se trouvent pas dans l’atmosphère.

Poussières accidentelles. - A côté des poussières que l’air renferme presque continuellement d’une façon normale, il en est de plus exceptionnelles qui sont d’origine volcanique ; telle fut une poussière tombée en même temps que de la neige en Norvège, le 29-30 mars 1875 ; elle était grise, fibreuse, formée de grains criblés de bulles de 0,02 à 0,03 mm de grosseur ; elle était formée de fragments de ponce bien caractérisés auxquels le barreau aimanté enlevait de petits grains de fer oxydulé en cubo-octaèdres de 0,02 de diamètre ; cette matière, traitée par de l’acide fluorhydrique concentré, laissait un léger résidu de cristaux fort nets où le pyroxène dominait. De nombreux exemples témoignent du transport à de grandes distances de cendres volcaniques, de poussières diverses, de cendres provenant de grands incendies : du sable qui s’est abattu le 7 février 1863, sur la partie occidentale des Canaries provenait, selon toute probabilité, du Sahara, et venait de plus de 32 myriamètres [1] ; plus récemment la cendre d’un incendie de Chicago est arrivée aux Açores le quatrième jour après le commencement de la catastrophe ; le célèbre brouillard sec, qui, en 1783, couvrit l’Europe pendant trois mois, avait d’abord paru à Copenhague où il persista cent vingt-six jours ; il avait pour cause une éruption en Islande. En septembre 1845, un transport de même origine, mais beaucoup moins considérable, fut observé aux îles Shetland et aux Orcades ; il provenait d’une éruption de l’Hécla du 2 septembre 1845, et les poussières avaient parcouru plus de 800 kilomètres. Les poussières de Norvège, tombées le 30 mars 1874, provenaient également d’une éruption d’Islande, où un phénomène de ce genre eut lieu dans le N.-W., près de Myratu, et qui, commencé en décembre, continuait encore en février ; la poussière tombée pendant le cyclone de 1879,à Palerme, Naples.etc., était jaune plus ou moins faible ; on y a trouvé des sphérules et globules noirs attirables à l’aimant, les diamètres de ces globules ferrugineux étaient.compris entre 0,004 et 0,020 à Palerme ; de 0,007 à 0,020 à Naples, de 0,011 à 0,040 à Termini, ils concordaient assez bien avec les dimensions de sphérules magnétiques tombés au fond de la mer sur les côtes de l’Algérie et de la Tunisie. Dans la région de l’Etna, une pluie de cendres tombée du 24 au 29 mai 1886, et recueillie à l’Observatoire de Palerme, contenait de petits cristaux laminaires caractéristiques des éjections de l’Etna. Des phénomènes du même genre ont été observés après l’éruption de Krakatoa.

— En résumé, et en laissant de côté les poussières qui sont temporairement introduites dans l’atmosphère par des éruptions volcaniques ou d’autres accidents, nous voyons que l’air ne contient, d’une façon normale, qu’un petit : nombre de métaux, dont le sodium, le calcium, le magnésium, l’aluminium et surtout le nickel, le cobalt et le fer. Ils ont une origine terrestre, à l’exception de ces derniers qui peuvent provenir des profondeurs de l’espace ; la proportion des matières solides de l’air ne paraît pas assez considérable pour jouer un rôle bien important dans la physique du globe, mais parmi elles, il y a environ un tiers de matières organiques très combustibles, contenant des germes vivants, dont l’étude concerne la biologie et qui remplissent ainsi un rôle très important par les conséquences pathologiques qu’elles entraînent.

Alfred Ditte, professeur de chimie minérale à la Sorbonne, Membre de l’Institut.

[11 myriamètre = 10 000 m

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