Claude-Louis Berthollet (1748 - 1822)

Article extrait du Dictionnaire encyclopédique et biographique de l’industrie et des arts industriels, dirigé par E.-O. Lami. Librairie des dictionnaires, Paris, 1885
Dimanche 17 mai 2009 — Dernier ajout jeudi 24 avril 2014

Berthollet (CLAUDE-Louis, comte), célèbre chimiste, naquit le 9 novembre 1748, à Tailloire, près d’Annecy. Après avoir fait ses humanités au collège de Chambéry, il étudia la médecine à l’Université de Turin et y fut reçu docteur en 1768.

Quatre ans après il vint à Paris pour compléter ses études. A cette époque encore, les chimistes adoptaient la théorie du phlogistique, malgré les belles découvertes de Lavoisier qui devaient amener une révolution prochaine dans la science.

Berthollet fut présenté à Lavoisier, qui chercha à le convertir à ses idées, mais il n’y réussit pas ; son influence fut cependant assez grande sur l’esprit de Berthollet pour le décider à retarder, en 1778, la publication d’un travail sur l’action des alcalis sur l’alcool, qui conduisait le jeune auteur à une théorie qu’il aurait regrettée plus tard.

Cette sorte de parti pris qu’avait Berthollet contre la théorie nouvelle du dualisme lui fit perdre l’occasion, en 1181, de se signaler par la détermination de la constitution de l’acide nitreux qu’il découvrit en étudiant l’action de la chaleur sur le nitre. Ce fut Cavendish qui expliqua, peu de temps après, la publication du travail dont on vient de parler : comment l’acide nitreux se forme et quelles sont les causes de son instabilité.

Lavoisier eut enfin en lui un nouvel adepte et un adepte bien sérieux, car Berthollet avait tout fait pour étayer la théorie du phlogistique. Il eut, lui-même, à lutter plus tard contre ses contemporains après la publication qu’il fit, en 1787, d’un travail sur l’acide prussique, où il montra que ce corps à propriétés acides ne renfermait pas d’oxygène. Neuf ans après, c’était l’hydrogène sulfuré qui lui permettait, de nouveau, d’affirmer que la formation des acides ne nécessite pas l’intervention nécessaire de l’oxygène, mais, malgré son influence sur le monde savant de l’époque, il fallut les belles expériences de Thénard et Gay-Lussac pour permettre à la chimie de faire ce nouveau pas.

Berthollet fut admis à l’Académie comme chimiste-adjoint en remplacement de Bucquet, en 1780. Il succéda, en 1784, à Macquer comme directeur des Gobelins. Cette dernière charge l’engagea à étudier les opérations du blanchiment, qui étaient alors fort longues et s’opposaient à l’extension des industries textiles ; ce fut lui qui découvrit le blanchiment rapide au moyen du chlore. Cette belle découverte aurait pu être pour son auteur une source de richesses ; il n’en fut rien, et Berthollet n’accepta de ceux dont il venait de créer la fortune que quelques ballots de toile.

Non content d’étudier le chlore au point de vue de ses applications, il l’étudia au point de vue scientifique et découvrit l’acide chlorique, qu’il appelait acide muriatique suroxygéné, et dont les sels ont la propriété de détoner plus aisément que le nitre. Un agent plus détonant encore fut découvert par Berthollet, c’est l’argent fulminant qui s’offrit à lui pendant ses recherches sur l’alcali volatil ; ces recherches, qui datent de 1785, le conduisirent à la détermination de la vraie constitution de l’ammoniaque.

La même année 1785, l’année la plus remplie de son existence, le vit affirmer que ce qui distingue toutes les matières animales des autres matières organiques est la présence constante de l’azote.

Les années qui suivirent cette belle année 1785 furent consacrées par Berthollet à l’étude des procédés de la teinture, qui étaient plus l’application de formules empiriques dictées par la routine que la mise en pratique de connaissances scientifiques bien établies. Il réunit toutes ses recherches à ce sujet en un ouvrage de 2 vol. qui parut en i790.

D’autre part, Berthollet collabora avec Guyton de Morveau et Antoine-Laurent Lavoisier, auxquels s’adjoignit plus tard Fourcroy, à la réforme de la terminologie chimique et à la création d’une nouvelle nomenclature qui rendit l’étude de la chimie plus commode et plus rationnelle.

En 1794, Berthollet fut nommé professeur à l’école normale, puis il fut chargé, ainsi que Monge, en 1796, d’aller choisir, en Italie, les chefs-d’œuvre artistiques que la victoire avait livrés à la France. Cette mission très délicate fut remplie avec tant d’habileté que Bonaparte tint à entrer en relations avec l’illustre savant. Le général . conçut pour lui une vive affection et lui donna ainsi qu’à Monge, pleins pouvoirs pour la création de l’Institut d’Égypte qui rendit, lors de l’expédition dans ce pays, de si grands services.

En Égypte, se trouvent des lacs dits de Natron qui renferment en solution une forte proportion de carbonate de soude. Berthollet se demanda comment ce corps avait bien pu se former, et il découvrit que les solutions de sel marin que contiennent ces lacs, réagissant sur le calcaire qui en forme le fond, donnent, par double décomposition, du carbonate de soude. Quelle était la loi qui présidait à cette réaction ? Berthollet, après de nombreux essais, la trouva et en fit la base de son système de statique chimique qui est un chef-d’œuvre de sagacité et de hardiesse.

Appelé au sénat conservateur après le 18 brumaire, Berthollet fut peu de temps après nommé comte, puis grand officier de la Légion d’honneur. Il sut ne pas se laisser éblouir par tant de grandeurs et se retira dans sa maison d’Arcueil où il vivait modestement ayant pour tout luxe un laboratoire, une bibliothèque et une serre qui lui servait de salon ; il eut l’honneur d’accueillir là des hommes tels que Davy, Wollaston, de HummboIt, Thompson, Leslie, Watt, Werner, Berzélius dont la plupart appartenaient à des nations ennemies et qui oubliaient le Français pour venir saluer en Berthollet le savant illustre.

Il consacra les dernières années de son existence à la recherche de procédés permettant l’extraction de la soude, du sel marin et la préparation du mercure fulminant en grand pour la fabrication des cartouches. L’étude de la propriété des carbures d’hydrogène le conduisit à indiquer l’emploi du gaz pour l’éclairage.

Berthollet possédait une constitution robuste qu’il sut conserver par une vie sobre et réglée. Il aurait vécu longtemps encore si la peur d’effrayer ses amis ne lui eût fait dissimuler pendant plusieurs jours les souffrances que lui ’causait un anthrax. Le jour où il se décida à avouer le mal, il était trop tard et les secours de la médecine furent impuissants. Berthollet mourut le 6 décembre 1822.

Nous ne citerons, parmi ses publications, que les plus importantes :

  • Elément de l’art de la teinture avec une Description de l’art du blanchiment par le chlore, Paris, Didot, 1804, 2 vol. in-8°
  • Essai de statique chimique, Paris, Didot, 1803, 2 vol. in-8°
  • Précis d’une théorie sur la nature de l’acier et sur ses préparations, Paris, 1789, in-8°
  • Nouvelles recherches sur les lois des affinités chimiques, 2 édit., Paris, 1806, in-8°

Tous ses travaux ont paru, soit dans les Mémoires de l’Institut, soit dans le Journal de l’Ecole polytechnique, soit dans la Décade égyptienne.

Enfin, Berthollet a collaboré à la publication des ouvrages suivants :

  • Essai sur le phlogistique. etc., de Kirwan
  • Système de chimie de Thomson
  • Nouvelle méthode de nomenclature chimique.

On trouve de lui dans le Iournal de l’Ecole polytechnique un cours de Chimie des substances animales.

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