Sir John Fowler

Pierre de Mériel, La Nature N°1333 - 10 décembre 1898
Dimanche 3 mai 2009 — Dernier ajout lundi 20 mai 2013

Le grand ingénieur qui vient de disparaître mérite plus qu’un simple entrefilet nécrologique : c’est une des plus hautes personnalités du monde des ingénieurs, qui s’éteint après une des carrières les mieux remplies qu’il soit donné de suivre.

Né en 1817 à Wadsley Hall, dans le comté de Sheffield, il fit ses débuts dans la vie au moment de ce qu’on a appelé en Angleterre la « Manie des chemins de fer », à une époque où l’on avait besoin d’hommes intelligents, laborieux et d’une énergie à l’ épreuve dans une branche de l’art de l’ingénieur où tout était réellement à créer. Aussi, après être resté quelques années chez un ingénieur hydraulicien, John Fowler n’hésita pas .à se consacrer à des travaux de chemins de fer. Il fut d’abord attaché à la ligne Londres-Brighton ; puis passa par plusieurs entreprises du même genre, pour se lancer sous S3 propre responsabilité et prendre en main les études, la concession et la construction de diverses voies ferrées partant de Sheffield. Ce fut dès lors une véritable vie de surmenage que celle de Fowler, jouant le rôle d’ingénieur conseil ou même de directeur des travaux pour une foule de lignes que rappelait l’autre jour notre savant confrère Engineering. On recourait constamment à lui, parce qu’on savait à la fois son audace, son habileté, la conscience avec laquelle il étudiait et menait à bien tout ce qu’il avait une fois entrepris. Les difficultés ne l’enrayaient jamais, mais parce qu’il savait tout faire pour en triompher.

C’est grâce à lui que fut construit le réseau ferré qu’on appelle le Métropolitan de Londres. Au milieu des critiques, des craintes de toutes sortes, alors que les ingénieurs les plus autorisés affirmaient que l’œuvre était impossible, il soutint les membres de la Compagnie qui avait été fondée, et il atteignit au succès par sa science approfondie des problèmes les plus difficiles. Il avait foi dans son œuvre, comme on a dit, sans doute parce qu’il sentait toutes les ressources de son talent.

C’est du reste la construction du Métropolitan qui a le plus puissamment contribué à la réputation de sir J. Fowler ; il fut même l’entrepreneur de 18 kilomètres de ces voies souterraines.

En 1866, John Fowler avait été élu Président de l’Institution of civil Enqineers, et cela lui avait été une occasion d’exposer magistralement comment doit être comprise l’éducation de l’ingénieur. Pendant un certain nombre d’années, il demeura en Égypte, dressant, sur les désirs du khédive, des plans gigantesques qu’on ne put mettre à exécution faute d’argent. Mais une des plus . grandes œuvres de la carrière du célèbre ingénieur, ce fut le pont du Forth, qui a été décrit ici même [1] ; il en étudia les projets de concert avec trois autres ingénieurs, et notamment avec sir Benjamin Baker, qui demeura . son associé dans la construction de cet admirable ouvrage.

On doit certainement se rappeler avec quelle audace fut abordée la solution de ce difficile problème de la traversée du Firth of Forth : on décida d’employer le système en cantilever, les travées en porte-à-faux équilibrées dans des dimensions qui étaient jusqu’alors inconnues. D’ailleurs tous les détails de la construction furent admirablement et minutieusement étudiés, et ils peuvent encore servir de modèles pour tous les travaux analogues.

Après ce chef-d’œuvre, et bien qu’ayant 75 ans, sir John Fowler n’est pas demeuré inactif, et il a continué tout au moins d’être consulté sur des projets sans nombre, conservant jusqu’au dernier jour sa belle intelligence et son activité.

PIERRE DE MÉRIEL.

[1Voy. N° 769, du 25 février 1888, p. 197.

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