Le peigne

La Science Illustrée N° 629, 16 Décembre 1899
Samedi 28 février 2009 — Dernier ajout mardi 6 février 2024

L’instinct de coquetterie étant inné chez la femme, on peut affirmer hardiment que le peigne est aussi vieux que le monde. Les doigts de la main constituèrent bien certainement le premier peigne auquel succédèrent des ustensiles en os, en bois ou en corne dans lesquels des dents plus ou moins régulières furent découpées.

On a trouvé un peu partout des peignes préhistoriques. Le Danemark en a fourni qui sont pourvus d’un manche tout comme une fourchette. Certains, à dents longues et à dos cintré, sont de véritables peignes à chignon. Suivant certains auteurs les coquilles Saint-Jacques et autres Pecten auraient été transformées en peignes par les peuples primitifs au moyen d’un travail très simple.

Dans l’ancienne Égypte, le peigne était un accessoire de toilette fort important et souvent très orné. En bronze, en ivoire, on le rencontre dans les tombeaux ; un bouquetin agenouillé est le motif qui Je décore le plus fréquemment.

Les Grecs et les Romains connaissaient comme nous le démêloir, le peigne fin, le peigne à chignon ou crinale qui ne différaient pas sensiblement des nôtres.

Ils employaient, de plus, pour séparer les cheveux sur le front, une longue épingle, le discriminale, qui servait aussi aux élégantes à punir la moindre maladresse des esclaves qui les coiffaient. Le buis et l’ivoire étaient les matières habituelles dont étaient formés ces accessoires de la toilette.

Dans la primitive Église, à l’idée de peigne s’est attachée l’idée de purification. Dans le tombeau des premiers chrétiens on a souvent rencontré des peignes ou la représentation de ces objets. Au moyen-âge, les pèlerins, au retour de leur voyage, portaient suspendues à leur gourde ou à leur cou des coquilles Saint-Jacques ou Pecten, sans doute parce qu’ils y ramenaient l’idée de peigne et par suite, de purification.

Les prêtres se peignaient toujours avec un peigne spécial avant d’aller à l’autel, usage qui s’étendit bientôt aux évêques et même ou souverain pontife. On conserve le peigne de saint-Leu, chargé de pierres précieuses, celui de saint Aubert, évêque de Liège. Le musée de Nancy possède le peigne dont se servait saint-Gozlin, évêque de Toul.

A dents rares et espacées, il est orné de dessins symboliques et muni en son milieu d’une longue dent unique qui, comme le discriminale des Romains servait à séparer les cheveux sur le front.

Au moyen-âge les peignes communs en bois ou en corne semblent plutôt convenables à étriller les chevaux qu’à peigner les têtes humaines ; il en existe cependant en ivoire qui sont travaillés avec beaucoup de goût, découpés à jour, agrémentés de sculptures et de devises. La collection Sauvageot, au musée du Louvre, comprend un grand nombre de ces pièces de valeur qu’un hasard heureux a conservées jusqu’à nous.

Les peignes étaient enfermés dans une sorte de trousse ou pignère qui contenait en même temps une brosse pour les nettoyer, un miroir, une paire de ciseaux, des rasoirs et une épingle à séparer les cheveux.

Les peignes de la Renaissance sont aussi très ornés. Au XVIIe siècle on les fait souvent en écaille et en argent ; certains sont de véritables bijoux. Il était alors de bon ton pour les hommes d’avoir toujours sur soi un petit peigne pour réparer le désordre de la perruque. Nous avons aujourd’hui le peigne à moustache, dont l’utilité, en somme, n’est guère contestable.

Au siècle suivant on peut signaler les peignes de plomb dont on se servait pour ardoiser les cheveux. En dehors des matières employées autrefois pour la confection des peignes sont venues s’en ajouter d’autres, telles que la corne fondue imitant l’écaille et le caoutchouc durci. Le travail à la machine a remplacé, dans beaucoup d’usines, le travail à la main.

Si le peigne ordinaire est aussi simple que possible il n’en est pas de même du peigne à chignon qui, du domaine de la tabletterie, a passé peu à peu dans celui de la bijouterie et de la joaillerie. On l’orne souvent de pierres précieuses qui le transforment en une sorte de diadème.

On n’a pas perdu le souvenir des peignes à la Girafe, que la mode de la Restauration imposa aux élégantes. Le dos du peigne, ainsi dénommé, c’est-à-dire la partie dans laquelle s’implante les dents, se relevait à une hauteur considérable, formant comme une conque derrière la tête, découpée, repercée, ornée de dessins souvent très gracieux. Le peigne à la Girafe a été longtemps porté en Espagne, après son abandon par la mode française.

Le peigne de coiffure a profité aussi du réveil des arts décoratifs auquel nous assistons. Il en figure de charmants aux expositions annuelles. Au Salon de 1898, notamment, on pouvait en admirer trois de René Lalique, d’une élégance incomparable et d’une ornementation délicate empruntée au règne animal.

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