Les parfums dans les cérémonies funéraires

La Science Illustrée N° 541, 9 Avril 1898
Samedi 28 février 2009 — Dernier ajout mardi 6 février 2024

Dans un précédent article, nous avons vu que les parfums furent réservés d’abord au culte des dieux ; mais les anciens remarquèrent bien vite qu’ils avaient la propriété de conserver les substances animales en éloignant les parasites. De là leur emploi pour la conservation des cadavres.

L’embaumement fut fort en honneur chez les anciens Égyptiens. Ils croyaient, en effet, en même temps, à l’immortalité du corps et à la transmutation de l’âme. En sortant du corps d’un homme, celle-ci entrait dans le corps d’un animal, puis d’un autre appartenant à une autre espèce et, après un voyage de trois mille ans chez toutes les formes aquatiques, terrestres et aériennes, elle revenait chez sort premier possesseur.

Cette croyance explique quelle importance les Égyptiens attachaient à la conservation des cadavres, afin que chaque âme pût, au bout de trente siècles, retrouver son corps à peu près intact.

Les auteurs anciens nous ont laissé la description des procédés employés. On commençait par retirer les viscères, on les lavait dans du vin de palmier, et on les plaçait dans quatre vases funéraires consacrés à des divinités différentes : le foie et la vessie dans l’un ; le cœur et les poumons dans un autre ; un troisième vase recevait l’intestin grêle ; un quatrième, l’estomac.

Les yeux étaient, ensuite extraits, et remplacés par des yeux d’émail, la cervelle enlevée à l’aide d’un fer recourbé qu’on introduisait par les narines ; puis on remplissait la tête et le corps de myrrhe, de cinnamome et d’autres parfums dont l’encens seul, réservé aux dieux, était exclu. On recousait les chairs et l’on plongeait le défunt pendant 70 jours dans un bain de natron, ces bicarbonate de soude naturel, très commun en Égypte.

Au bout de ce temps, tout germe étant détruit, on dorait les dents ainsi que les ongles des mains et des pieds ; puis on, enveloppait entièrement le cadavre dans des bandelettes de lin enduites d’un onguent aromatique et on le plaçait dans un cercueil surmonté d’une tête humaine. Ce dernier était placé dans un second plus simple, lui-même-entouré d’un sarcophage.

Les gens de la classe moyenne ne pouvaient s’offrir une semblable préparation, qui revenait à plus de 6000 francs de notre monnaie. Leurs parents se contentaient d’une injection d’essence de cèdre qu’ils faisaient pratiquer dans le corps non privé de ses organes. Pour les pauvres, le natron et le sel tenaient lieu de tout parfum.

Ces opérations étaient-faites avec tant de soin qu’on peut distinguer encore aujourd’hui sur les momies la plupart des traits du visage.

Ces honneurs posthumes n’étaient pas réservés aux seuls humains : le taureau Apis, au bout de ses vingt-cinq ans d’existence, était noyé, puis em­baumé. D’innombrables momies de chats, d’ibis et d’autres animaux ont été découvertes dans les hypogées.

Ces pratiques existaient en Égypte dès la quatrième dynastie. Bien qu’on n’ait pas encore retrouvé de momies datant de cette époque, on voit figurer, dans les peintures, les bandelettes servant à l’embaumement.

Chez les Hébreux, l’usage de l’embaumement ne semble pas avoir été aussi général qu’en Égypte ; il se pratiquait cependant pour les personnages de distinction. Au préalable, le corps était exposé sur un lit de parade autour duquel on brûlait des aromates dans des cassolettes.

Les Perses couvraient leurs morts de cire pour les préserver de la pourriture, et les Babyloniens, d’après Hérodote, les entouraient de miel. Il est infiniment probable qu’ils y joignaient les aromates ; le miel seul-eût été insuffisant.

Chez les Grecs ; on jetait des gommes odoriférantes sur les bûchers qui consumaient les cadavres et on mélangeait aux cendres, dans les urnes funéraires, les parfums les plus précieux. Parfois aussi on pratiquait l’embaumement : quand on enterrait un corps sans le brûler, on y ajoutait des flacons remplis d’essences odorantes. Pour les pauvres gens, on se contentait de peindre des fioles sur le cercueil. Nous retrouvons les mêmes coutumes chez les Romains, Néron consuma, dit-on, lors des funérailles de Popée, plus d’encens que l’Arabie n’en pouvait produire en dix ans ; Dans les Indes, on brûle les corps sur des bûchers formés de bois odorants et en les arrosant d’huile de senteur.

Les parfums jouent aussi un grand rôle dans les funérailles chinoises. Le corps est lavé, parfumé. Des aromates brûlent dans des cassolettes autour du cadavre, qu’on conduit ensuite à sa dernière demeure. Dans quelques parties de la Nouvelle-Zélande et chez les indiens Jivaros, on conserve seule la tète du mort. On remplace sa cervelle par des fleurs. On fait cuire la tête au four, on la fait sécher au soleil, puis on la conserve dans un panier en l’arrosant de temps en temps d’huile parfumée. Les premiers chrétiens embaumaient leurs morts et faisaient brûler des aromates sur leurs tombeaux.

Au début du moyen âge, l’embaumement ne paraît pas avoir été en usage, mais on lavait les corps de vins épicés et on les cousait dans des peaux de cerf avant de les ensevelir.

L’embaumement n’apparaît qu’au début du XIVe siècle, en France, et seulement pour les personnages riches ou illustres.Il en est encore de même aujourd’hui. La coutume de brûler des parfums dans les chambres mortuaires a été également très développée chez nous au cours des siècles précédents. Nous reproduisons un curieux brûle-parfum sur monté de la couronne de France. Il est dû au fameux artiste Bérain (1630-1711).

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