Richard-Francis Burton (1821-1890)

Nécrologie publiée dans La Science Illustrée N°157du 29 Novembre 1890
Samedi 14 février 2009 — Dernier ajout jeudi 5 septembre 2024
Richard-Francis Burton

Richard-Francis Burton, qui est mort le 20 octobre dernier à Trieste où il était consul d’Angleterre, fut l’un des voyageurs les plus intrépides et les plus remarquables de ce siècle. Ses découvertes en Afrique le placent parmi les grands explorateurs. Il fut en même temps écrivain et linguiste, et les ouvrages qu’il a laissés sont très nombreux.

Richard Burton était né le 19 mars 1821 à Barham­ House, dans le comté de Herts. De fort bonne heure, il voyagea en France, en Suisse, en Allemagne, en Italie, et il apprit ainsi plusieurs langues. En 1842, il se mit au service de la Compagnie des Indes et reçut le grade de lieutenant dans un régiment indigène. Là, il étudia les langues orientales avec une ardeur incroyable. Envoyé dans le Sind, en 1844, il publia plusieurs ouvrages sur ce pays qu’il avait longuement visité. Il apprit la langue parlée à Moultan et en écrivit une grammaire ; il fit des excursions chez les tribus les moins connues, comme les Beloch et les Brahui, sous les haillons d’une robe de derviche. Mais, après sept années de cette vie active, il fut atteint d’une ophtalmie et dut rentrer en Europe ; il résida principalement en France.

Plus tard, il songea à visiter Médine et La Mecque, où aucun Européen n’avait pu pénétrer depuis le voyageur suisse Burckhardt. Il reçut pour cette entreprise l’appui de la Société de géographie de Londres, et s’embarqua pour Suez en 1853. Il voyagea en se faisant passer pour un véritable musulman et il put soutenir jusqu’à la fin ce rôle difficile sans être reconnu.

Burton organisa ensuite une expédition dans le pays des Somali, avec le lieutenant Speke comme second, et deux officiers indiens, les lieutenants Stroyan et Herne. Son but était de visiter Harar, qu’une trentaine de voyageurs avait vainement tenté d’atteindre, Il y réussit, déguisé en Arabe, et put donner, le premier, une description fidèle de cette mystérieuse cité. Mais il eut horriblement à souffrir, dans le désert, du manque d’eau et de vivres, et l’expédition se termina d’une façon désastreuse. Les voyageurs furent attaqués de nuit à Berbera par les naturels, Stroyan fut tué, Burton et Speke furent grièvement blessés et parvinrent non sans peine à s’échapper. A son retour en Angleterre, Burton publia un ouvrage qui contient une grammaire du dialecte de l’Harar. Après ce voyage, il fut envoyé en Crimée comme chef de l’état-major de la cavalerie irrégulière.

Le plus célèbre voyage de Burton fut celui qu’il entreprit dans la région des grands lacs de l’Afrique, dont quelques voyageurs avaient seulement soupçonné l’existence et du côté desquels on espérait découvrir les sources du Nil.

En 1856, la Société de géographie de Londres le chargea de reconnaître les grands lacs, d’en relever la position exacte et de les étudier au point de vue géographique et commercial ; le but était en réalité la recherche des sources du Nil. Burton se fit adjoindre le capitaine Speke, et les deux voyageurs débarquèrent à Zanzibar le 19 décembre 1856, mais ils ne commencèrent leur voyage qu’en juin 1857. Ils employèrent ce temps à recueillir des informations et à étudier le kisaouahili, langue qui se parle sur la côte du Zanguebar. Ils passèrent par Zoungomero et Kazeh, et suivirent en partie la vallée d’une grande rivière qui coulait vers l’ouest ; puis, un jour, ayant remarqué un scintillement brillant à travers des feuillages, ils virent bientôt apparaître les eaux d’un lac immense. C’était le lac que les indigènes appellent Tanganyika, et les Arabes, Oudjidji, du nom d’une ville de la côte orientale. Burton et Speke l’explorèrent dans sa partie septentrionale, mais ils ne purent en atteindre l’extrémité. Onze semaines après le jour où ils virent le Tanganyika, les deux voyageurs revinrent vers Kazeh.

Speke avait souffert de la fièvre pendant la première partie du voyage. Burton, atteint à son tour, dut s’arrêter. Pendant ce temps, Speke se remettait en route, le 9 juillet 1858, à la recherche d’un autre lac que l’on disait aussi grand que le Tanganyika et dont les marchands arabes affirmaient l’existence à quelques journées de marche au nord de Kazeh. Speke y arriva après vingt-cinq jours ; c’était le lac Victoria­ Nyanza. D’après les renseignements qu’il recueillit, il pensa que le Nil se reliait à ce lac et, à son retour auprès de Burton, il lui déclara qu’il avait trouvé les sources du Nil. Les preuves qu’il en donnait étaient, à vrai dire, insuffisantes, mais le capitaine Burton en conçut un véritable dépit et ce fut la cause d’une rupture entre les deux voyageurs.

En avril 1860, le capitaine Burton partit pour les États-Unis qu’il traversa d’une mer à l’autre. Il visita le pays des Mormons et la Californie. La carrière militaire de Burton finit en 1861. Il se maria à cette époque. Nommé consul d’Angleterre dans la baie de Biafra, il fit l’ascension du mont Cameroun qu’aucun Européen n’avait tentée.

En 1863, le capitaine Burton pénétra sur le territoire des Fan, peuplade anthropophage que du Chaillu avait fait connaître. Il eut aussi à remplir une mission difficile auprès du roi de Dahomey. Nommé consul à Sao-Paulo, au Brésil, à la fin de 1864, Burton explora sa province, ainsi que la République Argentine, les rivières de la Plata et du Paraguay, et il traversa les Pampas et les Andes du Chili et du Pérou. Consul à Damas de 1868 à 1872, il en profita pour visiter la Syrie. Il fit une excursion en Islande et passa ensuite au consulat de Trieste. En 1876 et 1877, Burton visita le Midian et, en 1882, il fit avec le commandant Cameron une exploration dans la colonie de la côte d’Or, sur la côte de Guinée. En 1885, il a fait un voyage au Maroc.

Le capitaine Burton a donc fourni, comme voyageur, une remarquable carrière. Il avait les qualités qui permettent les grandes entreprises, l’intrépidité et la vigueur physique, la prudence et le sang-froid , l’habitude d’observer. Il s’était toujours adonné aux exercices du corps et avait acquis une grande supériorité dans l’escrime et l’équitation. Travailleur infatigable, il connaissait une trentaine de langues et il laisse des récits de tous ses voyages. Il a fait aussi diverses publications littéraires, entre autres des traductions des Œuvres de Camoëns et des Mille et une Nuits. Une semaine environ avant la mort du capitaine Burton, paraissait son dernier ouvrage : Tales for my Grandchildren.

Gustave Regelsperger

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