Le moteur Aspin

H. Vigneron, La Nature N°3025 — 15 mai 1938
Samedi 3 février 2018 — Dernier ajout mercredi 25 septembre 2019
Fig. 1 - Coupe axiale et coupe transversale de la chambre d’explosion du moteur Aspin.

Les efforts des constructeurs pour améliorer le rendement des moteurs à explosion ont porté sur deux points principaux : la forme et la dimension des cylindres et des pistons d’une part (super-culasses, pistons en diverses matières, à profils différents, etc. ) et sur le mode d’ouverture de la chambre de combustion (soupapes, chemises coulissantes, etc. ) La Société Aspin à Bury (Lancashire) a réalisé un nouveau moteur comportant une chambre de combustion rotative constituant en même temps un distributeur tournant.

D’après Shell Aviation News auquel nous empruntons les renseignements suivants, les résultats déjà obtenus, qui sont relatifs à un moteur d’expérience, sont des plus intéressants.

Le principe du moteur est extrêmement simple et représenté sur la figure I. Le fond du cylindre a la forme d’une coupe conique sur les côtés de laquelle viennent aboutir les tuyaux d’admission et d’échappement et qui porte également la bougie d’allumage. Dans ce logement conique tourne une pièce massive en aluminium coulé dans une coquille en acier et dans laquelle une cavité excentrée joue le rôle de chambre d’explosion. La partie axiale porte un petit arbre sur lequel est monté l’engrenage de commande de la rotation. Le cycle du moteur est représenté par la position relative de la chambre d’explosion d’une part et d’autre part de la bougie et des orifices d’admission, d’échappement. La figure 2 montre les divers temps du moteur et la position correspondante de la chambre d’explosion qui, naturellement, dans un moteur 4 temps est commandée par un engrenage qui la fait tourner à la demi-vitesse du moteur.

Les avantages de ce système sont théoriquement très importants. Tout d’abord, par suite de l’équilibrage des pièces et de la suppression des organes non équilibrés (tiges de soupapes en particulier) le moteur peut tourner facilement à très grande vitesse. Dans des essais dont nous parlerons plus loin, la vitesse de 14.000 tours par minute a été dépassée sans suralimentation. La culasse tournante élimine les points chauds et la haute turbulence qu’elle permet d’obtenir suppriment pratiquement la détonation. On peut ainsi marcher avec des combustibles à faible nombre d’octane (68 dans les expériences) et des taux de compression très élevés (14). La suppression des soupapes et. le ’grand rapport de détente permettent l’emploi de mélanges très pauvres. La température d’échappement est extrêmement basse et on n’observe pas de ’flammes il la tubulure d’échappement. La fatigue de la bougie due à l’action de la chaleur est également diminuée puisqu’elle n’est en contact avec la chambre de combustion que pendant un bref instant à chaque tour.

Mais les difficultés pratiques sont par contre considérables elles aussi. La chambre de combustion rotative tourne dans la partie la plus chaude du cylindre et reçoit la pression maxima des gaz. C’est-à-dire qu’elle doit résister à la fois aux actions mécaniques et aux effets de la température. De plus, les surfaces en frottement sont considérables et la lubrification à température aussi élevée devient un problème particulièrement délicat.

Dans le moteur d’essai monocylindrique dont les caractéristiques sont les suivantes : capacité 249 cm³, alésage 67 mm, course 70 mm, taux de compression 14, le cône tournant était porté par deux roulements à billes à la partie inférieure, encaissant la pression initiale des gaz, et en plus par un roulement fixe en bout d’arbre. Au-dessus de ce dernier roulement un ressort travaillant en compression tend toujours à repousser le cône sur son siège dans la tête de cylindre de façon à assurer l’étanchéité et à rattraper automatiquement le jeu dû à l’usure normale. Celle-ci dans le moteur d’essai, après 2.000 heures d’essais très durs a donné une composante verticale de seulement 1 mm.

Fig. 2. Schéma de la distribution du moteur Aspin. Les différentes positions du distributeur.

La lubrification du cône tournant est obtenue au moyen d’une gorge creusée sur l’arbre, entre les deux roulements à billes inférieurs et le sommet du cône et alimentée par la pression d’huile venant des roulements. Une dérivation conduit également le lubrifiant à un trou transversal qui alimente deux fois par tour des rainures de distribution que porte la tête fixe du cylindre. On obtient ainsi non seulement un bon graissage, mais, grâce au filet d’huile, une étanchéité parfaite de la culasse.

Les résultats obtenus ont été absolument étonnants et nous les résumons ci-dessous : puissance maxima à 10.000 tours, 31 ch (soit 124 ch au litre de cylindrée et pression moyenne efficace 11,25kg) ; consommation d’essence à 68 d’octane pour une puissance de 12 ch à 5.000 tours : JI4 gr au cheval correspondant à un rendement thermique de 50,8 %.

La Société Aspin, encouragée par ces résultats, a construit un petit moteur à 4 cylindres (fig. 3) en double flat-twin , opérant suivant les mêmes principes. Sa cylindrée totale est de 1,731 L et il développe 80 ch à 5.000 tours, avec un taux de compression de 10,2 et une consommation horaire par cheval de 145 g.

Enfin, on a réalisé un moteur à 8 cylindres de 4,75 L de cylindrée, destiné à la traction automobile et pour lequel on envisage des vitesses de rotation moins élevée et un taux de compression plus faible. Il sera curieux de voir les résultats obtenus.

Il est certain que ceux rappelés plus haut sont tout à fait sensationnels, mais ils ne comprennent pas la consommation d’huile, qui doit être très élevée, ni la durée du fonctionnement avant usure anormale, facteurs qui cependant ont aussi une très grande importance.

H. Vigneron

Fig, 3. - Coupe longitudinale d’un moteur Aspin à 4 cylindres.
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