Le collier

La Science Illustrée N° 673, 20 Octobre 1900
Vendredi 27 février 2009

Le collier a figuré de tout temps, comme objet de toilette, dans l’histoire de la vie privée de toutes les nations.

Aux époques préhistoriques, les colliers de dents d’animaux ou de coquillages, que l’on trouve à côté des ossements jaunis, constituaient, sans doute, un insigne du pouvoir. Nous retrouvons une survivance de cette coutume dans les colliers des ordres de chevalerie comme la Toison d’Or, Saint-Jacques de l’Epée, etc., dans les colliers des huissiers et de quelques autres fonctionnaires subalternes.

Mais le collier appartient surtout à l’histoire de la parure. Ce fut, de bonne heure, un ornement. Chez plusieurs peuples de l’antiquité, surtout chez les Perses et les Egyptiens, les hommes le portaient aussi bien que les femmes. Chez les Egyptiens, notamment, ils étaient d’une grande richesse et atteignaient une extrême perfection.

On fabriquait spécialement des colliers funéraires qu’on passait au cou des morts. Les statues de divinités et de grands personnages que possèdent nos musées sont ornées de colliers volumineux et à rangs nombreux, se terminant presque toujours par une sorte de larme pendante.

Les orfèvres grecs montrèrent aussi une étonnante habileté dans la confection des colliers qui étaient alors très variés de formes. Il y en avait à trois pendeloques, à clochettes, à perles, à larmes, à étoiles, à croissants.

Chez les Romains, le collier préféré était le baccatum ou collier à baies formé de baies de fruits et de grains de verre coloré. D’autres sont constitués par des médaillons de métal, des camées, des perles, des fils d’or, des émeraudes, etc. .

A Rome, on distribuait souvent des colliers d’une forme particulière aux soldats que l’on voulait récompenser. Dans les armées, des colliers servaient également d’insigne à certaines classes d’officiers.

Un grand luxe était alors de mettre au cou des chevaux des colliers somptueux.

Les colliers de grenats étaient doués, disait-on, de vertus magiques ; on en faisait des talismans, des amulettes dont nous serions mal fondés à nous moquer, car nous voyons encore chaque jour autour de nous, des femmes mettre au cou de leur enfant un collier de grains d’ambre, destiné à leur épargner les convulsions. La superstition est de tous les temps et de tous les pays. On ne détruit l’une avec peine que pour en voir renaître une autre !

Ne quittons pas ce sujet sans indiquer les bulles, aplaties et creuses, que portaient au cou les jeunes Romains pour conjurer le mauvais sort. Certaines avaient jusqu’à cinq centimètres de diamètre. Elles étaient formées de deux plaques d’or accolées, ou, suivant la fortune des parents, de plaques d’argent, de cuivre, ou même tout simplement de lames de cuir.

Chez les Gaulois, le collier était un insigne militaire. De grande taille, il était fait de forts fils de métal tordus.

Chez les premiers chrétiens, on retrouve la bulle des Romains sous forme d’un petit reliquaire pendu au cou et contenant des reliquaires destinés à préserver leur propriétaire des malheurs et des maladies. Chaque saint avait sa vertu particulière ; celui-ci était particulièrement favorable aux goutteux et podagres, cet autre incomparable pour la lèpre ou le mal de dents.

Le moyen âge fut la grande époque des colliers. Souvent le collier servit de récompense militaire, mais c’était surtout un indispensable accessoire de la parure que portaient les hommes aussi bien que les femmes. L’or et les pierreries entraient dans la confection de ces « carquans » ou « carcans », comme on les nommait alors.

La nature des pierres dont ils étaient formés n’était pas indifférente. Un collier d’agate porté par une femme en situation intéressante passait pour favoriser son accouchement ; un collier de perles conservait la vue, la jade guérissait les coliques, l’émeraude les palpitations de cœur ; l’hyacinthe préservait de la peste.

Dès la fin du XVe siècle, le collier est devenu exclusivement une parure de femme qui a suivi, comme toutes les autres, les fluctuations de la mode.

L’orfèvrerie et la joaillerie s’en sont tour à tour emparés. Au début du moyen âge, l’émaillerie domine. Au XVIe siècle, la ciselure prend une place très importante dans l’art de l’orfèvre ; les lettres, chiffres, monogrammes et même les devises apparaissent dans les colliers. Pendant les deux siècles suivants, les pierres précieuses y dominent ; le collier est une œuvre de joaillerie.

Notre époque plus éclectique, mélange agréablement le travail de l’orfèvre et celui du joailler, comme dans ce beau collier de Froment-Meurice que reproduit notre gravure.

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