Les mouvements des étamines de l’épine-vinette

Ferdinand Faideau, La Science Illustrée N°339 - 26 Mai 1894
Dimanche 9 novembre 2014 — Dernier ajout mardi 30 janvier 2018

Les haies et les buissons sont, au mois de mai, dans tout l’éclat de leur parure. L’aubépine est couverte d’un blanc manteau de fleurs odorantes, les lilas dressent leurs grappes au milieu de leur feuillage d’un vert gai et la viorne obier porte à l’extrémité de ses rameaux ses jolis groupes de fleurs si justement nommés boules-de-neige.

Plus loin, l’épine-vinette aux feuilles dentées vertes ou violacées laisse pendre ses épis de fleurs d’un beau jaune d’or. C’est justement elle que nous cherchions ; elle est assez commune loin des cultures, mais on la détruit de plus en plus, et avec raison, car c’est sur elle que se développe d’abord le champignon microscopique qui produit la rouille du blé.

Malgré les nombreuses épines qui protègent l’arbuste, cueillons une grappe de ses fleurs. En examinant l’une d’elles avec soin, nous remarquons un calice à six sépales peu différents des six pétales qui forment la corolle, six étamines placées chacune vis-à- vis le milieu d’un pétale et appliquées contre lui, enfin, au centre, un ovaire allongé, ayant la forme d’une petite bouteille et surmonté d’un stigmate.

Avec la pointe d’une épingle touchons doucement la base d’une des étamines, nous la verrons quitter brusquement le pétale sur lequel elle était appuyée pour venir appliquer son extrémité renflée ou anthère contre le stigmate ; en même temps, si l’anthère est mûre, il en sort, par une espèce de petit panneau soudainement ouvert, un léger nuage de pollen qui vient recouvrir le stigmate ; si l’ébranlement est trop violent, le mouvement gagne rapidement de proche en proche les autres étamines qui s’abattent successivement et entourent l’ovaire comme pour le protéger.

Le contact de l’épingle a donc eu trois effets également remarquables : 1° il a fait ouvrir les anthères jusque-là fermées ; 2° il a fait décrire à l’anthère un arc de cercle du pétale au stigmate ; 3° la poussière fécondante a été lancée.

Voilà, certes, de curieux mouvements ; nous allons essayer d’en déterminer la cause. En regardant à la loupe la base des pétales, sur une fleur non encore ouverte, nous verrons que chacun d’eux porte deux petits bourrelets ou plutôt deux petites glandes entre lesquelles le filet d’une étamine est pincé et maintenu. À mesure que les enveloppes florales s’épanouissent, les étamines, serrées par les glandes, sont forcées de suivre le mouvement d’expansion des pétales et s’étalent avec eux ; mais leur captivité n’est pas très étroite et, comme nous l’avons vu, le moindre frottement amène leur délivrance.

Ne croyons pas cependant avoir tout expliqué, car si nous regardons de nouveau, après lui avoir accordé quelques minutes de repos, la fleur qui a déjà servi à notre expérience, nous verrons que les étamines ont repris à peu près leur position près des pétales pour la quitter ensuite au moindre attouchement.

Il y a donc là un phénomène particulier de sensibilité, d’ailleurs la répétition trop fréquente des excitations ou un vent violent rendent les étamines insensibles pour longtemps.

L’utilité de ces mouvements pour la plante est manifeste. Dans ces fleurs pendantes, les anthères, relativement éloignées de l’ovaire, laisseraient tomber à terre leur pollen et les ovules auraient peu de chances d’être fécondés. Grâce à cette disposition l’anthère est maintenue fermée et garde précieusement son pollen pour le déposer directement sur le stigmate quand le contact d’un insecte ou un vent léger lui donnera l’impulsion nécessaire ou même simplement quand, à la maturité, son filet, devenu plus mince par l’évaporation de l’eau qu’il contient, pourra se glisser entre les deux glandes qui le retenaient prisonnier.

Les étamines de toutes les autres plantes de la famille des berbéridées possèdent, comme celles de l’épine-vinette (berberis communis) cette remarquable sensibilité. On pourra, par exemple, le constater sur le mahonia à feuilles de houx (M. aquifolia), bel arbuste, si commun dans les jardins.

Ferdinand Faideau

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