Les bénitiers à tire-lire et à tourniquet dans les temples de l’ancienne Égypte

A. de Rochas, La Nature N°460 — 25 mars 1882
Samedi 4 octobre 2014 — Dernier ajout mardi 7 octobre 2014

On trouve dans la Nature [1] la description d’une tire-lire américaine qui distribuait automatiquement aux visiteurs de l’Exposition de Philadelphie des photographies d’hommes célèbres, sous la condition de déposer dans l’appareil un certain nombre de pièces de cinq cents.

C’était là une invention renouvelée des prêtres égyptiens, qui vendaient, il y a deux mille ans, de l’eau bénite aux fidèles par un procédé analogue.

Voici comment Héron d’Alexandrie décrit la tire-lire sacerdotale dans son Traité des Pneumatiques : « IL Y A DES VASES A ABLUTIONS TELS QUE, SI L’ON Y JETTE UNE PIÈCE DE CINQ DRACHMES, IL S’EN ÉCOULERA DE L’EAU POUR LES ABLUTIONS. » (fig. 1).

Soit un vase à ablutions ou un coffre ABΓΔ dont l’orifice A s’ouvre à la partie supérieure. Dans ce coffre se trouve un vase ZHΘK contenant de l’eau et un petit cylindre Δ, fermé par le bas, d’où part un tuyau ΛM qui débouche à l’extérieur. Près de ce vase on place une règle verticale NΞ autour de l’extrémité supérieure de laquelle se meut une autre règle OΠ terminée en O par un plateau R parallèle au fond du vase. À l’autre bout Π est suspendu un couvercle Σ qui s’ajuste au cylindre Λ de manière à empêcher l’eau de couler par le canal Λ M. Il faut que ce couvercle soit plus lourd que le plateau R mais plus léger que le plateau et la pièce de monnaie.

Quand on jette une pièce par l’orifice A elle tombe sur le plateau et son poids fait incliner la règle OΠ, ce qui fait soulever le couvercle et couler l’eau ; mais, la pièce coulant ensuite au fond, le couvercle bouche de nouveau le cylindre et arrête l’écoulement.

Il y avait encore d’autres bénitiers qui étaient à tourniquet. Voici ce qu’en dit l’ingénieur alexandrin :

« ON PLACE DANS LES SANCTUAIRES ÉGYPTIENS PRÈS DU PORTIQUE DES ROUES DE BRONZE MOBILES QUE CEUX QUI ENTRENT FONT TOURNER PARCE QUE L’AIRAIN PASSE POUR PURIFIER. IL CONVIENT DE LES DISPOSER DE TELLE MANIÈRE QUE LA ROTATION DE LA ROUE FASSE COULER L’EAU POUR L’ABLUTION DONT ON VIENT DE PARLER. »

Soit ABΓΔ un vase à eau, caché derrière un des jambages de la porte d’entrée (fig 2). Ce vase est percé au fond d’un trou E et sous ce rond est fixé un tuyau ZHΘK ayant également un trou en face de celui du fond et dans lequel on place un autre tuyau ΛM fixé en A à ce même tuyau ZHΘK ; le tuyau ΛM est percé d’un trou Π en regard du trou E. Entre ces deux tuyaux, on en adapte un troisième NΞOR mobile à frottement sur chacun d’eux et qui a un trou Σ en regard de E.

Si ces trois trous se trouvent en ligne droite, quand on versera de l’eau dans Le vase ABΓΔ, elle coulera par le tuyau ΛM ; mais, si on fait tourner le tube NΞOR de manière à déplacer le trou Σ, l’écoulement cessera. Il suffit donc de fixer la roue NΞOR pour qu’en la faisant tourner, l’eau coule.

Cet ingénieux système de robinet à plusieurs entrées a été reproduit au seizième siècle par Jacques Besson dans son Theatrum instrumentorum et machinarum. Besson l’appliquait à un tonneau muni de cloisons qui donnait à volonté des liqueurs diverses par le même orifice. Quelques années plus tard, Denis Papin le proposait pour les machines à vapeur à haute pression ; en se perfectionnant il est devenu le tiroir de Watt.

Albert de Rochas d’Aiglun

[1Voy. n° 209 du 2 juin 1877, p. 13.

Revenir en haut