Thomas Alva Edison

Galerie Comtemporaine de L’ÉLECTRICITÉ - N°12 - 20 Septembre 1878
Samedi 14 février 2009 — Dernier ajout mardi 6 février 2024
Thomas Alva Edison

Nous ne pouvons plus utilement commencer nos études que par le grand électricien qui, par l’invention du phonographe, a mérité aux yeux du public le grand prix de l’Exposition universelle, et qui méprise assez les jurys incompétents pour ne pas réclamer si on lui refuse une autre récompense.

Edison naquit au mois de février 1847, de parents peu fortunés, exerçant la profession agricole à Milan, dans l’Ohio.

Il ne reçut d’autre éducation que celle des écoles primaires, et, forcé de gagner son pain dès l’âge de onze ans, il se fit marchand de journaux à bord des trains qui circulent sur le Great Traurck Railway.

Grâce à son intelligence, il ne tarda pas à employer un certain nombre de boys et devint comme une sorte d’entrepreneur de la vente en gros.

Après quelques années de ce commerce, il conçut l’idée de noircir lui-même le papier qu’il vendait aux voyageurs, et il créa une feuille ambulante qu’il tirait à la brosse après l’avoir composée avec des caractères dont il avait fait l’acquisition.

Le journal d’Edison attira à ce point l’attention publique que le Times de Londres en fit mention comme une des plus grandes singularités que l’esprit américain eût enfantées dans le Far-West.

Une spéculation aussi originale ne pouvait manquer d’obtenir un certain succès.

Edison arriva bientôt à un tirage hebdomadaire de sept cents numéros. Mais il eut la malencontreuse idée de publier une histoire scandaleuse arrivée à une dame habitant une des stations du railway, ce qui lui attira une fâcheuse affaire, à la suite de laquelle il renonça au journalisme.

Obligé de se créer une nouvelle profession, il eut l’heureuse inspiration de s’adresser à l’électricité et de se faire télégraphiste. Mais comme il n’était pas facile de se procurer une situation, il ne trouva qu’une place d’opérateur de nuit.

La vue des merveilles de l’électricité ne tardant point à stimuler son génie inventif, il proposa à son chef de construire un appareil qui permettrait de transmettre simultanément une dépêche dans chaque sens à l’aide d’un seul fil.

Cet homme crut que son employé avait perdu la tête quand il le vit lui proposer une pareille énormité ; craignant qu’il ne se livrât à quelque acte de folie compromettant, il lui donna son compte.

Mais tout le monde n’apprécia pas si sévèrement l’invention d’Edison.

Un flibustier industriel ayant assez d’intelligence pour comprendre l’invention que le jeune Edison eut la naïveté de décrire devant lui, prit sans façon un brevet en son nom personnel et accapara tous les bénéfices qu’il put en tirer.

Edison, voyant que toutes ses réclamations étaient inutiles, reprit son métier d’opérateur.

L’affaire ayant fait quelque bruit, Edison trouva moyen de persuader à son nouveau patron qu’il avait imaginé un excellent moyen pour permettre à deux trains de communiquer l’un avec l’autre. Mal conduites, les expériences aboutirent à une collision dont les conséquences furent graves. Edison n’eut que le temps de se dérober à la colère de ceux qui avaient eu l’imprudence de suivre des avis par trop enthousiastes.

Malgré ces débuts peu encourageants, Edison n’en continua pas moins sa carrière d’inventeur. Nous ne le suivrons point en ce moment dans cette série brillante et féconde de travaux de toute nature. Déjà nos lecteurs ont pu apprécier une partie de ses découvertes, et celles dont nous n’avons point encore parlé viendront l’une après l’autre figurer dans nos colonnes, au fur et à mesure qu’un incident ou un perfectionnement quelconque appellera sur elles l’attention universelle.

Nous nous bornerons à dire que l’ingénieux Américain possède actuellement un laboratoire à Menloo Park, dans le Connecticut.

La seule occupation d’Edison est d’inventer, et il occupe constamment une douzaine d’ouvriers à exécuter les appareils nécessaires aux constructions qu’il modifie sans relâche.

Il est sans exemple qu’il ait fait construire une pièce semblable à deux reprises successives.

Ces ouvriers sont donc forcément doués d’une grande intelligence. Il a pris successivement parmi eux deux collaborateurs.

Le premier est un mécanicien nommé Batchelor, qui eut l’honneur d’accompagner Edison quand il présenta son phonographe à l’Académie nationale de Washington.

Le second est un ancien matelot nommé M. Adams, qui représente Edison à l’Exposition universelle.

En effet, au lieu de venir à Paris pour jouir d’un triomphe si bien mérité, Edison a fait le voyage des Montagnes Rocheuses afin de prendre part aux observations relatives à la grande éclipse de soleil.

Nous donnerons dans notre prochain numéro, le compte-rendu des observations importantes qu’il fit dans cette circonstance mémorable.

Nous nous bornerons à mettre en comparaison cet empressement à tirer parti d’un phénomène étranger à ses études ordinaires, avec la conduite des astronomes qui, ayant franchi l’Atlantique pour observer le passage de Mercure, n’ont pas eu la patience d’attendre l’éclipse de soleil, et ont déserté le champ de bataille scientifique, où le plus grand des astronomes français devait obtenir, après sa mort, le complément du triomphe que lui valut, il y a trente-deux ans, la découverte de la planète Neptune.

Edison est en outre retenu dans les Montagnes Rocheuses par des recherches d’un autre genre, la détermination par l’électricité de la puissance des filons d’argent qui sont renfermés dans les profondeurs de la terre.

Si les espérances de l’homme qui est parvenu à enchaîner la nymphe Echo sur une plaque de métal, ne sont point chimériques, les yeux de l’homme seront armés d’un instrument analogue au télescope, et permettant de sonder, d’une façon encore plus merveilleuse les profondeurs des abîmes sur lesquels reposent les Républiques et les Empires.

Beaucoup de journaux ont raconté qu’Edison était un inventeur aux gages d’une compagnie financière. Il y a quelque chose d’incomplet et d’erroné dans cette explication.

Edison est employé par la compagnie télégraphique de Western­ Union, qui lui paie un salaire de 100 dollars par semaine, afin d’avoir le droit de lui acheter ses inventions électriques à prix fixé par un arbitre.Si la compagnie renonce à exercer ce droit, Edison a le droit d’exploiter directement.

C’est ainsi qu’il est resté propriétaire du brevet de la plume électrique.

Il a été concédé à M. Beetlee, qui a établi, rue de la Bourse, un office spécial pour savants sous l’enseigne de la Plume électrique.

Quant au brevet du phonographe, qui n’a rien d’électrique, la compagnie n’a point eu à s’en occuper.

L’exploitation a été donnée pour l’Europe à M. Puskas, gentleman hongrois qui l’a fait fonctionner devant l’Académie des sciences, et que quelques membres de ce perspicace Sénat ont pris trop longtemps pour notre amour-propre national, pour un habile ventriloque.

Wilfrid de Fonvielle

Revenir en haut