Le Cominges préhistorique. L’art mobilier magdalénien à Ganties-Montespan

F. Trombe et G. Dubuc, La Nature N°2982 — 1er août 1936
Samedi 17 août 2013

La majeure partie des vestiges préhistoriques que contient la grotte de Ganties à Montespan (Haute-Garonne) se trouve dans ses galeries les plus profondes ; leur accès plus ou moins pénible nécessite toujours une immersion partielle dans la rivière souterraine en activité qui relie les entrées amont et aval de la caverne. Il est donc peu probable que ce réseau souterrain ait pu, à l’époque magdalénienne, âge des vestiges préhistoriques, constituer l’abri habituel des tribus qui l’avaient orné. Cette hypothèse se trouve confirmée par l’existence, à proximité de la grotte de Ganties à Montespan (rivière du Hountaou), de la caverne de Lespugue à Ganties, et des abris de la Roque à Montespan, dont l’accès aisé et l’emplacement permettaient un habitat facile. La carte (fig. 1) montre le voisinage immédiat des souterrains.

La caverne de Lespugue, située au midi, à flanc de colline, est abritée à l’ouest et à l’est par les prolongements du massif calcaire dans lequel disparaît le ruisseau du Hountaou ; elle domine de 20 à 25 m la base du cirque montagneux qui draine ses eaux vers la rivière souterraine, et dont le fond était probablement, avant la formation de celle-ci, occupé par un lac.

La salle d’entrée de Lespugue, peu profonde, surplombe par un large porche (fig. 2) une terrasse inclinée d’où l’on découvre au loin les premiers contreforts pyrénéens. La plancher est sensiblement horizontal et la voûte à hauteur d’homme. Un couloir incliné et une faille verticale de 6 à 7 m de profondeur permettent d’accéder aux salles inférieures.

Des fouilles effectuées dans les couloirs descendant de la salle supérieure (fig. 3), et dans les salles inférieures (fig. 3), ont donné à M. Cazedessus, instituteur, habitant Labarthe-Inard (Haute-Garonne), d’excellents résultats ; sous les premières couches gauloises, gallo-romaines et néolithiques, assez riches d’ailleurs, une quatrième couche a fourni de nombreux silex de facture franchement madgalénienne, et divers objets caractéristiques de la même époque, parmi lesquels :

Des aiguilles d’os très fines ; l’une en particulier (fig. 4), longue de 90 mm et percée d’un chas, put être retirée absolument intacte du gisement ;

Quelques bâtons de commandement, dont un seul entier ;

Des baguettes ornées d’incisions symétriques (fig. 4) et des dents de bovidés percées et entaillées (fig. 4) ; Quelques dessins sur os, schiste ou calcaire, dont la facture rappelle celle des gravures pariétales de la grotte de Ganties à Montespan.

Le lieu dit de la Roque (fig. 1) fait partie de la commune de Montespan. Il doit son nom à un éperon rocheux qui s’avance au milieu des prairies, le long de la rive droite de la Garonne, à l’altitude de 320 m environ ; dans ce bloc calcaire, au sud, à l’ouest et surtout au nord, ouvrent quatorze abris de petites dimensions, presque entièrement comblés par les terres entraînées du plateau supérieur.

Suivant M. Cazedessus, malgré la proximité d’un fleuve poissonneux et l’excellente situation dans la falaise de ces nombreux abris, leur exiguïté a rendu impossible un habitat préhistorique stable ; ils n’auraient servi que de bref refuge aux tribus de la fin du Paléolithique, venues des cavernes plus importantes de Ganties (grotte de Lespugue), de Marsoulas, et peut-être, en période sèche, de la rivière souterraine du Hountaou.

Dans les abris de la Roque, MM. Cazedessus et Peyrony, en 1925, et, en 1929-1930, MM. Cazedessus et Mothe, ont procédé à de nombreuses fouilles, rendues très laborieuses par un remplissage important des cavités.

Les silex trouvés abondamment au début des recherches sont de facture azilienne [1] et magdalénienne ; les dernières fouilles ont mis à jour, en particulier, de nombreuses plaques de schiste : M. l’abbé Breuil mentionne l’existence de plaques de grès portant à une extrémité des traces de brûlures, dans le couloir resserré donnant, accès à la caverne des Trois-Frères (Ariège) ; les plaques seraient, selon lui, des bougeoirs sur lesquels des mèches imprégnées de graisse joueraient le rôle de chandelles. Il se peut que les plaques de schiste trouvées à la Roqué aient été utilisées de la même façon pour l’exploration de cavités profondes comme la rivière souterraine du Hountaou. Plusieurs pièces d’un intérêt archéologique et même artistique indéniable ont été également découvertes dans les abris de la Roque (fig. 5) :

Un harpon décoré de stries possédant un rang de barbelures ;

Une sagaie en biseau ;

Une base de harpon très décorée ;

Une baguette demi-ronde striée obliquement du côté plat, et décorée de têtes de chevaux vues de profil sur la face bombée ; en bout un dessin symétrique rappelle les ornementations d’une baguette trouvée à la grotte de Lespugue (fig. 5).

Les têtes de chevaux très finement tracées ressemblent beaucoup à une gravure pariétale de dimensions plus importantes (fig. 6) relevée dans la partie aval de la rivière souterraine du Hountaou (grande galerie préhistorique).

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Des comparaisons des différents vestiges préhistoriques

des cavernes et des abris que nous venons de décrire, il apparaît nettement que les tribus qui les ont fréquentés au Paléolithique supérieur ont été également celles qui ont laissé tant de manifestations artistiques dans la grotte de Ganties à Montespan ; celle-ci aurait été probablement, pour les Magdaléniens qui vivaient soit à Lespugue, soit dans les abris de la Roque, la grotte-sanctuaire, connue seulement par les initiés ou les magiciens de la tribu dans ses galeries les plus profondes ; galeries où nous retrouvons maintenant la trace des pas des Magdaléniens, et sur les parois, sur le sol, dans la glaise ou dans le roc, les vestiges de nombreuses scènes d’envoûtement.

F. Trombe et G. Dubuc.

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