Expériences de M. Tesla sur les courants alternatifs de grande fréquence

E. Hospitalier, La Nature N°950 — 15 Aout 1891
Dimanche 23 octobre 2011 — Dernier ajout samedi 25 novembre 2017

En dehors du cercle assez restreint des savants, des ingénieurs électriciens et d’un certain nombre de praticiens spécialistes, les notions générales relatives au courant électrique sont limitées à la loi d’Ohm et à ses conséquences les plus évidentes.

Les phénomènes de l’hydraulique permettent de se rendre, par comparaison, assez exactement compte de ce qui peut se passer dans un circuit présentant des résistances fixes, soumis à des forces électromotrices constantes et connues, et l’on s’en tient là généralement, comme conception et représentation matérielle des phénomènes électriques.

L’étude des courants alternatifs ordinaires a montré qu’il n’en allait plus de même avec ces courants alternatifs, et que si la loi d’Ohm leur était encore applicable dans toute sa rigueur, elle ne pouvait l’être qu’en faisant intervenir certains facteurs dont l’influence est absolument nulle dans le régime permanent établi sous l’action de forces électromotrices constantes. Les lois de la propagation du courant se sont trouvées singulièrement modifiées, et leur étude théorique et pratique a conduit à des applications dont le développement, pourtant si remarquable, n’est rien, cependant, en comparaison de celui qui leur est réservé dans un avenir prochain. Mais le domaine des courants alternatifs ordinaires est encore à peine exploré, que déjà d’autres recherches, très récentes, semblent devoir en reculer indéfiniment les limites en l’étendant dans des régions à peu près inconnues où nous rencontrons à chaque pas, sur notre route, la surprise, le paradoxe et l’invraisemblable. Malgré l’aridité un peu spéciale du sujet, il nous a paru utile de faire une incursion dans ce domaine, en résumant pour nos lecteurs les travaux très intéressants d’un des pionniers de ces travaux, M. Nikola Tesla.

Les recherches de M. Tesla ont été présentées par leur auteur, le 20 mai dernier, devant l’American lnstitute of Electrical Engineers, à Columbia College, New-York, et les journaux américains nous en donnent le compte rendu complet. Toutes les expériences faites par M. Tesla ne sont pas nouvelles, les théories avancées pour expliquer certains phénomènes nouveaux ne sauraient être acceptées que sous les plus expresses réserves ; mais l’ensemble de cette étude n’en constitue pas moins un travail important et remarquable qui fera époque dans l’histoire des progrès de la science électrique.

Avant d’analyser les recherches de M. Tesla, résumons tout d’abord très brièvement les caractères distinctifs des courants alternatifs. On sait que, lorsqu’un circuit tourne autour d’un de ses diamètres avec une vitesse angulaire uniforme dans un champ magnétique uniforme, il est le siège d’une force électromotrice périodique changeant de signe deux fois par tour, et qui peut être représentée par une sinusoïde. Ce circuit fermé sur lui-même ou sur une résistance extérieure produit un courant alternatif sinusoïdal changeant également de signe deux fois par tour. Le temps que met le courant alternatif à changer deux fois de sens s’appelle une période ; le nom d’alternativité est réservé au temps que le courant met à passer deux fois de suite par zéro. Il en résulte que la période a une durée double de celle de l’alternativité.

La fréquence d’un courant alternatif est le quotient du nombre de périodes produites en un temps donné par ce temps : elle s’exprime par un certain nombre de périodes par seconde.

La fréquence est un facteur caractéristique important et essentiel des courants alternatifs. On conçoit, en effet, que deux courants alternatifs puissent avoir la même intensité moyenne et la même force électromotrice moyenne, tout en étant produits par des courants alternatifs de fréquences très différentes. Actuellement les fréquences employées dans l’industrie varient entre 42 périodes par seconde (Zipernowsky) et 133 (Westinghouse), soit 100 périodes par seconde en moyenne. Nous les désignerons sous le nom de petites fréquences.

Les propriétés des courants alternatifs à petites fréquences sont aujourd’hui bien connues, ainsi que leurs applications à la transformation et à la distribution de l’énergie électrique pour l’éclairage, la force motrice, à certaines opérations électrochimiques dans lesquelles le courant sert à amener la chaleur en un point donné, à la soudure électrique, etc. Ces diverses applications ont été successivement décrites assez complètement pour que nous n’ayons pas à y revenir. Une fois ces propriétés bien connues, quelques savants se sont demandé ce que deviendraient théoriquement et pratiquement les propriétés des courants alternatifs si l’on poussait leur fréquence bien au delà des limites industrielles actuelles, et les expériences de Tesla n’ont pas d’autre origine : clics ont été entreprises, continuées et menées à bout dans le but de répondre à cette question. Les résultats remarquables déjà obtenus ont montré que la question n’était pas oiseuse et que son étude expérimentale pouvait produire des résultats féconds au point de vue scientifique, en attendant des applications industrielles dont on n’entrevoit encore que vaguement la possibilité.

La première difficulté rencontrée par M. Tesla a été la production de ces courants de grande fréquence. Pour exagérer l’influence de la fréquence, il ne suffisait pas, en effet, de doubler cette fréquence. M. Tesla a construit des générateurs électriques avec lesquels il a obtenu jusqu’à 15000 périodes par seconde, soit 50000 alternativités par seconde, fréquence de 100 à 150 fois plus élevée que celle des alternateurs ordinairement employés dans l’industrie.

Dans ces générateurs dont la description nous entraînerait trop loin, les pôles inducteurs ne sont pas en nombre moindre que 500, disposés sur un disque d’assez grand diamètre, et animé néanmoins d’une énorme vitesse angulaire pour pouvoir fournir la fréquence indiquée. Après avoir produit des courants de grande fréquence, il a fallu combiner un transformateur ou bobine d’induction capable de transformer ces courants et d’augmenter leur tension dans un rapport suffisamment grand pour prooduire des étincelles dans l’air et des phénomènes électrostatiques variés. Mais laissons de côté les modes de production et de transformation de ces courants de grande fréquence pour ne nous occuper que de leurs propriétés si curieuses.

Les phénomènes électrostatiques produits par les courants alternatifs de grande fréquence et de haute tension fournis par la bobine d’induction présentent des caractères essentiellement différents de ceux des machines électrostatiques ou des bobines ordinaires dont le circuit primaire reçoit un courant interrompu par un trembleur ou le courant produit par un alternateur à faible fréquence.

La décharge à l’air libre, entre deux pointes reliées aux extrémités de la bobine induite change considérablement d’aspect avec la fréquence employée, l’intensité du courant primaire et la distance des deux pointes entre lesquelles elle jaillit. Elle prend, avec un courant inducteur de faible intensité, l’aspect d’une fine ligne lumineuse qui se déplace au moindre souffle, mais devient très persistante dès que l’on rapproche les électrodes. Elle augmente de dimensions avec l’intensité du courant, et prend bientôt l’aspect d’une véritable flamme. En augmentant la fréquence, la bobine prend de plus en plus les propriétés d’une machine électrostatique et produit des effluves continues qui se manifestent non seulement entre les deux électrodes, mais jaillissent de toutes les parties saillantes. Ces effluves se produisent même entre le circuit primaire et le cirrcuit secondaire, et mettent en danger l’isolement de la bobine. Des précautions spéciales doivent être prises dans la construction de la bobine pour éviter ce danger.

Un diélectrique interposé entre les deux pôles modifie l’aspect de la décharge. Si les pôles se terminent par deux sphères métalliques placées à une distance trop grande pour que la décharge puisse se produire, il suffit d’interposer plusieurs lames de verre entre les deux boules pour que la décharge se manifeste aussitôt avec une remarquable intensité.

La présence du diélectrique a pour effet d’augmenter la capacité électrostatique du milieu et d’élever le potentiel ; les décharges sont alors assez intenses pour percer le diélectrique. Cet effet se produit principalement avec le verre dense et le mica qui possèdent de grands pouvoirs inducteurs spécifiques. Le diélectrique idéal pouvant résister à ces hautes tensions, et propre, par conséquent, à la construction des bobines, devrait présenter à la fois une très petite capacité inductive spécifique et une grande résistance mécanique aux décharges disruptives. Un vide parfait ou un gaz sous pression répondent seuls à ces besoins, mais leur application ne semble pas bien pratique.

Tous les phénomènes de décharge auxquels donnent lieu les machines électrostatiques ordinaires peuvent être reproduits avec les bobines d’induction dont le primaire est alimenté par un courant de grande fréquence, mais les expériences se présentent avec un caractère beaucoup plus marqué et sous une forme plus frappante, eu égard aux quantités d’énergie électrique incomparablement plus grandes que le courant alternatif met en jeu. C’est ainsi, par exemple, que le tourniquet électrique (fig. 1) présente l’aspect d’une véritable effluve tournante ou d’un soleil illuminé par les décharges électrostatiques. Un fil de cuivre recouvert de coton attaché à une des bornes de la bobine (fig. 2) produit des effluves lumineuses qui l’enveloppent entièrement ; un fil recouvert de gutta-percha ou de caoutchouc, placé dans les mêmes conditions, semble entouré d’une gaine lumineuse, etc.

Les courants alternatifs de grande fréquence semblent infirmer la loi relative aux densités électriques connue sous le nom de pouvoir des pointes. En effet, en attachant à l’un des pôles de la bobine une pointe et une sphère, on observe, avec de très grandes fréquences, que l’effluve se produit aussi facilement sur la sphère que sur la pointe. L’explication de ce fait d’expérience, . donnée par M. Tesla, ne nous paraît pas suffisamment claire pour que nous la reproduisions ici. En garnissant les deux bornes de la bobine de deux colonnes métalliques soigneusement recouvertes d’ébonite, et en fermant toutes les fissures et les joints pour que l’effluve ne puisse se produire qu’aux deux extrémités, on obtient deux véritables flammes presque blanches à leur hase, et qui, dans l’obscurité, présentent l’aspect de deux flammes de gaz s’échappant sous l’action, d’une pression excessive. Pour M. Tesla, il y a là plus qu’une ressemblance : ce sont de véritables flammes que l’on produit ainsi ; elles ne sont pas aussi chaudes que celles d’un bec de gaz, mais elles pourraient

atteindre la même température, si, toujours d’après M. Tesla, il était possible d’élever suffisamment le potentiel et la fréquence. Toute partie d’un circuit conducteur ainsi porté à une température élevée est d’ailleurs le siège d’un dégagement de chaleur appréciable, et ce dégagement de chaleur est d’autant plus élevé que la fréquence des changements de potentiel est plus grande. En s’opposant au déplacement des molécules ainsi chauffées, on peut élever beaucoup la température, au point de porter un corps à l’incandescence.

C’est ainsi qu’un filament très fin enfermé dans un globe de verre, sans même qu’il soit nécessaire de faire le vide dans le globe, peut être porté à l’incandescence. L’expérience, que représente la figure 3, est rendue plus intéressante encore par le fait que le filament décrit un cône autour de son point d’attache, et prend ainsi l’aspect d’un entonnoir lumineux. En faisant varier le potentiel, l’ouverture de l’entonnoir augmente ou diminue. La possibilité de porter un corps à l’incandescence dans un globe fermé, et même non complètement fermé, permettra d’obtenir de la lumière lorsque des procédés industriels de production des potentiels alternatifs de grande fréquence auront été imaginés et réalisés pratiquement.

M. Tesla a présenté à l’American Institution of Electrical Engineers un grand nombre de dispositions à l’aide desquelles on obtient l’incandescence de certaines substances réfractaires simplement reliées à une bobine permettant de les porter à de hauts potentiels de grande fréquence, et c’est par là principalement que les recherches de M. Tesla présentent de l’intérêt et de la nouveauté. En reliant une lampe à deux filaments aux deux extrémités de la bobine on obtient l’incandescence des filaments (fig. 4). Le même résultat est obtenu avec deux blocs réfractaires reliés aux deux conducteurs (fig. 5). Dans ces deux dispositions, les parties que l’on veut porter à l’incandescence doivent être renfermées dans le vide le plus parfait que l’on sache produire. Une lampe à un seul filament reliée à la bobine par un seul fil s’illumine également (fig, 6). Comme le degré d’incandescence de ces filaments et leur résistance aux hautes températures auxquelles ils sont portés dépendent de leur nature, il semble qu’en employant des matières très réfractaires, on puisse établir ainsi des lampes électriques de longue durée, et qui, portées à un haut degré d’incandescence, auront un rendement lumineux bien supérieur à celui des lampes à incandescence ordinaires.

Les effets de ces lampes à un seul filament, peuvent être variés en intensité dans de grandes limites en augmentant leur capacité. Il suffit, pour cela, de les garnir à la partie supérieure d’une calotte métallique (fig. 7) formant en même temps réflecteur, et de relier cette calotte par un fil conducteur à une plaque métallique isolée dont on fait varier les dimensions (fig. 8), L’éclat de la lampe est ainsi changé avec la plus grande facilité. On peut employer un procédé analogue pour produire l’illumination des lampes à deux filaments dont nous venons de parler. Il suffit d’attacher l’un des fils à la bobine, et de relier le second fil à un corps isolé de dimensions appropriées. Ce second fil et le corps auquel il est relié servent à la dissipation de l’énergie électrostatique, et jouent le rôle d’un fil de retour. La lampe s’allume également en mettant le second fil à la terre. M. Tesla a donc réalisé, en résumé, dans ses expériences, des lampes à incandescence à un seul fil.

Mais l’expérience la plus curieuse est sans contredit celle dans laquelle on obtient l’incandescence, l’illumination de tubes à gaz raréfiés sans aucun conducteur. Cette expérience en elle-même n’est pas nouvelle, mais elle peut être réalisée dans des proportions grandioses à l’aide des potentiels alternatifs de grande fréquence. Le principe de la disposition est indiqué figure 9. Entre deux plaques conductrices parallèles disposées à une assez grande distance l’une de l’autre (plusieurs mètres si l’on veut), isolées de la terre et isolées entre elles, on crée un champ électrostatique alternatif de grande fréquence en reliant les deux plaques aux deux bornes d’une bobine d’induction alimentée par un alternateur à grande fréquence.

Dans ces conditions, il surfit de placer en un point quelconque du champ, dans une direction sensiblement parallèle à sa propre direction, des tubes allongés renfermant des gaz raréfiés pour que ces tubes s’illuminent aussitôt, bien qu’ils ne renferment aucune partie métallique et n’aient aucune communication directe avec les deux plaques conductrices créant le champ.

Les tubes s’illuminent dans le champ alternatif électrostatique comme un barreau de fer doux s’aimante en le plaçant dans un champ magnétique. Les effets d’illumination sont considérablement accrus en plaçant dans le tube, comme le faisait d’ailleurs M. Crookes dans ses expériences sur la matière radiante, des matières phosphorescentes telles que de l’ytrium, du verre d’urane, etc. M. Tesla voit dans cette curieuse expérience un procédé idéal d’illumination. Il suffirait, pour cela, de créer un champ électrostatique alternatif de grande fréquence dans le milieu à éclairer et de disposer convenablement des tubes à vide aux points que l’on voudrait éclairer. Nous n’en sommes pas encore là au point de vue industriel et pratique, mais les expériences montrent déjà que cela serait possible. La question d’application est intimement liée, pour M. Tesla, à l’invention de procédés permettant la production facile, industrielle et économique de potentiels alternatifs de grande fréquence.

La communication de M. Tesla se termine par l’indication d’un moyen de production de courants alternatifs de grande fréquence sans avoir recours à des machines spéciales dispendieuses et d’une construction difficile. Ce procédé présente un grand intérêt en ce sens qu’il permettra de reprendre et de compléter les expériences de M. Tesla sans avoir recours à un matériel spécial dont peu de savants peuvent disposer. La disposition indiquée par M. Tesla est fondée sur les propriétés des bobines d’induction et des condensateurs. Lorsque les bornes d’une bobine d’induction de haute tension sont reliées à une bouteille de Leyde qui se décharge disruptivement dans un circuit, l’arc jaillissant entre les deux boules où se produit l’étincelle disruptive peut être considéré comme la source de courants alternatifs d’une énorme fréquence, ou, plus exactement, de courants ondulatoires. L’analogie n’est peut-être pas absolument complète, car on réalise ainsi des séries périodiques de décharges de grande fréquence, séparées par des intervalles de nulle action, au lieu d’obtenir un courant alternatif conservant toujours la même fréquence. Malgré cette différence, les propriétés de ces courants sont assez analogues à celles des courants alternatifs de grande fréquence pour que l’on puisse les utiliser à la reproduction de la plupart des expériences que nous avons indiquées. On obtient ainsi de grandes fréquences, à l’aide d’un appareil de faibles dimensions et d’un prix des plus abordables.

Comme les effets électrostatiques se manifestent dans un circuit pratiquement fermé, ils sont naturellement très faibles. On les augmente (fig.10) en envoyant les courants alternatifs provenant des décharges disruptives périodiques du condensateur dans le circuit primaire d’une bobine d’induction dont le secondaire fournit les différences de potentiel alternatives de grande fréquence nécessaires. Les proportions à donner aux différentes parties de la combinaison ont fait l’objet de longues et nombreuses recherches dont M. Tesla n’a pas, malheureusement, communiqué les résultats, ce qui eût évité bien des tâtonnements à ceux qui auraient l’intention de répéter ces expériences.

La décharge disruptive d’un condensateur permet aussi de convertir un courant alternatif de haute tension en un courant alternatif de basse tension. Voici comment M. Tesla dispose l’expérience dans ce but (fig. 11). Le condensateur est monté en dérivation sur le circuit induit de la bobine dont le primaire est alimenté par un alternateur ou un courant interrompu. Le circuit à bas potentiel est également monté en dérivation, mais en y intercalant un espace d’air dans lequel se produit la décharge disruptive. Si, comme le représente la figure, ce circuit est constitué par une barre de cuivre très conductrice, cc conducteur est le siège de véritables nœuds et ventres entre lesquels il existe des différences de potentiel variables d’un point à l’autre. En établissant des lampes à incandescence en dérivation sur ce conducteur de grosse section, les lampes s’allument et éclairent, bien que shuntées par le fil de grosse section, et celui-ci ne chauffe même pas. La simple loi d’Ohm est donc mise ici complètement en défaut ; mais il y a plus. En intercalant en dérivation sur le conducteur recourbé en U une lampe à incandescence à filament droit, et en employant des fréquences suffisamment élevées, ce qui est facile à obtenir par une modification convenable de la capacité du condensateur monté en dérivation sur la bobine, on observe un fait plus paradoxal en apparence que tous les autres. Malgré la différence énorme des résistances du filament et de l’air raréfié dans lequel il est enfermé, le courant passe pour la plus grande partie dans l’air raréfié qui devient illuminé, alors que le filament reste noir. L’air raréfié paraît donc pour les courants alternatifs de grande fréquence, beaucoup plus conducteur que le filament de charbon.

Après avoir signalé les principales expériences présentées par M. Tesla, nous reproduirons textuellement sa conclusion :

« L’avenir dira dans quelle mesure les résultats obtenus sont susceptibles d’applications pratiques. En ce qui concerne la production de la lumière, quelques-uns de ces résultats sont encourageants et me font croire que la solution pratique du problème se trouve dans la direction que je me suis efforcé d’indiquer. Quoi qu’il advienne, j’ai l’espoir qu’elles marqueront un pas en avant vers la perfection idéale et finale. Les possibilités que font entrevoir les nouvelles recherches sont si vastes que le plus réservé doit être plein de confiance dans l’avenir. Des savants éminents considèrent comme rationnelle l’idée d’utiliser une seule espèce de radiation sans les autres espèces. Dans un appareil combiné pour produire la lumière par transformation d’une forme de l’énergie en énergie lumineuse, un pareil résultat ne saurait être atteint, car quel que soit le processus employé pour réaliser ces vibrations, électrique, chimique ou tout autre, il ne sera pas possible d’obtenir les hautes vibrations lumineuses sans passer par les vibrations thermiques de moindre hauteur. Mais n’est-il pas possible d’obtenir de l’énergie, non seulement sous forme de’ lumière, mais sous une forme quelconque et plus directement par l’action même du milieu ? Le temps viendra où cela sera possible, et en attendant, le temps est déjà venu où il est permis d’émettre des idées de cette nature devant un public d’élite sans être considéré comme un visionnaire. Nous roulons dans l’immensité avec une vitesse inconcevable pour l’esprit : tout tourne, tout est en mouvement autour de nous, l’énergie de mouvement est partout. Il doit y avoir un moyen d’utiliser directement cette énergie. Alors, avec l’énergie du milieu, avec la puissance qui lui sera empruntée, avec l’énergie obtenue sans efforts sous toutes ses formes, énergie tirée d’un milieu inépuisable, l’humanité avancera à pas de géants. La simple contemplation de toutes ces possibilités magnifiques développe notre intelligence, fortifie nos espérances et remplit nos cœurs d’une joie suprême. »

Ces paroles qui terminent la conférence de M. Tesla débordent peut-être un peu trop d’enthousiasme ; le poète a, pour un instant, dominé le savant et habile expérimentateur. Malgré ces exagérations, il ne reste pas moins acquis à la science un grand nombre de faits intéressants. M. Tesla est le pionnier d’une voie nouvelle, sans qu’on puisse prévoir encore si elle conduira à un but pratique, ou s’il faudra rebrousser chemin après avoir inutilement exploré le terrain dans lequel elle s’engage.

Edouard Hospitalier

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