Paul Topinard (1830-1912)

J. Deniker, la Revue Générale des Sciences Pures et Appliquées — 30 mars 1912
Vendredi 25 mars 2011 — Dernier ajout mercredi 6 février 2013

Paul Topinard, mort le 20 décembre 1911, fut le dernier représentant de la brillante phalange de savants français qui, dans la deuxième moitié du siècle passé, ont fondé l’Anthropologie et l’ont propagée dans le monde entier. Autour de maîtres comme Paul Broca et A. de Quatrefages, se groupaient alors des élèves comme Gabriel de MortiIlet, E. T. Hamy et Topinard ; et, s’il faut considérer Broca comme le véritable fondateur de l’Anthropologie, Il est juste d’attribuer à Topinard le rôle de propagateur le plus ardent de cette science.

Né le 4, novembre 1830, à l’Isle-Adam (Seine-et-Oise), Topinard n’a pas suivi la voie régulière des études. Parti enfant aux États-Unis avec son père qui s’y occupait d’exploitations forestières, il se développa librement au milieu de la Nature ; son instinct d’observation avait un vaste champ d’étude devant lui et il en profita.

Rentré en France après dix années de séjour en Amérique, Topinard aborda les études scolaires presque à l’âge où d’autres les terminent. Cela ne l’a pas empêché de passer avec succès tous les examens à la Faculté de Médecine, puis d’être nommé interne et docteur (1860). Mais, tout en passant les examens, il faisait des recherches originales et publia en 1865 un mémoire remarquable sur l’ « ataxie locomotrice progressive ».

Pendant le siège de Paris, il fit son devoir, comme médecin des ambulances établies aux fortifications ; et c’est là, pendant que les canons grondaient, qu’il fit connaissance avec P. Broca, dont la parole séductrice le décida à abandonner la clientèle et à s’adonner complètement, dès 1872, à l’étude d’une science, alors toute jeune encore, l’Anthropologie. Il travailla au laboratoire créé et dirigé par Broca et publia des mémoires Importants sur le prognathisme, sur les Australiens et sur les populations de l’Algérie. Il a eu le courage de publier en 1876 le premier manuel d’Anthropologie, où il résumait fidèlement les connaissances de l’époque. Ce manuel a eu six éditions successives.

Nommé en 1876 professeur à l’École d’Anthropologie que venaient de créer Broca et ses amis, puis en 1877 directeur adjoint du Laboratoire d’Anthropologie à l’École des Hautes Études, il élargit le champ de ses investigations et étudia l’un après l’autre tous les caractères somatiques (taille, angle facial, colonne vertébrale, nez, etc.) qui distinguent les races humaines entre elles ou bien qui différencient l’homme de ses proches parents, les Anthropoïdes, et des autres Mammifères. En même temps, il étudia les différentes méthodes d’anthropométrie et s’occupa de l’histoire de l’Anthropologie en général. Toutes ces recherches l’ont préparé pour la publication d’un ouvrage magistral : Éléments d’Anthropologie générale (Paris, 1885, 1 vol. in-8° de 1.157 pages), qui, malgré quelques parties vieillies, reste encore aujourd’hui parmi les traités les plus consultés d’anthropologie somatique et jouit d’une considération universelle. La meilleure preuve, c’est qu’il a été traduit en cinq ou six langues.

A la mort de Broca, Topinard lui succéda comme secrétaire général de la Société d’Anthropologie (1880-1885) et comme directeur de la Revue d’Anthropologie (1880-1889), deux fonctions qui lui prirent beaucoup de temps, au détriment de recherches personnelles. Cependant de cette époque datent des travaux importants sur le cerveau, sur le cubage du crâne, sur proportions du tronc, etc.

Ayant quitté l’enseignement à l’École d’Anthropologie en 1890, et après un voyage aux États-Unis, Topinard s’est adonné à l’étude des questions d’un ordre général, et ses livres ; L’Homme dans la Nature (1891), L’Anthropologie et la Science sociale (1900), ainsi que ses articles dans le Monist (du Dr Carus, de Chicago), témoignent de ses préoccupations tournées vers les questions religieuses et les problèmes de l’avenir des sociétés humaines.

Sous des apparences un peu rudes et heurtées, Topinard avait un cœur bon et des idées très larges. Il accueillait avec bienveillance les jeunes qui se lançaient dans les études anthropologiques. Il a formé ainsi nombre d’élèves français et étrangers qui ont servi, autant que ses écrits, à propager dans le Monde entier la nouvelle science.

J. Deniker., Bibliothécaire du Muséum d’Histoire naturelle

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