Le moteur Diesel à combustion intérieure

Joseph Laffargue, La Nature N°1277 — 20 Novembre 1897
Mercredi 15 septembre 2010 — Dernier ajout jeudi 24 mars 2016

Le moteur Diesel, sur lequel nous avons déjà [1] attiré l’attention de nos lecteurs, est un moteur dont le principe est des plus originaux, et qui doit être construit prochainement en France. Nous avons pu trouver, dans le journal Prometheus, quelques renseignements sur les premières expériences effectuées à Augsbourg par M. Diesel.

On sait que les machines à vapeur sont aujourd’hui construites avec toute la perfection désirable et qu’elles ont presque dit leur dernier mot au point de vue de l’utilisation de la quantité de chaleur dégagée par le charbon qu’il faut brûler dans les chaudières pour les alimenter. Le professeur Schröter dans des expériences sur une machine de 700 chevaux à triple expansion, à 11 atmosphères et à condensation, n’a trouvé comme travail utile que 12,1 % du travail correspondant à la quantité de chaleur dégagée par le charbon brûlé. Le chiffre de 15 % peut dont être regardé aujourd’hui comme la limite maxima de cette utilisation. Dans les moteurs à gaz on peut atteindre 22 à 24 %.

Dès 1895, M. Diesel s’était occupé de la construction d’un nouveau moteur rationnel, pour l’utilisation de la chaleur, dans un ouvrage dont il a déjà été question. Dans son brevet, il définissait ainsi la nature de son moteur : dans un cylindre l’air est comprimé par le piston de façon à atteindre une température supérieure à la température d’inflammation du combustible. L’arrivée du combustible dans ce même cylindre se fait graduellement à partir du point mort, de sorte que par le déplacement du piston et par l’expansion de l’air comprimé la combustion s’opère sans élévation de température ni de pression. Après la suppression de l’arrivée du combustible, l’expansion des gaz s’opère dans le cylindre du travail.

En partant de ce principe, M. Diesel est arrivé à construire un moteur dans lequel la température s’élève au début à 600 ou 800° et la pression de 50 à 90 atmosphères.

Le moteur d’essai a été construit à Augsbourg et présenté le 27 avril ; le 16 juin 1897, il était décrit devant la Société des ingénieurs de Cassel. La figure 1 ci-jointe donne une vue extérieure du moteur. On voit en A le cylindre à la partie supérieure, en B l’arbre portant la roue motrice ; sur le couvercle du cylindre se trouve une soupape conduite par un disque C fixé sur un petit arbre mobile spécial. Sur ce même arbre est montée la pompe à pétrole. Un régulateur à force centrifuge E règle l’arrivée de pétrole suivant la charge. Sur le côté en F est la pompe mise en marche par le moteur et qui sert à comprimer l’air.

Des essais comparatifs ont été faits avec un moteur à gaz de même puissance à 4 temps. La figure 2 nous montre les divers diagrammes obtenus. Le n°1 se rapporte au moteur à gaz, le n°2 au moteur Diesel à pleine charge, le n°3 au moteur Diesel à moitié charge et le n°4 au moteur Diesel à vide.

Dans le diagramme n°1, on voit au premier temps que le piston aspire le mélange gazeux à la pression atmosphérique ; au retour en arrière du piston, la pression monte en B à 3 atmosphères, l’inflammation se produit, l’explosion survient et la pression monte en C à 22 atmosphères, le piston revient en avant, chasse les gaz et la pression retombe graduellement en A. Dans le diagramme n°2 du moteur Diesel de 20 chevaux, l’air est d’abord aspiré à la pression atmosphérique, il est ensuite comprimé graduellement jusqu’à 34 atmosphères, la température s’élève alors à 600°. Le pétrole arrive dans cet air échauffé, se vaporise et la pression descend graduellement jusqu’à 3 atmosphères ; en ce point la température est de 300°. Ensuite se fait l’expulsion des gaz brûlés.

Les principales dimensions du moteur étaient les suivantes : le cylindre de travail avait un diamètre de 250,35mm, une course de 398,5mm, et un volume de 19,62 litres. La pompe à air avait un diamètre de 70mm, une course 200mm et un volume de 0,77 litre. La puissance indiquée a été à pleine charge de 24,77 chevaux au cylindre et de 1,17 cheval à la pompe ; à moitié charge elle a été de 17,71 chevaux au cylindre et de 1,14 à la pompe.

Le pétrole employé avait une densité de 0,795, une puissance calorifique de 10206 calories kilogramme-degré par kilogramme et la composition suivante : carbone 85,13 %, hydrogène 14,21, oxygène 0,66.

Pour une puissance effective de 17,82 chevaux, les dépenses de pétrole ont été de 238 grammes par cheval-heure effectif et de 180 grammes par cheval-heure indiqué.

Pour une puissance effective de 9,58 chevaux, la quantité de pétrole consommée a atteint respectivement 278 et 161 grammes par cheval-heure effectif et indiqué.

La température des gaz à leur sortie était de 378° à pleine charge et de 260° à moitié charge. Dans le premier cas leur composition était % de 9,96 d’acide carbonique, de 4,7 d’oxygène, de 0,2 d’oxyde de carbone, et de 85,14 d’azote. A moitié charge, la composition des gaz a varié, ils renfermaient 5,95 % d’acide carbonique, 11,75 d’oxygène, 0,00 d’oxyde de carbone et 82,3 d’azote.

Si nous examinons la répartition de la quantité de chaleur, dégagée par la combustion du pétrole, noues trouvons que 34,7 % sont utilisés dans le travail indiqué, 40,5 % dépensés dans le refroidissement et 25 % dans diverses pertes. C’est déjà un résultat bien supérieur à celui que nous avons trouvé pour la machine à vapeur.

Ajoutons que le moteur est autorégulateur ; Si pour une raison, il vient à être déchargé ou chargé, le régulateur à force centrifuge agit et diminue ou augmente la quantité de pétrole introduit dans le cycle.

En résumé, le moteur Diesel semble présenter de grands progrès sur les moteurs actuels, et il n’est encore qu’à ses débuts ; il est donc susceptible de grands perfectionnements.

Joseph Laffargue

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