Les applications des aciers au nickel, avec un appendice sur la théorie des aciers au nickel. par Ch.-Ed. Guillaume

J. Derôme, la Revue Scientifique 2 juillet 1904
Vendredi 28 mai 2010 — Dernier ajout jeudi 1er février 2018

1 vol. in-8 de 215 pages avec 25 figures. Librairie Gauthier-Villars. Paris 1904. - Prix ; 3 fr.50.

Nos lecteurs connaissent déjà, au moins d’une manière générale, les curieuses propriétés physiques que possèdent les aciers au nickel et qu’a mises si nettement en évidence M. Charles Édouard Guillaume, l’éminent physicien du Bureau international des poids et mesures de Breteuil. Depuis longtemps déjà, les variations des propriétés fondamentales des corps (volume, élasticité, etc.) avaient été si bien constatées par les physiciens qu’on avait tendance à les considérer comme inhérentes à la matière et pouvant servir à la définir. On était arrivé il penser qu’il devait être impossible de supprimer ces variations, et on s’était alors résigné à en tenir compte dans les diverses applications pratiques : de là l’emploi de mécanismes complexes dans lesquels la complexité paraissait inévitable si l’on voulait faire des mesures de précision. Aussi la découverte d’alliages invariables fut-elle une véritable révolution dans la construction des instruments de mesure ; et la première conséquence fut le retour à des systèmes et mécanismes simples.

La pratique est venue sanctionner d’ailleurs les essais des alliages proposés par M. Guillaume, et l’on peut presque affirmer aujourd’hui que leurs applications sont vraiment entrées dans le ’domaine industriel.

L’ouvrage de M. Guillaume est consacré à l’exposé de quelques faits récemment découverts, puis à l’étude des méthodes auxquelles conduit l’emploi des aciers au nickel.

L’utilisation des alliages peu dilatables s’impose en géodésie et métrologie, où il importe d’obtenir toujours des résultats précis au milieu de conditions de variabilité dont on ne peut se rendre maître. En particulier l’emploi des aciers au nickel a permis d’apporter de grandes simplifications aux appareils de mesure des bases en géodésie, et c’est ainsi qu’ont pu être considérablement abrégés et facilités les travaux entrepris récemment par la mission russe au Spitzberg et par la mission française dans la République de l’Équateur pour une nouvelle détermination de la forme de la Terre.

Dans un autre ordre d’idées, les aciers au nickel sont appelés à jouer un rôle considérable dans les applications chronométriques : jusqu’ici on avait dû imaginer des procédés plus ou moins parfaits pour réaliser, par exemple, la compensation du pendule : les aciers au nickel rendent possible la suppression des mécanismes de compensation. Du reste, l’application s’étend aisément au balancier des chronomètres et au spiral. Comme le montre très bien l’auteur, les divers progrès ainsi réalisés sont dus au fait que les aciers au nickel réversibles traversent une longue région de transformation où les anomalies s’accumulent, et toutes les phases de l’anomalie sont utilisées pour le perfectionnement des divers instruments destinés à la mesure du temps.

À côté des applications métrologiques et chronométriques, il convient de signaler pour les aciers au nickel toute une série d’applications diverses qui présentent aussi une grande importance : construction d’instruments de précision, de thermomètres bimétalliques, établissement de transmissions indéréglables où l’on emploiera des alliages à faible dilatation ; encastrement d’objectif, fabrication de niveaux, soudure étanche d’un métal dans du verre et du cristal , où l’on emploiera des alliages à dilatation déterminée ; — construction de diapasons, de fils de torsion, de ressorts divers, où l’on s’adressera à des alliages possédant un module d’élasticité invariable.

L’ouvrage se termine par un exposé de la théorie des aciers au nickel, imaginée par l’auteur et qui rattache les propriétés inattendues et un peu bizarres des alliages de fer et de nickel -à un petit nombre de faits principaux dont les anomalies observées ne sont que des conséquences logiques et naturelles.

Par là les travaux si intéressants et si féconds de M. Ch.-Ed. Guillaume se rattachent aux théories des transformations allotropiques du fer de M. Le Chatelier et de M. Osmond : « Toutes les anomalies des aciers au nickel peuvent être ramenées à une même cause. la transformation allotropique du fer, modifiée par la présence du nickel, abaissée dans l’échelle des températures, généralement étalée, et affectée ou non d’hystérèse, suivant l’état de dilution de la solution réciproque du fer ou du nickel. »

J. Derôme

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