Raifort

A. Truelle - Supplément à La Nature N° 2748 - 4 décembre 1926
Dimanche 15 février 2009 — Dernier ajout samedi 24 décembre 2022

Ainsi que deux autres crucifères, le Cresson de fontaine et la Moutarde, le Raifort ou Cochlearia de Bretagne (Cochlearia Armoracia L.) joue un rôle assez actif dans l’art médical et dans l’art culinaire. Très connu sous les noms de Rorique rustique et de Cran de Bretagne, il l’est encore, quoique de façon moindre, sous ceux de Cran des Allemands, Cranson rustique, Granson des Anglais, Moutarde des moines, Moutarde des Allemands, Moutardelle, Radis de cheval, Rave-luque, Ravenelle, Rave sauvage, etc.

Habitat — On le suppose originaire de l’Europe orientale. En. France, il croit naturellement sur les bords des ruisseaux dans les pays humides, sur les côtes de la mer, notamment en Bretagne.

Description sommaire. — Plante vivace, dont la tige dressée, fistuleuse, glabre, rameuse au sommet, atteint 0m. 60 à un m. Feuilles inférieures bien développées, longuement pétiolées, ovales, oblongues, dentées en scie. Fleurs (mai-juin), petites, blanches, très nombreuses, disposées en grappes terminales. Fruit (silicule), petit, ovoïde, couronne par le stigmate persistant. Graines ovoïdes, lisses, mais généralement stériles. Racine épaisse, charnue, pouvant atteindre 75 à 80 cm de longueur et jusqu’à 5 cm de diamètre dans sa partie moyenne. Elle est pourvue d’une saveur âcre, brûlante, piquante, rappelant, quand on la râpe ou l’écrase, celle de la moutarde, mais qui provoque le larmoiement.

Culture. — Elle existe partiellement depuis longtemps dans de nombreux jardins maraîchers et, depuis plusieurs années, sur une plus grande échelle, dans quelques communes de la Seine, spécialement à Montreuil et à Orly. Le raifort demande une bonne terre profonde et fraîche que l’on a eu soin, avant la plantation, de défoncer à 40 cm, environ, et de fumer fortement au fumier bien décomposé. Dans ces conditions, il se développe vigoureusement, mais il faut bien choisir l’endroit où l’on veut le planter, car il est très difficile de l’en extirper quand il s’y est bien acclimaté. Aussi, pour cette raison, convient-il de lui réserver, dans le Jardin familial, un coin de terre très fraîche et ombragée.

Multiplication. — Étant donné que les graines, même les plus récentes, sont presque toujours stériles, il ne faut pas songer au semis pour le propager, mais n’employer que les éclats ou tronçons de racine. Ceux-ri ont généralement de 8 à 10 cm de longueur et possèdent un œil ou bourgeon. On les prend, habituellement, parmi les petites racines que l’on a séparées à la récolte et que l’on a conservées dans du sable. Ce sont d’ailleurs ces jeunes plants qui sont vendus par les marchands grainiers ou les pépiniéristes (A. G. et D.). Selon ces auteurs, il est un moyen assez rapide qui consiste à sectionner des racines de raifort en morceaux de grosseur quelconque, mais de 3 à 5 cm de longueur. Ils sont plantés en lignes tous les 25 cm en écartant celles-ci de 70 cm environ. On a, par ce moyen, une plantation moins coûteuse qu avec le jeune plant et qui réussir tout aussi bien. On lui donne la première année les soins culturaux nécessaires pour empêcher l’envahissement par les mauvaises herbes. On trouvera de plus amples détails dans Culture des plantes médicinales, par A. Rolet et D. Bouret.

Récolte et conservation. — On peut récolter à l’automne qui suit la plantation faite par éclats au printemps, mais, de l’avis général, il vaut mieux attendre la deuxième et la troisième année parce que les racines sont plus grosses. Le meilleur mode d’arrachage se fait à la bèche avant la floraison ; il est bien rare qu’on obtienne les racines entières. On prive les grosses de leur collet et de leurs radicelles lorsqu’on les destine à la vente ou à la consommation et on les conserve à la cave dans du sable fin.

Composition chimique. — Le principe le plus actif de la racine est une huile volatile sulfurée extrêmement irritante qui provoque les larmes et répand une odeur très désagréable. Appliquée sur la peau elle l’enflamme et produit de la vésication, Elle ne préexiste pas dans la racine et ne se forme que sous l’influence de l’eau de végétation mise en liberté.

Propriétés thérapeutiques. — On n’a commencé à les connaître qu’au XVIIIe siècle. Le raifort est considéré comme puissant antiscorbutique, antigoutteux, stimulant énergique, diurétique et rubéfiant. Son action dominante est d’exciter les muqueuses et de modifier la nutrition générale.

Préparations pharmaceutiques. — La racine fraîche est la seule partie employée. Elle entre dans plusieurs médicaments : la tisane de raifort, la teinture de raifort composée, l’alcoolat de cochléaria composé, le vin et le sirop antiscorbutique, la bière antiscorbutique, tout autant connue sous le nom de " sapinette » et dont voici la compostion : Ilaifort récent 60 gr., feuilles de cochléaria 80 gr. ; bourgeons de sapin 30 gr. : bière nouvelle, deux litres. Faire macérer ou 4 jours et filtrer. Le docteur H. Leclerc a donné une excellente formule du sirop de raifort préparé à froid : couper les racines en rondelles, les disposer en couches sur un filet tendu au-dessus d’un plat et les recouvrir de sucre ; donner le liquide sirupeux qui s’écoule à la dose de 1 à 2 cuillerées à soupe par jour. A l’extérieur, les cataplasmes de pulpe froide de raifort exercent une action révulsive et méme vésicante supérieure à celle de la farine de moutarde. On pourrait, d’après le D Héraud, se servir de la racine sèche, si on l’avait desséchée avec soin, car elle reprend toutes ses propriétés au contact de l’eau. La racine crue et râpée, seule ou avec du vinaigre et du sel, s’emploie comme condiment à la manière de la moutarde.

Observations commerciales. — Les racines fraîches ont été vendues en gros 15 à 30 francs le cent ; les racines sèches 1 Franc à 1 fr. 25 le kilogramme.

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