Pavot blanc

A. Truelle - Supplément à La Nature N° 2745 - 13 novembre 1926
Dimanche 15 février 2009 — Dernier ajout samedi 24 décembre 2022

Des différentes variétés de pavots cultivées pour l’extraction de l’opium, celle qui mérite la préférence pour le Jardin familial, non pas pour l’obtention de ce suc que je ne saurais conseiller, mais pour la production de ses capsules, c’est le Pavot blanc (Papaver somniferum album L.) Papavéracées, qu’on nomme encore Pavot à opium, P. officinal, P. somnifère, P. à fleurs blanches, etc. On en connaît deux races, celle à capsules oblongues ou déprimées et celle à têtes rondes, et l’on peut y joindre, d’après MM. .A. Goris et J. Demilly, une variété à grosse capsule très cultivée en Europe comme pavot médicinal pour le produit connu sous le nom de « Tête de Pavot. »

Habitat. — Le pavot à opium est originaire de l’Orient et de l’Extrême-Orient où se trouvent les différentes régions qui le cultivent pour ce produit.

Description sommaire. — Plante annuelle plus ou moins glabre, exhalant à l’état vert une odeur vireuse. Tige de 1 m. à 1 m. 20 de hauteur, fistuleuse. Feuilles alternes, sessiles, embrassantes, incisées et dentées sur le bord, d’un vert bleu cendré. Fleurs s’épanouissant de juin à juillet, variant du blanc au violet, noirâtres à la base. Fruit, capsule indéhiscente, surmontée de 10 à 12 stigmates élargis et persistants, possédant à l’intérieur des lames longitudinales supportant les semences avant maturité. Graines blanches ou jaunâtres, très petites et nombreuses, 15 000 à 30 000 environ.

Culture. — Le Pavot à opium a été introduit en France par Tournefort. Des essais de culture ont été entrepris en Picardie, en Auvergne, en Algérie ainsi que dans la région parisienne, et les opiums obtenus aux environs d’Amiens et dans la Limagne ont fourni à l’analyse entre 20 à 22 pour 100 de morphine. En outre, il a été reconnu par MM. Gillet et Millant que, pour les usages médicaux, ils n’auraient rien à envier, au point de vue de la qualité, aux opiums recueillis en Orient. On trouvera dans le livre Culture des plantes médicinales, de MM. A. Rolet et D. Bouret, tous les renseignements désirables que je ne puis donner ici sur ce sujet. Le pavot est exigeant sur la nature du sol où l’on doit le cultiver. Pour sa culture en grand, il lui faut une terre profonde, légère, calcaire-argileuse ou calcaire-siliceuse, substantielle, bien fumée, et surtout rendue aussi meuble que possible par deux labours dont le dernier à l’époque des semailles, à cause de la finesse des graines. Dans le Jardin familial, ces conditions sont faciles à remplir, surtout s’il a été fait sur l’emplacement d’un ancien jardin fleuriste, car le pavot une fois semé se reproduit ensuite de lui-même, ce qui est appréciable, étant donnés les fréquents usages journaliers que l’on fait de ses capsules.

Multiplication. — On y procède par semis. On l’effectue vers la fin de février ou au début de mars par un temps sec, en ayant soin de mélanger les graines avec 3 à 4 fois leur volume de sable fin bien sec. On suivra, en petit, dans notre jardin, les recommandations de MM. A. Colis et J. Demilly. On opère au moyen d’une bouteille dont on a préalablement percé le bouchon, ou bien à la main en procédant par petites pincées, car il importe de semer très clair pour n’avoir pas de plants trop serrés et formant excédent, l’éclaircissement étant très difficile. La graine ne doit être que légèrement recouverte. Il faut par hectare kg à z kg 5oo, environ, de semences. Dans le but de détruire les mauvaises herbes, l’éclaircissage est pratiqué de bonne heure, lorsque les plants ont 3 à 4 feuilles, en laissant 18 à 25 cm de distance entre eux ; on effectue ensuite deux binages, le dernier suivi d’un buttage. Dans les conditions culturales favorables, les plantes poussent rapidement et fleurissent vers le quatrième mois qui suit la germination. Un pied de pavot donne, en moyenne, 4 tètes et un hectare 200 à 250 000.

Récolte et séchage. — Comme la culture du pavot dans le Jardin familial n’a en vue, ainsi que je l’ai dit, que la production de ses têtes et non celle de l’opium, on les laisse .croître, sans les inciser pour en extraire le latex, jusqu’à ce qu’elles cessent de grossir et soient presque mûres. On n’est pas d’accord sur leur maturité, complète ou incomplète ; on allègue, dans l’un ou l’autre cas, une plus grande quantité des principes actifs ; qui a raison ? On plie les tiges à mi-longueur et on les abandonne ainsi jusqu’à ce que les têtes soient bien fermes. On les cueille alors avec un bout de queue de 0m. 20 environ. On les réunit dans un endroit bien aéré en les remuant de temps à autre en attendant qu’elles craquent sous la pression, ou bien on les dessèche à l’étuve. On les réunit en guirlandes ou en paquets que l’on suspend dans un local sec à l’abri des rongeurs.

Composition chimique. — Le séchage des capsules ne leur enlevant pas leurs principes vénéneux, elles contiennent par suite les nombreux alcaloïdes de l’opium (on en compte environ 17 plus ou moins toxiques) qu’elles peuvent céder à un solvant approprié comme l’eau bouillante.

Propriétés thérapeutiques. — Elles sont connues dès la plus haute antiquité où le pavot était prescrit contre l’hystérie, la dysenterie, le choléra et l’insomnie ; il servait de base à la fameuse thériaque si oubliée depuis assez longtemps. Les capsules sont regardées comme béchiques, pectorales, sédatives et légèrement narcotiques ; les feuilles comme narcotiques. Préparations pharmaceutiques. — Infusion des capsules, 10 gr. par litre (avoir soin de jeter les graines qui sont inactives et cèdent une certaine quantité d’huile), sirop 10 à 40 gr. Il faut être prudent dans leur emploi pour les enfants auxquels on ne doit les faire servir, comme les opiacés, que sur la prescription formelle d’un médecin. Elles entrent très fréquemment dans la médecine populaire sous forme de fomentations, gargarismes, injections et lavements, à la dose de 20 gr. par litre. Les feuilles fraîches font partie de l’onguent populéum et du baume tranquille. L’art vétérinaire se sert aussi des capsules pour les mêmes usages que la médecine humaine. Quant aux graines qui ne possèdent pas les mêmes propriétés que les autres parties de la plante, on en extrait de l’huile et le tourteau peut être mangé sans inconvénient par les animaux.. Les anciens préparaient avec la farine des graines une sorte de gâteau ; il en est encore de même en Orient et en Italie où on le nomme « paverata ».

Observations commerciales. — La culture du pavot a été recommandée. L’herboristerie préfère les capsules rondes aux capsules oblongues et les paie plus cher, Les feuilles, dont la vente est faible, valent de 0 fr. 70 à 0fr. 80 le kilogramme.

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