Pierre Curie

J. Laffargue — La Nature N°1719, 28 avril 1906
Mardi 14 juillet 2009 — Dernier ajout mercredi 3 août 2011

Le 19 avril, dans la soirée, à l’Exposition annuelle de la Société Française de Physique, une grave nouvelle circulait parmi les membres présents. Tout le monde était atterré, personne ne pouvait y croire. La nouvelle n’était malheureusement que trop vraie : M. P. Curie avait été écrasé dans l’après-midi par un lourd camion de manutention.

Nos lecteurs connaissent M. Curie, cet illustre savant que sa dernière découverte du radium a mis en vedette, et qui avait déjà fait des travaux intéressants sur la chaleur dans le spectre, la piézo-électricité, la dilatation électrique des cristaux, etc. Nous avons eu l’occasion de mentionner tout particulièrement et d’analyser ses derniers travaux, il y a peu de temps, et nous ne pouvons que renvoyer à ces différents extraits.

Dans un premier article [1], M. Paul Bary, chef des travaux pratiques à l’Ecole de Physique et de Chimie, a expliqué la genèse des travaux de M. et Mme Curie sur le radium et la radio-activité. Il nous a appris que le radium était véritablement un métal nouveau, d’un poids atomique bien déterminé et donnant à l’analyse spectrale une série de raies absolument caractéristiques. A cette époque, Mme Curie venait d’obtenir, après un traitement très long, environ 1 décigramme de chlorure de radium pur, débarrassé du baryum avec lequel on le trouve toujours. On sait que le traitement d’une tonne de pechblende ne donne que 2 décigrammes de radium. Le produit pur servit à déterminer le poids atomique qui fut trouvé égal à 225.

Pendant l’année 1903, M. Curie ne cessa d’étudier le radium et de lui découvrir une série de propriétés curieuses. Il trouva notamment [2] , avec ,M. Laborde, qu’un atome-gramme de radium (225 gr.) dégageait pendant chaque heure 22500 calories, nombre comparable à celui de la chaleur dégagée par la combustion dans l’oxygène de l’atome-gramme d’hydrogène. On trouva également de tous côtés des faits curieux qui furent enregistrés : influences physiologiques, radium engendrant de l’hélium par désagrégation atomique, radium source de la chaleur solaire, etc.

On apprit enfin en décembre [3] 1903 que le prix de physique Nobel était décerné par l’Académie Royale de Stockholm à la fois à M. Henri Becquerel. de l’Académie des sciences, pour ses recherches sur l’uranium et ses radiations, et à M. et Mme Curie pour la découverte du radium. Nous ayons aussitôt publié une notice complète sur le radium [4], notice due à M. P. Besson et qui faisait connaître nettement tous les points alors bien établis sur ce métal. M. Jacques Danne, préparateur de M. Curie à l’École de physique ct de chimie, fit une étude sur les sels de radium [5], il décrivit la mesure de l’activité des substances radioactives par l’électroscope, il montra le dégagement de chaleur des sels de radium, l’ébullition de l’hydrogène et l’action du champ magnétique sur les sels de radium.

En 1905, la Société Royale de Londres décerna à M. Curie la médaille Davy, une de ses plus hautes récompenses.

En 1904, une chaire de physique générale fut créée pour M. Curie à la Sorbonne, chaire à laquelle on adjoignit un laboratoire, dont Mme Curie fut nommée chef des travaux quelques mois plus tard. Le premier cours de M. Curie porta dans le premier semestre de l’année scolaire 1904-1905 sur la Radioactivité, dans le second semestre sur la Symétrie et la Théorie des vecteurs. Dans le premier semestre de la présente année scolaire, il avait entrepris un cours très remarqué sur « l’ionisation et la Radioactivité. »

Tout le monde a connu ces magnifiques travaux que nous venons de rappeler sommairement. Aussi, pour consacrer définitivement la gloire de cet illustre savant, l’Académie des sciences l’élut membre dans la section de physique, en remplacement de M. Potier, dans sa séance [6] du 3 juillet 1905.

Qu’il nous soit permis en terminant de déposer devant celle tombe si prématurément ouverte lin hommage ému et reconnaissant. La science perd un de ses plus illustres représentants ; nous perdons un maitre bien aimé qui a guidé, dans le laboratoire, nos premiers pas chancelants et dont les conseils bienveillants ne nous ont jamais manqué.

Joseph Laffargue Ancien élève de l’École de Physique et de Chimie industrielles.

[1Voy. n° 1528 du 6 septembre 1902, p. 209

[2Voy. n° 1557 du 28 mars 1903, p. 259.

[3Voy. n° 1595 du 19 décembre 1903, p. 46.

[4Voy. n° 1597 du 2 janvier 1904, p. 70.

[5Voy. n° 1606 du 5 mars 1904, p. 214 et n° 1608 du 19 mars 1904, p. 243.

[6Voy. n°1676 du 8 juillet 1905, p. 95.

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